jeudi 19 février 2015

JournalDuMali.com: Faut-il se méfier du GATIA?

JournalDuMali.com: Faut-il se méfier du GATIA?

7ème groupe armé touareg créé en l’espace de trois ans, le GATIA accumule les victoires et un capital sympathie au sein de la population. Est-il un allié ou une menace pour la paix ?

Depuis un peu plus de six mois, il ne se passe une journée sans que l’on ne parle d’eux. Sur le terrain, ils accumulent les victoires et repoussent toujours plus loin le MNLA et ses alliés de la Coordination des Mouvements de l’Azawad. Eux, c’est le GATIA, Groupe autodéfense touareg imghad et alliés. Créé en aout 2014, ce groupe armé touareg a décidé de se battre contre les séparatistes pour restaurer l’intégrité territoriale du Mali. Mais pas seulement. « Nous venons de créer le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) pour défendre les intérêts de notre communauté dans le nord du Mali, notamment contre le MNLA », le Mouvement national de libération de l’Azawad, déclarait alors son secrétaire général Fahad Ag Almahmoud. Une sortie qui avait fait craindre des revendications à caractère ethnique.

La Plateforme des cadres et leaders touaregs, association qui regroupe les Touaregs des trois régions du nord du Mali, avait ainsi condamné la naissance du Gatia, « créé sur une base tribale ». Inquiétude injustifiée selon le journaliste Sidy Elmehdy Albarka qui rappelle qu’il y a des représentants d’autres communautés que les Imghad(tribu majoritaire au sein des Touareg, environ 500 00 personnes) dans le GATIA. « Plusieurs autres communautés de Kidal, qui avaient été chassées de la ville par le MNLA, ont pris les armes et rejoint le groupe. L’objectif commun est de rétablir l’intégrité du territoire et la stabilité ». Il s’agit de protéger les populations qui se retrouvent prises en otages, et régulièrement pillées, par les divers groupes armés opérant dans ce qui est devenu un no-man’s land : la large zone entre Gao et Kidal.
« Forces patriotiques » ou « milice gouvernementale » ?
De partout dans le Mali, on applaudit, en privé comme en public, la création et les succès de ces « patriotes ». Sur les réseaux sociaux la sympathie pour ces « défenseurs du Mali »s’accroit chaque jour, il suffit pour s’en rendre compte de visiter leur page facebook , où les commentaires de soutien se succèdent. A Tabankort, Teninkou ou Ntilit, ils reprennent du terrain aux séparatistes et vont là où l’armée malienne est absente depuis 2012, voire bien avant. Avec, en ligne de mire, Kidal, dernier bastion du MNLA. Des succès militaires et un soutien à l’armée qui leur vaut le nom de « milice pro-gouvernementale », une appellation rejetée et par Bamako, et par le GATIA. Le 29 janvier dernier, lors de sa première visite au nord du pays depuis son élection, le Président IBK salue le courage des "patriotes" restés fidèles au Mali. Une quasi-reconnaissance officielle. Qui vient « légitimer » le combat que le GATIA qui est, il convient de le rappeler, né à l’initiative d’un haut gradé de l’armée malienne, le général El hadj Ag Gamou, héros de guerre que ses faits d’armes auréolent de gloire aux yeux de Maliens.

Les succès militaires qui s’enchaînent n’ont cependant pas encore permis au GATIA d’atteindre l’un, sinon son objectif majeur : se faire invité, comme acteur à part entière, à la table de négociations. Les pourparlers inter-maliens qui en sont à leur cinquième round ont en effet démarré avec une délégation du groupe armé. Inclus dans celle de la Plate-forme d'Alger, qui regroupe d’autres groupes « loyalistes ». Pas assez représentative de la force du GATIA sur le terrain, chuchote-t-on dans les rangs du groupe, où l’on espérait être traité au moins aussi bien que le MNLA. Car c’est bien pour cela que ces hommes avaient pris les armes. «Il fallait nécessairement avoir un groupe armé, comme tous les autres, afin de participer au processus de paix », avait affirmé Fahad Ag Almahmoud. Qu’à cela ne tienne, les représentants du GATIA sont à Alger.
Le danger de la sous-traitance sécuritaire
Pourtant, dans cet élan général, des voix se font entendre pour appeler à la prudence face à la montée en puissance du GATIA. Déjà, lors de la création du mouvement, l’ancien Premier ministre, Ahmed Mohamed ag Hamani, président de la Plateforme des cadres et leaders touareg, s’inquiétait. Parlant de la création de « milices ethniques armées », il affirmait qu’elles risquaient« de nous conduire infailliblement, si des dispositions ne sont pas prises - c'est-à-dire leur démantèlement et leur désarmement-, vers une guerre civile dans ce pays. » Préoccupation partagée par Me Mamadou Ismaïla Konaté qui pense que « cette situation de sous –traitance de la sécurité d’un pays est compromettant car elle peut donner lieu à des dérapages que l’Etat ne pourra pas maitriser ».

Car comme le note à propos le journaliste Sidy Elmehdy Albarka, « ce sont les hommes du GATIA qui meurent à Téninkou, pas l’armée malienne ». Des dizaines de localités leur doivent aujourd’hui survie et protection, car les militaires maliens en sont absents et la MINUSMA semble ne pas parvenir à prendre efficacement le relais sécuritaire. Un internaute se veut encore plus alarmiste : « si le gouvernement du Mali se montre faible et incapable d'assurer sa propre sécurité, le GATIA deviendra bientôt le prochain groupe armé à abattre pour l'unité du pays» assure-t-il. Une inquiétude qui n’est pas la chose la plus partagée en ce moment mais qui existe. Les diplomates occidentaux montrent du doigt des méthodes peu compatibles avec les attentes des forces de maintien de la paix présentes dans le nord, et ce en période de négociations de cessez-le-feu. Ils ont d’ailleurs exhorté les autorités maliennes à mieux "contrôler" le mouvement.

Du côté du GATIA, on se défend d’avoir des intentions inavouées. « On n'a jamais voulu prendre les armes, on aurait préféré que tout cela prenne fin", affirmait encore récemment le secrétaire général du groupe armé. Aucune velléité de rébellion à l’horizon… Du moins pour l’instant. Au Mali, l’histoire enseigne que les différentes insurrections sont nées de groupes renforcés à l’issue des accords signés qui les mettaient en position de force par rapport aux autres communautés. Une autre déclaration récente du secrétaire général du GATIA a d’ailleurs ajouté de l’eau au moulin des alarmistes. « On le fait pour l'honneur, et pas pour l'unité du Mali » assure Fahad. Quid de la défense du territoire et des populations ? Pour l’instant, seules semblent compter les belles œuvres du GATIA sur le terrain. Et tous, des plus optimistes aux sceptiques, veulent continuer à croire à la bonne volonté du Groupe autodéfense touareg imghad et alliés.

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