Deux mois après le déclenchement de l'Opération Serval au Mali, la France combat sur deux fronts: le théâtre militaire et l'échiquier politique. Rien d'inattendu en l'occurrence. Reste qu'en dépit de l'âpreté de la traque aux djihadistes dans le massif des Ifoghas, à l'extrême-nord-est du Mali, le champ de bataille le plus piégeux n'est pas nécessairement celui qu'on croit. Tandis que les hypothèques budgétaires obscurcissent l'horizon. Or, le nerf de la guerre est aussi le carburant de la paix.
A Paris comme à Bamako, chacun sait en outre que malgré la création récente d'une Commission de dialogue et de réconciliation, purement virtuelle à ce stade, la climat ne sera pas assaini avant la date-butoir du 31 juillet, à l'évidence prématurée. Il ne suffit pas de répéter, à l'unisson des "Africains" du Quai d'Orsay, que "le drapeau malien doit flotter sur tout le territoire, y compris à Kidal et au-delà" pour panser les blessures, plus béantes que jamais, d'une société enfiévrée par la polarisation communautaire. "Mais voilà, admet-on dans l'entourage de Laurent Fabius: si on ne pousse pas, rien ne se passe; et si on pousse trop, on encourt un procès en ingérence". Dilemme classique.
La France officielle doit se délester d'un autre fardeau: la présomption de mansuétude, sinon de complaisance, envers le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), cette rébellion touarègue exécrée par l'écrasante majorité des "sudistes" pour avoir hâté, au printemps dernier et via un pacte faustien, la marche triomphale des fantassins du djihad. Un MNLA au demeurant fragmenté, dont les offres de services à l'armée française relèvent avant tout de l'instinct de survie. En l'espèce, tout indique que l'harmattan, vent du désert, a tourné. "Ce mouvement, c'est un peu tout et n'importe quoi, tranche un expert hexagonal irrité par 'l'opportunisme' de certains de ses membres. D'ailleurs, nous avons singulièrement pris nos distances avec lui". "Le MNLA n'est pas notre ennemi, confie en écho un analyste familier des intrigues sahéliennes; mais il n'est pas non plus notre ami". Il n'empêche: toute issue politique durable suppose la réintégration, dans l'arène bamakoise, d'une mouvance touarègue qui aurait clairement renoncé à la chimère indépendantiste.
Autre "affaire de gros sous", le déploiement des 6000 hommes de la Misma jusque dans les villes-clés des boucles du Niger, Gao et Tombouctou. Point d'angélisme là encore: s'il convient, pour des raisons politico-symboliques, d'exalter les mérites d'un contingent panafricain embryonnaire ou d'un armée malienne résiduelle, les stratèges tricolores envisagent la formation à terme d'un noyau dur constitué par les acteurs régionaux les plus déterminés -Tchad, Niger, Burundi-, qu'épaulerait en tant que de besoin un avatar du dispositif Serval, fut-il stationné hors du Mali.
Comme si la complexité du bourbier politique bamakois, peuplé de chevaux de retour amplement discrédités, ne suffisait pas, un trublion galonné persiste à brouiller les écrans radars: le capitaine Amadou Sanogo, "cerveau" du putsch fatal, voilà un an, au second mandat finissant du président Amadou Toumani Touré. "Il faut encore se méfier de lui et de sa capacité de nuisance, admet un initié. D'autant qu'il contrôle pour l'essentiel les services de renseignement maliens." Cela posé, il y a du mieux. Voilà peu, le président par intérim Dioncounda Traoré, terrorisé, s'abstenait de citer le nom de Sanogo lors de ses échanges téléphoniques, car il se savait sur écoute. Tel ne serait plus le cas...
