René Naba
Vendredi 26 avril 2013
- L’Algérie, le navire amiral e la flotte chinoise dans la zone sahélo saharienne
Des trois pays du Maghreb central (Algérie, Maroc, Tunisie), l’Algérie occupe et de loin la position de partenaire privilégié de la Chine, tant pour des raisons historiques que pour des affinités politiques. Un partenariat scellé du temps des guerres de libération post coloniales, quand la Chine s’appliquait à briser le blocus occidental dont elle était l’objet et l’Algérie menait sa guerre d’indépendance contre le pouvoir colonial français. Le Maroc, d’une manière affirmée, la Tunisie, d’une manière plus ductile se rangeant dans le camp pro atlantiste.
Un quatrième, la Libye, passerelle entre la Machreq (Levant) et le Maghreb (le ponant du Monde arabe), faisait figure d’un des principaux tankers pétroliers de la Chine, au même titre que le Soudan, deux pays soustraits à la prépondérance chinoise lors de la contre révolution arabe qui a suivi le «printemps arabe», avec la sécession du sud Soudan, en 2011, acte déclencheur de la révolte populaire de la Place Tarir au Caire, et la Libye, par l’intervention faussement humanitaire de l’Otan, Mars 2011.
Pays le plus riche, le plus développé économiquement, doté de l’armée la plus puissante à égalité avec l’Afrique du sud, son partenaire et frère d’armes dans le combat pour la libération de l’Afrique, le plus grand par sa superficie, de surcroit frontalier de sept pays (Maroc, Tunisie, Libye, Mali, Mauritanie, Niger et RASD), l’Algérie occupe une position centrale au Sahara et ambitionne d’être au centre du jeu d’autant plus impérieusement qu’elle est chez elle au Sahara et dispose d’une frontière commune de 1.800 km avec le Mali soit infiniment plus que la totalité du métrage de la France avec ses pays limitrophes (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Suisse).
De surcroit, l‘Algérie est avec la Russie l’un des deux principaux ravitailleurs en gaz de l’Europe occidentale, laquelle veut réduire sa dépendance de ces deux pays situés hors de la sphère atlantiste. Ultime survivant de l’ancien «front du refus arabe», flanquée désormais de deux régimes néo-islamistes, la Libye et la Tunisie, l’Algérie est ainsi rivée au sol par le dossier du séparatisme du Nord du Mali.
Elle dispose toutefois a une expertise reconnue dans le domaine de la guérilla acquise durant sa guerre de libération nationale, doublée d’une expertise dans la lutte contre le terrorisme acquise durant la décennie noire 1990-2000), mais aussi et surtout, mais cela les initiés en conviennent, sous la houlette soviétique lors de la guerre d’Afghanistan (1980-1990). De ce fait, l’Algérie n’est redevable à aucun état occidental du moindre soutien logistique ou financier dans sa guerre contre le terrorisme et apparait de ce fait comme le pays arabe le moins dépendant.
Avec 250 milliards de dollars de réserve, l’Algérie est le 2 me arabe par l’importance de ses devises, derrière l’Arabie saoudite. Elle constitue de ce fait le point d’articulation majeur de la Chine dans la zone. Leur partenariat est à l’image de la qualité de leurs relations politiques:
Revue de détails:
- Grande Mosquée d’Alger, la plus grande d’Afrique,
- L’aéroport international d’Alger (Houari Boumediene)-
- Le tronçon Centre et Ouest de l’autoroute Est-Ouest en 2006, (11,4 milliards de dollars)
- Opéra d’Alger, à Ouled Fayet, 15 km au sud-ouest d’Alger, superficie 17.900 m2
- Construction de l’hôtel Sheraton à Alger, du centre hospitalier d’Oran et des dizaines de projets de loge Logements sociaux à Alger, Sétif, Annaba, Constantine, Oran et Rouïba.
