Chassés du pouvoir après le discours de la Baule, les cadres de l’Union démocratique du peuple malien (Udpm), l’ex-parti unique fossoyeurs de notre économie nationale, sont revenus au galop vingt ans après reprendre les commandes comme si rien ne s’était passé. Un régime pourtant voué aux gémonies par tout un peuple en 1991 vient d’être remis sur selle et de la plus belle manière à la suite d’un coup d’Etat, qui en valait bien la peine. Qui l’aurait cru qu’après 20 ans, Tiénan Coulibaly serait nommé ministre de l’Economie et des Finances? Qui aurait cru que l’architecte de ce système tant décrié serait nommé Premier ministre dans un pays qui veut le changement ?
Impossible de changer de système de gouvernance avec ceux-là mêmes qui ont mis sous le boisseau notre économie. Comment en est-on arrivé là ? Le premier président démocratiquement élu en 1992 est un ancien ministre d’un des nombreux gouvernements du putschiste Moussa Traoré. Tous deux sont ressortissants de la première région (Kayes). Donc un changement de mode de gouvernance n’était pas possible avec Alpha Oumar Konaré. Dix ans plus tard, un militaire recruté dans l’armée par un ancien membre du Comité militaire de libération nationale (Cmln) est élu président en 2002.
La corruption est érigée en un système de gouvernance. Du coup son virus attaque l’Etat et le détruit. Des jeunes soldats de la première promotion du prytanée militaire de Kati en colère contre les pertes en vies humaines subies dans leurs rangs chassent le général ATT. Ils prennent le pouvoir et s’installent à Kati. Des politiciens mécontents crient à la confiscation de la démocratie et font appel à la communauté internationale qui met le Mali sous sa tutelle.
Depuis le 22 mars 2012, le Mali traverse une période des plus difficiles de son histoire. En bonne place des exigences de cette crise «le CHANGEMENT». Il n’est pas surprenant que certains «démocrates» qui se sont bougrement enrichis ne veulent pas entendre ce mot. Or dans le cas, qui nous concerne, le coup d’Etat signifie arrêt de régime. Si des interrogations sont à poser quant au pourquoi du refus du changement, les raisons sont simples à trouver.
Les vingt trois (23) ans du régime Moussa Traoré ont transformé le Soudanais ou l’homme malien tout court. Pendant ses vingt trois ans, il a bâillonné l’intelligentsia malienne. Les travailleurs ont connu les retards de salaires sans que la centrale syndicale ne lève le petit doigt. L’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm) a même soutenu Moussa Traoré par le biais d’un des leurs qui était dans le gouvernement à liquider les Sociétés et Entreprises d’Etat à travers le Programme d’Ajustement Structurel (Pas).
Certains chefs de famille incapables de subvenir aux dépenses sortaient à 5 heures du matin pour ne revenir qu’à 19 h. Une crise sans pareille qui tend vers une guerre civile. Elle prend sa source depuis le 26 mars 1991. Conséquences ? On a vu pour la première fois au Mali, des femmes mères des enfants et chefs de famille.
Du point de vue de l’évolution qu’a subi notre société le général Moussa Traoré a une grande part de responsabilité dans sa déconfiture. Les membres du Cmln n’ont pas été de bons responsables pour les maliens d’aujourd’hui. Lors du jugement de la bande des trois (Tiékoro Bagayogo, Kissima Doukara et Karim Dembélé), certaines vérités sur la vie de la nation ont été assénées, entre autres les fonds publics trouvés au Trésor après le coup d’Etat du 19 novembre 1968. Ces fonds d’un montant de cent cinquante millions (150) de francs maliens destinés à l’organisation de la Coupe d’Afrique en 1969 auraient servis de magot au Cmln.
Selon Tiékoro Bagayogo et Kissima Doukara ces fonds ont été partagés entre les quatorze (14) membres. Un des membres influents du Cmln aurait volé dans le Palais à Koulouba, les bijoux en or de Mme Keita Mariam Traoré. Dès lors notre pays semblait mal parti, il se trouvait dans les mains de militaires kleptocrates.
La suite : la vie économique de notre grand pays est ponctuée de gigantesques détournements financiers sur lesquels la lumière est rarement faite. Ces militaires de connivence avec le Bureau exécutif central (Bec) Udpm (Union démocratique du Peuple Malien) ont mis le Mali sous leur coupe réglée qui aboutit à la dérive militaro-économique et socioculturelle.
Le régime du lieutenant Moussa est celui qui a avili notre société voire altérée toute la couche sociologique. On entend très souvent dire que le malien est issu d’un peuple pacifique. Derrière cette tranquillité se cacherait la peur, la honte et l’humiliation.
Les 23 ans de Moussa Traoré, les 10 ans d’Alpha Oumar Konaré et les 10 ans d’ATT ont été bénéfiques à certaines couches socio- économiques qui ont tiré les ficelles des finances publiques et du secteur commercial. Ces gens là se sont tapés un trésor de guerre et n’entendent pas se faire dévaluer par un quelconque processus de changement.
De 1968 à nos jours, ce sont les familles des présidents Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré, alliés et amis qui sont au pouvoir. En 1991, le changement tant prôné par le Congrès national d’initiative démocratique (Cnid) à travers le «Kokadjè» a été battu en brèche par l’Adema qui voulait l’émergence des anciens de l’Union démocratique du peuple malien dans l’arène politique.
Et à quelques encablures de la fin de leurs mandats les présidents sortants Alpha et ATT se disputaient pour la libération de Moussa Traoré en juin 2002.Pourquoi les maliens n’aiment pas le changement ? Plus la classe politique est corrompue, plus elle perd tout crédit auprès du peuple et plus le pays devient la proie des puissances extérieures.
Il y a un lien dialectique entre d’une part, le degré de corruption de la classe politique et ; d’autre part, le niveau du rejet de celle-ci par le peuple et ; enfin l’amplitude de la faiblesse diplomatique du pays. Ce qui se passe actuellement est le résultat de plusieurs décennies de mal gouvernance structurelle.
En effet, à partir de 1968, on a assisté à l’effondrement de quatre institutions fondamentales qui sont au cœur du devenir de toute nation. Il s’agit de la Famille, de l’Etat, de l’Ecole, de l’Armée. Elire un candidat de l’Adema ou de l’Urd serait le naufrage du bateau Mali.
Amy SANOGO
SOURCE: Inter De Bamako du 6 mar 2013.
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