La menace d’une intervention militaire extérieure se précise. Mais les bruits de botte ne changent rien, pour l’instant, à la crise profonde que traverse le Mali.
Des soldats de la junte malienne, après la reprise des combats à Bamako, début mai 2011. © Reuters/Springer. |
Sabine Cessou
Des effectifs qui ne seront pas de trop pour contrer les quelque 3.000 rebelles touareg et combattants islamistes au Nord-Mali, un territoire grand comme deux fois la France. Ces hommes, équipés d’armes lourdes, ont mis en déroute l’armée malienne, forte de 33.000 hommes peu motivés.
Si le projet d’intervention militaire ouest-africaine se précise, il prendra sans doute des semaines avant de se concrétiser. Sur le terrain, la perspective d’un débarquement des Casques blancs de l’Ecomog, soutenus logistiquement par la France et les Etats-Unis, ne semble produire aucun effet.
La peur, estime-t-il, empêche les ministres civils du gouvernement de transition de prendre des décisions sans en référer à une junte qui refuse de se dissoudre, malgré les injonctions de la communauté internationale. La peur pousse même les responsables civils à faire du zèle, pour ne pas se mettre à dos les militaires.
Son objectif: ne pas gêner son successeur Amadou Toumani Touré (ATT). Il a observé le même mutisme depuis le coup d’Etat du 22 mars. Il le garde d’autant plus qu’il doit sortir l’un de ses fils, Malamine Konaré, pilote de l’armée de l’air et commandant de l’armée malienne, des cachots du camp militaire de Kati.
Malamine Konaré est en effet accusé —à tort, selon nos informations— d’avoir participé à la tentative de contre-coup d’Etat imputée à des militaires loyaux à ATT, début avril. Il représenterait surtout un danger pour Amadou Sanogo, qu’il connaît bien, en raison de ses états de service sous le régime d’ATT, en tant que membre de la cellule antiterrorisme à la sécurité d’Etat.
Il a notamment participé à la libération d’otages occidentaux et celle d’une centaine d’officiers maliens faits prisonniers par les islamistes, fin avril, à Tombouctou.
Voilà une semaine que les familles sont autorisées à voir les détenus et à leur apporter de la nourriture. Certains auraient reçu des coups de couteau. D’autres ont passé plusieurs semaines dans le noir, sous-alimentés et confinés à l’isolement. Mais, selon nos sources, là encore, la peur bloque tout: les magistrats seraient au courant des actes de torture commis à Kati, de même que le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, et le Garde des Sceaux, qui n’oseraient pas demander le transfert des détenus dans un autre endroit.
Il a adressé, dès le mois de mars, une lettre ouverte à Amadou Sanogo, lui rappelant la leçon politique donnée lors de la dernière présidentielle de février par le peuple du Sénégal. Une leçon que les Maliens méditent «dans la tristesse et l’angoisse du lendemain», écrit-il.
De son côté, la rébellion touarègue du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) donne des signes d’affaiblissement. Mais l’armée malienne, qui s’est emparée du pouvoir le 22 mars, pour mieux combattre dans le Nord, ne s’est pas remise de sa déroute sur le terrain.
Depuis la sécession du Nord-Mali début avril, elle est restée absente de la région, et n’a rien tenté pour restaurer l’intégrité tant défendue du territoire malien: ni raid, ni amorce de négociations.
Ce vaste partenariat comprend la Croix Rouge malienne (CRM), le musicien Salif Keïta, l’Union des Associations des artistes producteurs et éditeurs du Mali (UAAPREM) et le Fonds de solidarité nationale (FSN).
Les recettes iront sur un compte bancaire ouvert par la CRM pour apporter médicaments, eau et nourriture aux populations du Nord. Des civils qui doivent se préparer, faute de toute solution politique, à subir une très longue guerre.