Le montant des marchés accordés aux Chinois dépassent 20 milliards de dollars dont la grande mosquée d’Alger au milliard d’euros. Trente mille chinois vivent en Algérie, dont 3.600 commerçants et 567 entreprises.
Sur le plan pétrolier, un contrat de 420 millions d’euros pas été alloué au développement du gisement de Zarzaitine au Sahara. Une raffinerie doit également être construite dans la région d’Adrar à proximité du bassin de Sbaâ. Selon les prévisions des stratèges occidentaux, l’Afrique subsaharienne risque de supplanter le Moyen-Orient, en tant que principal fournisseur énergétique des Etats-Unis. L’Afrique occidentale dispose de près de soixante milliards de barils de réserves pétrolières avérées. Son pétrole à faible teneur en soufre, est un brut doux, fort apprécié par les pétroliers américains.
Parallèlement à ces découvertes, les Etats-Unis ont multiplié les initiatives diplomatiques et militaires en vue de sceller les pays africains à la stratégie globale américaine. Des points d’intervention favorisant le déploiement rapide des forces américaines ont été aménagés dans la zone sahélienne sénégalo-malienne, ainsi qu’en Namibie à la frontière avec l’Angola.
Des opérations conjointes avec les pays du Sahel ont été lancées en 2003-2004 contre le groupe Salafiste pour la prédication et le combat (GPS) dans le cadre du «programme de contre-terrorisme en Afrique». Les attaques contre les touristes français en Mauritanie en décembre 2007, entraînant l’annulation du rallye automobile Paris-Dakar et son transfert vers l’Amérique latine, de même que l’attentat contre l’ambassade israélienne à Nouakchott témoignent des réticences locales et régionales au déploiement américain en Afrique.
Porte de l’Afrique via le Sahara, deux pays du Maghreb, l’Algérie et le Maroc avaient été sollicités pour abriter le Quartier général de l’AFRICOM. Désireux de l’abriter, le Maroc y voyait un moyen pour le Royaume chérifien de pérenniser sa souveraineté sur le Sahara occidental face aux revendications indépendantistes de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) soutenue par Alger. Une hantise du trône chérifien. A tout prendre, les Etats-Unis vouaient toutefois une secrète préférence pour l’Algérie, pays au nationalisme chatouilleux, dont l’adhésion au projet aurait renforcé sa crédibilité.
Maroc et Tunisie: deux flotteurs d’escorte du navire amiral Algérie.
Deux pays résolument pro occidentaux, le Maroc et la Tunisie apparaissent dans le dispositif chinois comme des flotteurs d’escorte du navire amiral Algérie, leur principale place forte en Méditerranée occidentale.
Chine-Tunisie: Pendant 23 ans sous le joug du dictateur Zine el Abidine Ben Ali, ancien Overseas officer des services de renseignements américains, la Tunisie est réduite à la portion congrue dans ses rapports avec la Chine.
Seul fait notable, la coopération nouée dans le domaine ferroviaire avec la fourniture par la Chine de 20 rames de trains d’une valeur de 133 millions de dinars (environ 85 millions de dollars) en vue de relier la capitale Tunis à dix villes de l’intérieur: Béja, Jendouba, Ghardimaou, Gaafour, Dahmani, le Kef (vers le Nord-ouest), Mateur et Bizerte vers l’extrême Nord et Sousse et Sfax.
La Chine pourrait se voir confier le grand projet de construction d’un deuxième aéroport international à Tunis. La ratification d’un accord économique et technique entre la Chine et la Tunisie a donné lieu à une donation de 80 millions de yuans soit 19 MD. Cette opération qui a eu lieu sous le nouveau régime néo islamiste a donné lieu à des supputations sur une possible évaporation de recettes, l’expression pudique pour désigner un détournement, de l’ordre d’un million de dollars.
