MNLA : La stratégie de la fuite en avant
Mardi, 19 Juin 2012 21:49
Après la conquête victorieuse, suivie quelques jours plus tard de la déclaration d'indépendance du Nord par le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) sur les ondes de France 24, on a vite compris une chose : le fantôme est entré dans la maison et le plus difficile sera de l'en chasser.
Les menaces d'intervention militaire de la Communauté économique des
Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ? Une simple rengaine qui ne fait pas peur.
Les condamnations de l'Union africaine (UA) ? Trop molles pour venir à bout de la détermination du mouvement sécessionniste.
Les appels de la Communauté internationale au respect du principe de l'intangibilité des frontières ? Un prêche dans le désert.
Le vin de la partition de fait est tiré, le MNLA entend le boire jusqu'à la lie.
Alors que la CEDEAO, à travers le chef de l'Etat burkinabè, Blaise Compaoré, a pris langue avec les deux principaux groupes qui se partagent le Nord malien (le MNLA et le mouvement islamiste Ansar-Dine) pour une solution négociée, sur le terrain, la situation se complique davantage.
Comme pour mieux assurer l'irréversibilité de son existence, l'Etat autoproclamé de l'Azawad a célébré, le lundi 18 juin 2012 à Gao, l'investiture de son président du conseil transitoire. Ce dernier, Bilal Ag Chérif, ancien secrétaire général du MNLA, a été nommé à ce poste quelques jours auparavant.
Il ne manquait plus aux rebelles touareg qu'un chef pour doter l'Azawad (qui dispose déjà d'un territoire, d'un peuple, d'un drapeau) de tous les attributs d'un Etat. C'est désormais chose faite.
Le nouveau promu brandit la proclamation de l’indépendance du peuple du Nord Mali comme «l’expression de la victoire d’un combat de libération engagé depuis plus d’un siècle», et c’est avec un brin de fierté qu’il dirige le tout nouveau Conseil de transition de l’Etat de l’Azawad (CTEA). Il s’agit d’une équipe de 28 membres qui regroupe des représentants de toutes les ethnies constitutives du septentrion, avec naturellement une prépondérance de la frange touarègue.
La désignation d’un président du CTEA, pour de nombreux observateurs, est perçue comme une marche forcée dans la vie politique du MNLA pour légitimer son autonomie. En un mot comme en mille, le mouvement séparatiste a opté de faire dans la stratégie de la fuite en avant. En réalité, cela n’est qu’une simple gesticulation du Mouvement pour paraître vraiment souverain au yeux du monde, en vue de faire dans la surenchère quand viendra l’éventualité pour lui de s’asseoir à la même table qu’Ansar-Dine, comme l’a déjà laissé entendre son chef de délégation, Algabass Ag Intalla, au sortir d’une audience avec le médiateur dans la crise au Mali, le président Blaise Compaoré, le lundi 18 juin dernier à Ouagadougou. En décidant ainsi de bétonner sa position dans le désert malien, le MNLA entend, dans la perspective des négociations avec le médiateur Blaise Compaoré, peser davantage dans la balance.
Ce n’est ni plus ni moins que de la politique du fait accompli, d’autant que l’Azawad est occupée par les «Azawadiens», les Touaregs du MNLA ne constituant qu’une infime minorité de rebelles inconditionnels d’un mouvement nationaliste de revendication territoriale. La rébellion touarègue du MNLA, après la percée qui lui a permis de reprendre le territoire de l’Azawad à l’armée régulière malienne, a été supplantée sur le terrain par les hommes d’Ansar-Dine, de ses alliés d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Installer alors un président et un gouvernement dans un tel contexte ajoute à la confusion générale et complique davantage la situation. Comme on le voit, pour le MNLA qui, vraisemblablement ne contrôle plus grand-chose dans ce no man's land, ce qui reste, c'est le recours à la méthode Coué : multiplier les signes de sa présence, même minimes, pour mieux renforcer la confiance en soi.
D. Evariste Ouédraogo
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