Sabine Cessou
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Mise à jour du jeudi 14 juin 2012: Le Conseil de Sécurité de l’Onu a opposé un refus prudent à l’envoi d’une force d’intervention au Mali proposée par l'Union Africaine et la Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest (Cédéao). Pour l’heure, il se limite à «prendre note» de la requête, mais souhaite «plus d’information» avant de prendre une décision définitive. «Nous devons en savoir davantage sur les objectifs de la force, comment elle sera mise en œuvre et quels seront ses soutiens logistiques et financiers», a précisé un diplomate onusien s’exprimant sous le couvert de l`anonymat à l’AFP.
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Une force d’interposition se prépare à intervenir au Mali, sous l’égide de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Son nom? La Mission de la Cédéao au Mali (Micema), qui pourrait compter jusqu’à 9.000 hommes. Des effectifs qui ne seront pas de trop pour contrer les quelque 3.000 rebelles touareg et combattants islamistes au Nord-Mali, un territoire grand comme deux fois la France. Ces hommes, équipés d’armes lourdes, ont mis en déroute l’armée malienne, forte de 33.000 hommes peu motivés.
Si le projet d’intervention militaire ouest-africaine se précise, il prendra sans doute des semaines avant de se concrétiser. Sur le terrain, la perspective d’un débarquement des Casques blancs de l’Ecomog, soutenus logistiquement par la France et les Etats-Unis, ne semble produire aucun effet.
Chape de plomb
A Bamako, la capitale du pays, comme dans le Nord-Mali, on s’enfonce chaque jour un peu plus dans la crise. Au Sud, le capitaine putschiste Amadou Sanogo continue de faire sa loi, face à un gouvernement de transition qui ne fait pas le poids. Selon Amkoullel, rappeur et membre du collectif Plus jamais ça!, une chape de plomb est tombée sur le pays.La peur, estime-t-il, empêche les ministres civils du gouvernement de transition de prendre des décisions sans en référer à une junte qui refuse de se dissoudre, malgré les injonctions de la communauté internationale. La peur pousse même les responsables civils à faire du zèle, pour ne pas se mettre à dos les militaires.
«Le clip de ma chanson S.O.S. Mali a été censuré à la télévision par peur de déplaire à la junte, sans qu'aucune consigne précise n'ait été donnée, explique Amkoullel. Tout le monde a peur. Quand les hommes politiques Ismaïla Cissé et Ibrahim Boubacar Keïta ont été arrêtés, en avril, tout le monde en a parlé.
Mais depuis, des militaires ont aussi été arrêtés. Personne n'en parle, alors que leurs dossiers sont vides. Ce sont des détentions arbitraires et préventives: la junte a peur d'un contre-coup d'Etat!»
Détentions arbitraires et climat de peur
Parmi la dizaine d’officiers et sous-officiers arrêtés fin avril, sans mandat d’arrêt et sans chef d’inculpation, lors de la tentative de contre-coup d’Etat réprimée par la junte d’Amadou Sanogo, figure l’un des fils d’Alpha Oumar Konaré, l’ancien président de la République (1992-2002). Toujours membre du Haut conseil de la Francophonie, Alpha Oumar Konaré est resté —comme Abdou Diouf, ancien président du Sénégal— silencieux sur son pays ces dix dernières années.Son objectif: ne pas gêner son successeur Amadou Toumani Touré (ATT). Il a observé le même mutisme depuis le coup d’Etat du 22 mars. Il le garde d’autant plus qu’il doit sortir l’un de ses fils, Malamine Konaré, pilote de l’armée de l’air et commandant de l’armée malienne, des cachots du camp militaire de Kati.
Malamine Konaré est en effet accusé —à tort, selon nos informations— d’avoir participé à la tentative de contre-coup d’Etat imputée à des militaires loyaux à ATT, début avril. Il représenterait surtout un danger pour Amadou Sanogo, qu’il connaît bien, en raison de ses états de service sous le régime d’ATT, en tant que membre de la cellule antiterrorisme à la sécurité d’Etat.
Il a notamment participé à la libération d’otages occidentaux et celle d’une centaine d’officiers maliens faits prisonniers par les islamistes, fin avril, à Tombouctou.