Sur fond de sourde tension entre la France et la Tunisie, résultant du soutien inconditionnel de Paris à la dictature Ben Ali et des interférences de Manuel Valls, ministre socialiste de l’intérieur dans les affaires tunisiennes, toute éventuelle maladresse française pourrait conduire la Tunisie à s’adosser davantage sur la Chine au détriment des intérêts français.
Chine Maroc: Deux pays de vieilles civilisations.
Deux pays de vieilles civilisations, la Chine et le Maroc, contrairement aux apparences, entretiennent des relations cinquantenaires, établies en 1958 dans la foulée de l’accession du Maroc à l’Indépendance. Longtemps limitées, les échanges se sont amplifiées du fait de l’accession de la Chine au de 5eme fournisseur du Maroc devant les Etats-Unis et l’Allemagne. 5eme puissance économique d’Afrique, premier producteur et exportateur de phosphates du Monde, à la jonction de l’Océan Atlantique et de la Mer Méditerranée, le Maroc offre des perspectives attrayantes à la Chine qui lui importe, depuis 2011, 750.000 tonnes d’engrais phosphatés par an.
En dehors de tout contentieux, les rapports Chine-Maroc paraissent toutefois devoir rester limiter en raison du rôle du Maroc sur le continent africain. Partenaire occulte de la diplomatie souterraine israélo-arabe, voltigeur de pointe de la stratégie atlantiste en Afrique, le positionnement marocain se situe dans le prolongement de la coopération stratégique des Etats-Unis avec les pétromonarchies du Golfe. Dans le droit fil de cette coopération, le Royaume chérifien s’est toujours situé en pointe du combat pour la défense des intérêts occidentaux sur le continent africain, un combat qu’il confond d’ailleurs avec la survie du régime monarchique.
Membre du «Safary club» au paroxysme de la guerre froide soviéto-américaine (1948-1989), le Maroc a assuré la protection et la survie des régimes pro-occidentaux africains, notamment le Zaïre de Mobutu et le Togo de Eyadema au sein d’une alliance secrète conclue avec les encouragements des Etats-Unis, entre l’Arabie saoudite, qui en était le financier, la France, son stratège, et le Maroc, son exécutant.
Base de repli du commandement stratégique français du temps de la guerre froide, ce rôle souterrain s’est d’ailleurs manifesté de manière éclatante par les complicités françaises dans la disparition de Mehdi Ben Barka, chef de l’opposition marocaine, de même que par le rôle dépotoir assumé par le Maroc pour les tyrans déchus pro occidentaux et décrétés ipso facto indésirables par leur ancien protecteur malgré leur état de service patenté. Cela a été le cas avec l’asile accordé au Président zaïrois Mobutu, répudié par la France dont il a pourtant été un zélé serviteur pendant près de trente ans.
Les Etats Unis avaient d’ailleurs caressé le projet d’aménager au Maroc le Quartier général de l’AFRICOM, le nouveau corps d’armée affecté à l’Afrique. Un choix par défaut, après le refus de l’Algérie et du Nigéria, deux acteurs majeurs du continent d’accueillir le QG du 7eme corps d’armée américain. Soucieux de diversifier leurs alliances, les Etats-Unis s’étaient d’abord tournés vers ces deux puissances émergentes d’Afrique, bien que la première soit en butte à des actions de type terroriste (Boko Haram) et le second à des opérations de déstabilisation cycliques.
La région de Tan Tan, à l’extrême sud du Maroc, à la limite des frontières du Sahara Occidental, à proximité de la bourgade de Ras Dari, a vocation à abriter ce projet ou d’éventuels projets futurs similaires. Du fait de sa proximité des côtes atlantiques marocaines, le site offre des facilités pour l’US Navy. Outre la base de Tan Tan, les Etats-Unis disposent au Maroc de la base aérienne de Ben Jarir, à une soixantaine de kilomètres de Marrakech ainsi que du site-relais de VOA (Voice of America) à Tanger.