Le pari des élections en juillet
Colossal, le chantier institutionnel et électoral progresse moins vite que les forces spéciales franco-tchadiennes. D'autant que l'échéance présidentielle a été imprudemment fixée au moins de juillet prochain. Non que les écueils techniques s'avèrent rédhibitoires. "En secouant la cocotier, avance un diplomate, on peut y arriver". Pari pascalien, qui suppose de constituer en moins de quatre mois un fichier électoral fiable de 7 millions de noms, de financer l'exercice -on est loin du compte-, de sécuriser intégralement les deux-tiers nord du pays et de régulariser le statut des 500 000 citoyens maliens exilés en Côte d'Ivoire lors de convulsions antérieures comme des 400 000 réfugiés et déplacés nordistes de l'annus horribilis 2012.A Paris comme à Bamako, chacun sait en outre que malgré la création récente d'une Commission de dialogue et de réconciliation, purement virtuelle à ce stade, la climat ne sera pas assaini avant la date-butoir du 31 juillet, à l'évidence prématurée. Il ne suffit pas de répéter, à l'unisson des "Africains" du Quai d'Orsay, que "le drapeau malien doit flotter sur tout le territoire, y compris à Kidal et au-delà" pour panser les blessures, plus béantes que jamais, d'une société enfiévrée par la polarisation communautaire. "Mais voilà, admet-on dans l'entourage de Laurent Fabius: si on ne pousse pas, rien ne se passe; et si on pousse trop, on encourt un procès en ingérence". Dilemme classique.
La France officielle doit se délester d'un autre fardeau: la présomption de mansuétude, sinon de complaisance, envers le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), cette rébellion touarègue exécrée par l'écrasante majorité des "sudistes" pour avoir hâté, au printemps dernier et via un pacte faustien, la marche triomphale des fantassins du djihad. Un MNLA au demeurant fragmenté, dont les offres de services à l'armée française relèvent avant tout de l'instinct de survie. En l'espèce, tout indique que l'harmattan, vent du désert, a tourné. "Ce mouvement, c'est un peu tout et n'importe quoi, tranche un expert hexagonal irrité par 'l'opportunisme' de certains de ses membres. D'ailleurs, nous avons singulièrement pris nos distances avec lui". "Le MNLA n'est pas notre ennemi, confie en écho un analyste familier des intrigues sahéliennes; mais il n'est pas non plus notre ami". Il n'empêche: toute issue politique durable suppose la réintégration, dans l'arène bamakoise, d'une mouvance touarègue qui aurait clairement renoncé à la chimère indépendantiste.
"Affaire de gros sous"
Pour illustrer le voeu de Paris, ce diplomate chevronné recourt à une métaphore rugbystique: "Nous sommes dans la position du demi de mêlée qui cherche à passer la balle à un partenaire, que celui-ci porte les couleurs de l'Union africaine, de la Cédéao [Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest] ou des Nations unies". En fait de ballon ovale, une patate chaude. La France préconise la mutation, "dès que possible", de la force interafricaine baptisée Misma, en OMP. En clair, en Opération de maintien de la paix sous étendard onusien. "Mais pour ce faire, concède un avocat de la formule, encore faut-il une paix à maintenir. Et pas mal de pognon. L'Union européenne a englouti 450 millions d'euros en Somalie et n'en promet que 50 au Mali. Pas suffisant."Autre "affaire de gros sous", le déploiement des 6000 hommes de la Misma jusque dans les villes-clés des boucles du Niger, Gao et Tombouctou. Point d'angélisme là encore: s'il convient, pour des raisons politico-symboliques, d'exalter les mérites d'un contingent panafricain embryonnaire ou d'un armée malienne résiduelle, les stratèges tricolores envisagent la formation à terme d'un noyau dur constitué par les acteurs régionaux les plus déterminés -Tchad, Niger, Burundi-, qu'épaulerait en tant que de besoin un avatar du dispositif Serval, fut-il stationné hors du Mali.
Comme si la complexité du bourbier politique bamakois, peuplé de chevaux de retour amplement discrédités, ne suffisait pas, un trublion galonné persiste à brouiller les écrans radars: le capitaine Amadou Sanogo, "cerveau" du putsch fatal, voilà un an, au second mandat finissant du président Amadou Toumani Touré. "Il faut encore se méfier de lui et de sa capacité de nuisance, admet un initié. D'autant qu'il contrôle pour l'essentiel les services de renseignement maliens." Cela posé, il y a du mieux. Voilà peu, le président par intérim Dioncounda Traoré, terrorisé, s'abstenait de citer le nom de Sanogo lors de ses échanges téléphoniques, car il se savait sur écoute. Tel ne serait plus le cas...
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