Voilà une semaine que les familles sont autorisées à voir les détenus et à leur apporter de la nourriture. Certains auraient reçu des coups de couteau. D’autres ont passé plusieurs semaines dans le noir, sous-alimentés et confinés à l’isolement. Mais, selon nos sources, là encore, la peur bloque tout: les magistrats seraient au courant des actes de torture commis à Kati, de même que le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, et le Garde des Sceaux, qui n’oseraient pas demander le transfert des détenus dans un autre endroit.
Un problème «existentiel»
L’économie est à l’arrêt, de même que tout le secteur culturel, paralysé par ce que tout le monde appelle la «situation». Alioune Ifra N’Diaye, 43 ans, directeur de l'ancien BlonBa théâtre, l’un des rares lieux de sortie de la capitale, qui vient de fermer définitivement ses portes à Bamako, reste stupéfait et perplexe.Il a adressé, dès le mois de mars, une lettre ouverte à Amadou Sanogo, lui rappelant la leçon politique donnée lors de la dernière présidentielle de février par le peuple du Sénégal. Une leçon que les Maliens méditent «dans la tristesse et l’angoisse du lendemain», écrit-il.
«Je ne comprends pas les militaires, déclare Alioune Ifra N’Diaye à Slate Afrique. Ils ont eu toutes les portes de sortie honorable pour que le pays avance. Mais notre problème, c'est que personne n'a conscience de la place qui est la sienne dans la société —et c'est valable aussi pour l'armée.»Alors que l’éminente altermondialiste Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture et le député Oumar Mariko, ancien leader d’un syndicat d’étudiants, ont pris la défense des putschistes, comme une partie de l’opinion, beaucoup se demandent comment l’ancienne vitrine de la démocratie en Afrique de l’Ouest a pu si bien craquer.
«Je ne comprends pas qu’on puisse défendre les putschistes, poursuit Alioune Ifra N’Diaye. Qu’on puisse défendre des principes et poser d’autres actes. Pour moi, ce n’est pas une question d’Amadou ou d’Aminata, mais de corps social. A tous les niveaux, personne ne pense en fonction de l’intérêt général. Pourquoi le Malien lambda, qu’il soit militaire ou professeur d’université, n’a-t-il pas conscience de sa place dans la société? C’est l’une des urgences que le gouvernement de transition doit considérer, en dehors des élections et de la reconquête du Nord…»Aminata Traoré, de son côté, accuse déjà la Cédéao de vouloir «recoloniser» le Mali, en acceptant d’être le valet de l’Occident. Une position que décrypte l’universitaire américain Anthony Mann, avant de conclure à un défi «d’ordre existentiel» pour la démocratie au Mali et son avenir, en tant qu’Etat séculaire et multi-ethnique.
Essoufflement des rebelles du Nord?
Alors qu’on s’empoigne à Bamako autour du pouvoir, au Nord, les groupes armés prolifèrent. Les populations s’organisent pour résister aux islamistes d’Aqmi et d’Ansar Dine, qui interdisent la cigarette, l’alcool et les jupes courtes.De son côté, la rébellion touarègue du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) donne des signes d’affaiblissement. Mais l’armée malienne, qui s’est emparée du pouvoir le 22 mars, pour mieux combattre dans le Nord, ne s’est pas remise de sa déroute sur le terrain.
Depuis la sécession du Nord-Mali début avril, elle est restée absente de la région, et n’a rien tenté pour restaurer l’intégrité tant défendue du territoire malien: ni raid, ni amorce de négociations.
Mobilisation sociale
Face à la crise, la société civile se mobilise. Deux méga-concerts sont prévus les 21 et 30 juin à Bamako et accompagnés d’un «telethon» pour le Nord-Mali, dans le cadre de l’initiative Pour un geste du coeur.Ce vaste partenariat comprend la Croix Rouge malienne (CRM), le musicien Salif Keïta, l’Union des Associations des artistes producteurs et éditeurs du Mali (UAAPREM) et le Fonds de solidarité nationale (FSN).
Les recettes iront sur un compte bancaire ouvert par la CRM pour apporter médicaments, eau et nourriture aux populations du Nord. Des civils qui doivent se préparer, faute de toute solution politique, à subir une très longue guerre.
Sabine Cessou
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