Survivance d’une tradition coloniale, l’Africom était auparavant rattaché au commandement européen à Stuttgart auprès de l’USEUCOM (United States European Command). La région du Sahel, notamment le Mali et la Mauritanie, constituent une base de repli pour les groupements djihadistes. Auparavant, les Etats-Unis surveillaient l’Afrique à travers trois commandements: Central Command (CENTCOM) dont la zone de responsabilité s’étendait sur 27 pays dont sept sont africains, le commandement européen (EUCOM), sa zone couvrant 91 Etats dont 42 sont africains, le commandement pacifique enfin (PACOM) qui a autorité sur une zone couvrant Madagascar et les îles en périphérie de l’est du continent africain.
Pur hasard ou fâcheuse coïncidence? Les trois pays de la zone sahélo saharienne, le Soudan, la Libye, le Nord Mali, situés dans la sphère d’influence chinoise, ont en effet été la cible d’une opération déstabilisation à la faveur de la contre révolution arabe menée par le camp atlantiste. Le Mali, curieusement, par le mouvement islamiste pro qatariote, «Ansar Ed Dine», les partisans de la religion, l’un des affluents d’Al-Qaida.
Symbole de la coopération saoudo américaine dans la sphère arabo musulmane à l’apogée de la guerre froide soviéto-américaine, le mouvement d’Oussama Ben Laden avait vocation à une dimension planétaire, à l’échelle de l’Islam, à la mesure des capacités financières du Royaume d’Arabie.
Le Djihad a pris une dimension planétaire conforme à la dimension d‘une économie mondialisée par substitution des pétromonarchies aux caïds de la drogue dans le financement de la contre révolution mondiale. Dans la décennie 1990 -2000, comme dans la décennie 2010 pour contrer le printemps arabe. Si la Guerre du Vietnam (1955-1975), la contre-révolution en Amérique latine, notamment la répression anti castriste, de même que la guerre anti soviétique d’Afghanistan (1980-1989) ont pu être largement financés par le trafic de drogue, l’irruption des islamistes sur la scène politique algérienne signera la première concrétisation du financement pétro monarchique de la contestation populaire de grande ampleur dans les pays arabes.
Dommage collatéral des rapports de puissance, l’Algérie en paiera le prix en ce que ce pays révolutionnaire, allié de l’Iran et de la Syrie, le noyau central du front de refus arabe, évoluait en électron libre de la diplomatie arabe du fait de la neutralisation de l’Egypte par son traité de paix avec Israël et de la fixation de la Syrie dans la guerre du Liban.
Les Islamistes algériens joueront toutefois de la malchance en ce que le déploiement de troupes occidentales, -dont soixante mille soldats juifs américains-, à proximité des Lieux Saints de l’Islam, dans la région occidentale du royaume, à l’occasion de la première guerre anti irakienne du Golfe, en 1990, les placera en porte à faux avec leurs bailleurs de fonds, contraignant leur chef Abassi Madani à prendre ses distances avec les Saoudiens. Au titre de dommage collatéral, le débarquement des «forces impies» sur la terre de la prophétie constituera le motif de rupture entre Oussama Ben Laden et la dynastie wahhabite.
L’instrumentalisation de l’Islam comme arme de combat politique, en tant qu’anti dote au nationalisme arabe anti américain, dans la foulée de l’incendie de la Mosquée d’Al Asa (1969), a entrainé un basculement du centre de gravité du Monde arabe de la rive méditerranéenne vers le golfe, c’est-à-dire des pays du champ de bataille vers la zone pétrolifère sous protectorat anglo-américaine. Avec pour conséquence, la substitution du mot d’ordre de solidarité islamique à celui mobilisateur d’unité arabe ainsi que le dévoiement de la cause arabe, particulièrement la question palestinienne, vers des combats périphériques (guerre d’Afghanistan, guerre des contras du Nicaragua contre les sandinistes), à des milliers de km de la Palestine, et dans l’époque contemporaine à des guerres contre les pays arabes eux-mêmes (Libye, Syrie) ou des pays africains (Nord Mali).
