Première et seule femme élue communale du Nord, coordonnatrice de l’Association »Trait d’union », membre du Collectif des élus du Nord, Mme Seck Oumou compte relever plusieurs défis. Il s’agit, pour elle, d’honorer tout d’abord toutes les femmes en général et celles du Nord en particulier. Dans un entretien à bâtons rompus, la Pasionaria du désert parle de la crise, de ses conséquences et de l’après-guerre.
Oumou Sall Seck
Défi de femmes : Que doit-on retenir de vous ?
Oumou Sall Seck : Je suis Oumou Sall Seck, maire de la Commune de Goundam. Je suis une citoyenne malienne préoccupée par la situation actuelle surtout celle que vivent les femmes et les enfants dans notre pays, particulièrement dans le Nord du Mali.»… Quand ils sont rentrés à Goundam, ils ont commencé le saccage par mon domicile… »
Depuis le début de la crise vous êtes à Bamako. Que faite-vous présentement ?
O. S. S. : Je suis à Bamako depuis mi-avril 2012 parce que tout simplement ma ville était occupée comme toutes les grandes villes du Nord. Après Gao, Tombouctou et Kidal, c’était ma ville. Je suis sortie avant l’arrivée du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad, Ndlr). A ce moment, il n’y avait plus d’administration, de structures encore moins de représentants de l’Etat.Ainsi, les populations m’ont demandé de quitter puisque ma vie était en danger. Effectivement, quand ils sont rentrés à Goundam, ils ont commencé par mon domicile. Ils ont pris ce qui les intéressait avant de saccager le reste. Armés, ils ont menacé les enfants, mais heureusement il n’y a eu aucune perte en vie humaine.
Donc, bien avant que cette situation ne débute, je suis à Bamako. Je me bats pour les droits des femmes et des enfants. En tant que première et unique femme élue locale du Nord, j’ai le devoir, l’obligation et la lourde responsabilité de relever plusieurs défis. Une manière pour moi de bien préparer le terrain (un environnement sain et propre) pour la génération montante et les femmes. Je sais que c’est un combat très laborieux, compliqué, pas facile pour une femme, mais ma conviction, c’est que je n’ai pas le droit d’échouer pour une raison ou une autre.
Pour cela, je suis sur plusieurs fronts, beaucoup de plaidoyers à la recherche de financements pour les projets dans le but de renforcer la capacité des femmes, pour leur bien-être, lutter contre l’excision à laquelle j’ai pu, par la grâce d’Allah et de mes partenaires, mettre fin à Goundam. Présentement, dans cette localité, les femmes ne connaissent plus l’excision. De plus, je me bats pour améliorer les conditions de vie des populations en général et singulièrement des enfants.
En tant qu’élue communale, comment avez-vous vécu la crise du Nord ?
O. S. S. : Les populations ont souffert énormément même si aujourd’hui nous sommes libérés de ces terroristes y compris le MNLA, il y a quand même des problèmes sécuritaires et alimentaires. Présentement, il n’y a pas d’électricité, pas d’école pour ceux qui sont restés sur place qui n’ont pas eu la chance ou les moyens de partir ailleurs. Ils sont là-bas et ils souffrent encore. C’est très dur.Pouvez-vous nous décrire les souffrances infligées aux femmes et aux enfants par les jihadistes ?
O. S. S. : Les souffrances sont nombreuses. Moi je ne les appelle pas jihadistes mais terroristes. Quand on dit jihadistes c’est comme des musulmans qui sont en train de défendre la religion en pratiquant la »charia », ce qui n’est pas leur cas. Donc, en réalité ce sont des terroristes qui ont été malheureusement encouragés par des Maliens. C’est le MNLA qui a ouvert nos portes à ces gens et chaque fois qu’ils ont des intérêts communs, ils se retrouvent. Ils ont des liens même s’ils ont un problème de leadership aujourd’hui.Ainsi, ces gens ont violé les femmes, les ont battues, lapidées, humiliées et les enfants ont été enrôlés, drogués, etc. Les femmes souffrent énormément. Egalement, on nous a appris qu’ils y a des femmes qui sont enceintes de ces terroristes. Chez nous, on sait ce que cela veut dire. Dans le milieu peul, c’est une honte d’avouer qu’on a été violé. Donc, les femmes souffrent intérieurement et elles meurent chétives. En réalité, je ne peux pas décrire toutes les souffrances. Les dégâts sont énormes…
« … Le Mali de la diversité culturelle, prospère et accueillant où chacun mène ces activités sans déranger l’autre dans le respect de nos différences… »
Qu’avez-vous pu mettre en place pour atténuer cette souffrance ?
O. S. S : C’est des choses auxquelles nous pensons. Dans l’avenir, quand la paix sera réinstaurée, nous envisageons assister ces femmes pour les aider à remonter leurs souffrances, essayer de les insérer dans la vie publique. Pendant tout ce temps, je fais beaucoup de choses sur le plan national et international, histoire pour moi de faire comprendre au niveau national et international ce qui se vit chez nous. Aussi apporter un démenti.J’ai fait beaucoup d’interventions sur les chaînes internationales. J’anime des débats sur la situation, je participe à des conférences. Dans mes interventions, je rappelle un peu l’historique, parce que le MNLA nous a devancés dans la communication, donc il fallait apporter le démenti. Aussi, c’est de faire comprendre aux gens que l’Azawad est juste une imagination de ces terroristes. Cela n’a jamais existé. Le Mali est un pays arc-en-ciel comme l’Afrique du Sud où toutes les communautés et ethnies ont vécu ensemble en parfaite symbiose depuis longtemps.
C’est le Mali de la diversité culturelle, prospère et accueillante où chacun mène ses activités sans déranger l’autre dans le respect de nos différences. En un mot c’est ce genre de plaidoyer que j’ai toujours fais et que je continue de faire et je pense qu’aujourd’hui le message est porté très loin.
»… