Au Mali, la guerre de l'ombre a déjà commencé - Le Nouvel Observateur
Les Américains, les Français, les Algériens et les Mauritaniens n'ont pas attendu le feu vert de l'Onu pour traquer les terroristes.
Mots-clés : Terrorisme, Ansar Dine, Gspc
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Des islamistes du groupe armé Ansar Dine au Nord du Mali (Romaric Hien / AFP)
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"Toute perte de temps, tout processus qui s'éterniserait ne pourrait faire que le jeu des terroristes", a averti François Hollande à la tribune de l'ONU, en pressant le Conseil de sécurité de donner son feu vert à une intervention militaire au nord du Mali, tombé aux mains de groupes armés islamistes. Car le président français a enfin obtenu ce qu'il attendait depuis des mois : le Mali s'est résigné à demander à l'ONU d'autoriser le déploiement de plus de 3.000 soldats - composés, à sa demande, uniquement de militaires d’Afrique de l’Ouest fournis par des pays de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) -, pour l'aider à retrouver son intégrité territoriale.
Déjà empêtré dans la guérilla touareg, affaibli par le coup d’Etat du 22 mars, la famine qui menace le pays, et pris en tenailles par les djihadistes algériens, maliens et libyens qui sévissent au nord, Bamako a donc fini par céder aux pressions internationales. Le pays était de toute façon impuissant face aux groupes armés islamiques qui ont pris le contrôle de cette région. Un responsable des forces de sécurité maliennes avoue : "La superficie de notre Sahara est trois fois celle de la France. Nous sommes peut-être le pays le plus pauvre du monde. Comment voulez-vous que nous contrôlions le désert ?"
Imbroglio
Mais dans cet imbroglio sans frontières, comment discerner l’ombre d’Al-Qaïda ? Pas simple. Car, contrairement aux idées reçues, la mouvance de feu Ben Laden serait loin de fédérer tous les mouvements salafistes djihadistes qui s'en réclament. Son idéologie d’une guerre planétaire contrarie en réalité les stratégies locales des moudjahidines algériens du Groupe pour la prédication et le combat (GSPC), autoproclamé Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont 95% des combattants sont algériens et qui oeuvre pour l’instauration d’un Etat islamique dans un Maghreb réunifié. "Ce n’est pas seulement l’Afghanistan ou la Syrie qui déterminent les islamistes", affirme une source des services français. "Le GSPC, par exemple, explique-t-il, a pour mission unique de renverser le pouvoir en place, à Alger."
Infiltrée par les services secrets maliens, algériens et mauritaniens, la mouvance islamique s’est atomisée. Elle compte aujourd’hui deux nouveaux groupes : Ansar Dine (les partisans de la religion), un groupe mené par un touareg islamiste, et un mouvement strictement composé de salafistes africains, le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l‘Ouest (Mujao), qui serait l’œuvre des services maliens, là aussi dans l’intention d’atomiser Aqmi.
Un cadre légal
Si la situation est jugée aujourd'hui incontrôlable, la reconquête du nord et la localisation des otages retenus au Mali a en fait commencé depuis plus de deux ans. En effet, les forces spéciales françaises (environ 200 hommes), mauritaniennes (une centaine), algériennes (300 soldats) et américaines (400 militaires) sont à l’œuvre au Sahara. Par ailleurs, la CIA a installé son QG en Algérie pour la région Maghreb-Sahel. Quant aux forces spéciales, elles se sont établies au Mali et au Burkina Faso.
La décision de l’ONU d’apporter son soutien à la Cédéao pour lutter contre ces groupes armés légalisera ainsi une guerre de l’ombre, menée par la France, les Etats-Unis, la Mauritanie, l’Algérie, le Niger et le Mali.
La guerre en coulisses
Ainsi le 28 avril dernier, les forces spéciales algériennes ont anéanti, avec le soutien d’hélicoptères, plusieurs convois de 4x4 du Mujao, qui tentaient de s’emparer, dans la région frontalière algéro-malienne, à Tinzouatine, de deux camions citernes transportant de l’essence. Résultat du tir : 20 salafistes au tapis et quatre prisonniers. Le même jour, dans la région de Tessalit, des rebelles touaregs indépendantistes du Mouvement de libération de l’Azawad (MNLA) accrochent une katiba (phalange) du Mujao. Les touaregs déplorent 3 morts et 8 blessés évacués en Algérie. L’armée algérienne a déployé plus de 25.000 hommes le long des frontières maliennes et libyennes. De plus, des commandos algériens ont anéanti, en mai, une colonne de djihadistes venant de Lybie, qui transportait quatre missiles milan, vendus à Kadhafi par la France.
Plus inquiétant, un drone français Harfang a été abattu, le 30 juillet dernier, dans le nord du Mali, alors qu’il essayait de localiser les otages, par un missile sol air tiré par les salafistes, qui étaient allé faire leurs courses en Libye, après la chute de Kadhafi. Deux mois auparavant, c’est un drone prédator de l’armée américaine, qui a été détruit par un missile sol-air russe, tiré par des djihadistes, dans la région d’Oukiran, toujours au Nord du Mali. Ce missile a été aussi récupéré dans les arsenaux libyens, laissés à l’abandon. Le Pentagone, échaudé par l’Irak et l’Afghanistan, refuse pour l’instant de déployer l’état-major de l’"Africom", son commandement pour l'Afrique, dans un Etat africain. Celui-ci demeure donc dans une base militaire en Allemagne. François Hollande, lui, a décidé de rapatrier les drones français d’Afghanistan, pour les installer en Mauritanie et au Niger.
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