Sous couvert de guerre «préemptive» contre la «terreur», les Etats Unis mènent en fait, dans l’ordre subliminal, une guerre «préventive» contre une menace chinoise autrement plus terrible. «C’est en poursuivant un islamisme radical humilié avec constance pour en faire un méchant présentable, que les Américains mettent en place le dispositif militaire et stratégique nécessaire à l’affrontement inévitable avec la Chine», soutient Jean François Susbielle, dans son ouvrage «Chine-Etats Unis», la guerre programmée»-First Edition-2006. «L’installation de bases militaires permanentes au pourtour de la Chine et les initiatives géopolitiques américaines à l’égard du Moyen-Orient s’inscrivent dans les préparatifs d’une logistique de guerre contre Pékin. Les Etats Unis et la Chine ont bientôt rendez-vous avec l’histoire», prédit Jean François Susbielle.
La déstabilisation de l’Algérie a figuré, à nouveau, à l’ordre du jour du «printemps arabe des pays occidentaux» en ce qu’elle était prévue dans la foulée de la mainmise occidentale sur la Libye, à en juger par les prédictions de Nicolas Sarkozy, avant son trépassement politique, s’exclamant par répétition ponctuée de sauts de cabri «dans un an l’Algérie, et dans trois ans l‘Iran». L’Algérie, tout comme l’Iran et la Syrie, figurent dans le nouvel axe du mal profilé par les stratèges occidentaux pour maintenir sous pression les pays émergents, situés hors de l’orbite occidentale. Mais le positionnement algérien vis-à-vis de l’opération Serval, l’expédition française au Mali, pourrait avoir infléchi la donne.
Qui tient l’Afrique tient l’Europe, disait Karl Marx.
L’axe Chine Europe constitue les deux extrémités de la vaste étendue continentale euro asiatique, le centre de gravité pérenne de la géostratégie de l’Histoire de la planète, matérialisée par la route de la soie, du parfum, de l’encens et tout dernièrement de la route de la drogue. L’Afrique du Nord en constitue le segment sud.
Terre d’élection de la sous-traitance de l’industrie européenne, la Tunisie abrite près de deux mille entreprises délocalisées dans le domaine de l’industrie mécanique et électronique, le textile et l’habillement. Employant deux cent mille ouvriers et ouvrières, il exporte 97% de sa production vers l’Union européenne. Une situation identique pour le Maroc.
Le Maghreb central constitue un ensemble régional de plus de trois millions de kilomètres, avec quatre- vingt millions d’habitants, avec en perspective une projection d’une augmentation de sa population d’un tiers pour atteindre les cent vingt millions à l’horizon de l’an 2020. Ce partenaire de premier plan de l’Europe, dont il borde le flanc méridional, à la jonction du monde arabo-berbère et africain, a vu son économie sinistrée par la Kleptocratie, le népotisme, la prédation de son économie, les tares propres aux dictatures, et, dans un contexte de mondialisation accélérée et de concurrence exacerbée, par la prépondérance des échanges avec l’ancienne métropole sur la coopération Sud-Sud et les échanges interarabes et arabo-africains.
A l’instar des autres pays arabes, le Maghreb souffre de l’absence d’un projet viable de société, d’une déperdition d’énergie et d’un autoritarisme bureaucratique. Un quart de siècle après le vent de fronde qui a soufflé sur le Maghreb (1984), alimenté par un mécontentement populaire diffus et par le marasme économique mondial, dans un monde arabo-musulman en crise d’identité, un nouvel élan populaire est en train de mettre à bas le savant édifice mis sur pied sur la rive sud de la Méditerranée en vue d’y pérenniser l’hégémonie occidentale sur la zone. En contrecoup, cet édifice a maintenu le Maghreb en situation de marché captif, pour en faire un défouloir de la société occidentale pour son tourisme de masse, son atelier au rabais pour le maintien de la compétitivité internationale de l’Europe, le refuge de ses retraités en fin de vie, le glacis stratégique du pacte atlantique face à la percée chinoise en Afrique et son arrière-cour économique et sa basse-cour politique.
