Le président par intérim du Mali, Diacoundé Traoré, a officiellement requis, mardi 4 septembre, une intervention militaire de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) pour libérer le nord du Mali, occupé par des islamistes depuis cinq mois. Alors que la nature de l'intervention militaire reste encore trouble, Gilles Yabi, directeur du projet ouest-africain de l'organisation International Crisis Group, analyse les enjeux liés à une intervention militaire au Mali.
En quoi la demande officielle du Mali est-elle importante ?
Cela fait plusieurs mois que la Cédéao a annoncé son intention d'intervenir au Mali et qu'elle prépare une assistance militaire dans la zone. Mais en l'absence d'une demande officielle claire du Mali, aucune action externe n'était envisageable. La demande du président Diacoundé Traoré est donc un signe politique fort, qui arrive au moment où la communauté internationale commençait à s'impatienter.
Pourquoi Bamako n'a-t-il pas demandé une aide militaire plus tôt ?Les raisons sont politiques. Le Mali a un gouvernement bicéphale, composé du président et du premier ministre, et ceux-ci ne sont pas soumis aux mêmes influences. De nombreux sons de cloche existent au sein des autorités politiques maliennes à propos d'une intervention et le gouvernement peine à s'exprimer d'une seule voix. Le pouvoir du capitaine Amadou Sanogo, chef de la junte militaire, est également un élément clé vis-à-vis de la nature du mandat de la Cédéao.
Quelle est la position du chef de la junte ?
Amadou Sanogo n'est pas contre une assistance militaire, mais elle doit être uniquement d'ordre logistique, dans le domaine des transports, particulièrement aériens, car le Mali dispose de très peu d'équipements de ce type. Sanogo voudrait aussi une assistance pour assurer la formation militaire, notamment pour développer ses techniques de luttes antiterroristes.
Pourquoi le capitaine Sanogo s'oppose-t-il à un déploiement militaire ?
S'il combat catégoriquement une intervention militaire importante sur le sol malien, c'est parce qu'il craint (de même qu'une partie de l'armée, derrière lui) que la junte perde son importance. Une aide militaire externe à la reconquête du Nord menacerait son influence auprès du gouvernement alors que Sanogo veut, au contraire, montrer que la junte a du pouvoir et qu'elle a son mot à dire. C'est un point de blocage important. Sanogo souhaite une intervention dans laquelle l'armée malienne sera la plus nombreuse possible.
La nature du mandat de la Cédéao reste donc trouble ?
Le fait même que le capitaine Sanogo ait publiquement indiqué qu'il se désolidarisait d'un déploiement militaire immédiatement après la demande officielle du chef de l'État est explicite. De son côté, la Cédéao veut renforcer les autorités civiles par rapport aux autorités militaires et se serait préparé à envoyer 3 300 hommes au Mali. Elle souhaite la présence de militaires à Bamako pour protéger les institutions de la transition politique. Sanogo combat farouchement cette possibilité et Traoré lui-même écarte cette option dans sa lettre, ce qui apparaît d'ailleurs comme une concession faite par le gouvernement aux militaires.
Quel rôle joue l'ONU dans ces tractations ?
Il est indispensable que la Cédéao ait le soutien de l'ONU car elle n'a pas les moyens financiers d'effectuer à elle seule une intervention au Mali. Dès la fin du mois, à New York, il y aura des discussions importantes à ce sujet lors de la réunion du Conseil de sécurité. L'Union africaine joue également un rôle important dans les négociations. Il est possible que l'appui de l'ONU passe par cette organisation.
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