jeudi 25 avril 2013

Que veut faire François Hollande au Mali ? | SeneNews.com

Que veut faire François Hollande au Mali ? | SeneNews.com
« Un conciliateur c’est quelqu’un qui nourrit un crocodile
en espérant qu’il sera le dernier à être mangé.
»
Wilson Churchill
hollande-diocoundaSENENEWS.COM – Bizarrement, le seul sujet sur lequel les Français semblent s’entendre en ce moment est l’engagement de l’armée française au Mali. Le lundi 22 décembre, entre la seconde lecture et l’adoption de la polémique loi sur le mariage gay, l’assemblée nationale puis le sénat ont autorisé à l’unanimité, le prolongement de la présence des troupes françaises au Mali. Avec respectivement 342 et 326 voix en faveur et 0 voix contre, le parlement français vient de poser les jalons d’une présence continue des troupes militaires engagées dans ce que l’éditorialiste de Sud Ouest, Yves Harté, qualifie justement « d’étrange guerre du Mali ». Cette décision unanime des parlementaires permet la prolongation de l’opération Serval jusqu’à la fin de l’année 2013.
Mais à notre avis, il s’agit juste d’une étape politiquement colorée de ce processus d’établissement de forces militaires française au Mali, une attitude de l’ancien colonisateur farouchement décriée dans le cadre de la fâcheuse françafrique qui semble faire des nostalgiques. A terme, nous osons penser que « Serval » va, avec un petit jeu de vocables, comme cela s’est fait avec le Sénégal, changer d’abord de nom, mais surtout d’orientation et de stratégie politique, militaire et géostratégique. A ce moment-là, où les Maliens voudront enfin le départ des troupes françaises, Paris pourra légitimement avancer l’argument de la lutte contre Aqmi à laquelle le président intérimaire malien, Dioncounda Traoré avait souverainement « convié » son homologue François Hollande. Puis, on aura beau appeler, par la force des circonstances, au départ des Français du Mali. Mais, comme le souligne si bien Michel Onfray dans sa tribune dans Le Monde du 23 avril dernier, la France brandira, comme elle a l’habitude de le faire, son attachement aux valeurs démocratiques, républicaines et même humanistes.
Pour comprendre l’inquiétude de remise en question de la souveraineté de Bamako que nous souhaitons exprimer, il faudrait rappeler les étapes franchies pour en arriver à la situation actuelle. En conférence de presse à l’Élysée, François Hollande avait annoncé, sans équivoque, « qu’en aucun cas, la France n’interviendra au Mali ». Mais il a suffi de quelques semaines, à partir du 11 janvier dernier que les tournures sémantiques changent au niveau du gouvernement. Laurent Fabius, rattrapé par les évènements, dira alors que les soldats français sont au Mali, que « la France n’a pas vocation à rester seule au Mali ». Plus communicant et prudent, Jean-Yves Le Drian affirmera que la France restera au Mali le temps qu’il faudra. Est-ce que les autorités militaires ont sous-estimé la force de résistance des djihadistes ? Est-ce un mauvais calcul de plus du gouvernement Ayrault. Ou est-ce juste là une démarche de fins stratèges politiques qui n’ont véritablement pas d’amis, comme ils prétendent, mais que des intérêts géopolitiques. En tout état de cause, cette décision du parlement de prolonger de quatre mois à un an la présence des militaires français au Mali pousse à se poser de vraies questions sur les réelles intentions de la France à Bamako. Avec cette petite rétrospective sur l’intervention française au Mali, qu’est ce qui nous fait croire qu’au terme de cette année autorisée par l’assemblée nationale et le sénat, la France retirera définitivement ses hommes du Mali ? Pourtant, sans doute en voulant passer un message de sa bonne volonté, Paris a décidé le retour de 500 hommes sur les 4 500 soldats qui étaient présents à travers le territoire malien. Mais c’est juste là de la poudre aux yeux de la communauté internationale.
Par ailleurs une attitude inquiétante de la part du Quai d’Orsay et de l’Elysée mérite qu’on y prête un peu plus d’attention. En effet, quasiment en même temps que les opérations militaires se déroulaient, Paris n’a pas hésité un seul moment à faire part des prémices d’un calendrier électoral qu’il comptait imposer à Bamako. Ainsi, le 04 avril dernier, Laurent Fabius se rend exprès au Mali pour discuter des détails de ce calendrier sanctionné par la tenue du scrutin présidentiel en juillet 2013. Sur ce point, François Hollande avait indiqué le 27 mars que Paris sera « intraitable ». Ce qui avait créé des émois à Bamako. Pour rectifier le tir, Fabius dira plus diplomatiquement, devant les partis politiques représentés à l’assemblée nationale, que cette élection en juillet est nécessaire pour un retour légitime de la démocratie. Mais les mots cachent une toute autre réalité politique et diplomatique. Même si, dans un rapport de l’ONU paru le 26 mars, le secrétaire général Ban Ki-moon indique lucidement que les conditions ne sont pas réunies pour l’organisation des élections paisibles et démocratiques en juillet, Paris aurait reçu des garanties de Bamako qui s’engage à tout faire pour que « le calendrier électoral de Paris » soit respecté. Un premier effet négatif de l’intervention de la France au Mali. Bamako applaudit des deux mains la pression de Paris à qui il doit tout ; même l’impossible. Pourtant c’est encore le début. Le docteur Aminata Traoré, s’est vue interdire de séjour en France par l’ambassade de France à Bamako; sans doute pour avoir été l’une des rares personnalités maliennes à s’être montrées hostiles à l’intervention militaire française au Mali.
Il est, à ce stade de la situation politique, économique et sociale du Mali, utopique de vouloir tenir des élections en moins de trois mois. En effet pour refaire le fichier électoral, il faut rapatrier les quelques 400 000 Maliens déplacés dans les pays voisins. Il faut les ramener dans des villes comme Kidal où tout est à refaire, comme l’indique un reportage de Jeune Afrique dans son édition N°2726. A cette mission impossible, il faut ajouter les moyens financiers qui font défaut au Mali. De plus, le Mali n’a presque plus d’administration territoriale qui jouerait un rôle important dans l’organisation de ces joutes électorales. Pour les rares fonctionnaires des villes comme Gao et Tombouctou qui reviennent, il faut reconstruire les locaux détruits lors du conflit. Il faudra également penser à relancer l’économie du pays mise à terre par ces décennies de conflit interne. La priorité de la France, si elle veut aider, et de la communauté internationale serait de s’atteler à une vraie dynamique orientée vers la consolidation de la réconciliation nationale entre les Touaregs du MNLA et du MIA et Bamako. Ensuite suivra une grande opération de reconstruction des établissements publics et de l’administration nationale. Pour cela, il est inimaginable de respecter « le calendrier de Paris ». Au contraire, il faudra à Bamako près de deux ans de travail préalable pour rebondir sur de bonnes bases. A bon entendeur, …
Mamadou DIOP
diopthemayor@gmail.com

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