Ce Maghreb-là constitue précisément la dernière digue avant le contournement complet de l’Europe par l’Afrique, selon le vieux principe maoïste d’encercler les villes par les campagnes. Si la Chine sortait vainqueur de son jeu de go, la France, le maillon faible du dispositif du bloc atlantiste dans le secteur, sera immanquablement vouée au rôle de maillon manquant du directoire mondial de la planète en ce que le Maghreb, longtemps sa zone d’influence privilégiée, représente le principal gisement de la francophonie et la zone de sous-traitance de l’économie française, gage du maintien de sa compétitivité.
«Pour gagner une guerre, il s’agit de ne pas la faire et, si possible, d’en mener en réalité une autre, dissimulée et farouchement niée. L’art de la guerre est de mener dans le brouillard l’adversaire au point où, à la limite du déclenchement du conflit, il s’aperçoit que le combat est devenu inutile parce qu’il a déjà perdu. Le vrai stratège construit sa politique (car c’est de politique qu’il s’agit) par tous les moyens, en fonction du traité qu’il imposera à son adversaire, en lui laissant la «face sauve» et même en allant jusqu’à lui représenter qu’il y trouve son compte, recommandait Sun Tzu, le grand stratège chinois du IV siècle avant notre ère dans son célèbre livre «L’art de la guerre».
Une spirale paranoïde: La Chine plus important créancier des Etats-Unis, détentrice d’un consistant matelas de bons de trésor de l’ordre de 1.800 milliards de dollars, perçoit annuellement près de 50 milliards de dollars au titre des intérêts de la dette, qu’elle s’empresse de réinvestir en Afrique en une spirale paranoïde qui aboutit à ce que l’Amérique finance l’expansion chinoise en Afrique, qu’elle entend combattre. Même pulsion paranoïde de la part de la France qui s’acquitte annuellement de 50 milliards d’euros au titre des intérêts de la dette colossale, tout en se refusant à effacer le fardeau de la dette africaine.
Au terme d’une navigation centenaire, réplique lointaine de la «Guerre de l’Opium», en 1840, qui a contraint la Chine à s’ouvrir au commerce européen, la flotte du Grand Timonier, bravant tempêtes et écueils, est parvenue enfin à bon port. Abordant victorieusement les «Marches de l’Empire». A la vitesse d’une tortue.
Six siècles après Vasco de Gama, parvenu en Chine grâce au concours de son guide, le navigateur arabe Ahmad Ibn Majid, six siècles après le débarquement de Marco Polo, qui força la Chine à adopter les normes occidentales, l’empire du Milieu se vit et se veut désormais comme le centre du Monde. Ses descendants, en moins de deux décennies, ont lavé l’humiliation nationale délogeant les anciennes puissances coloniales de leur marché captif de l’Afrique, faisant de la Chine la 2me puissance économique du continent. La façon chinoise de rendre la monnaie de leur pièce à ses rivaux occidentaux.
Aux extrémités du Mare Nostrum, une ligne médiane va d’Alger au port grec du Pirée, la place forte chinoise pour le commerce européen. Une ligne perçue par l’ensemble de la planète comme la nouvelle ligne de démarcation des nouveaux rapports de forces mondiaux. Une ligne tracée à l’encre de Chine. Une encre indélébile. A quelques encablures du Colosse de Rhodes.
Hic Rhodus Hic Salta: Le passage du Rubicon se fera aussi par la Méditerranée occidentale, l’Afrique du Nord, le Maghreb, le ponant du Monde arabe, l’ancienne Ifriqiya de l’époque romaine.
Tous droits réservés © René Naba • 2013
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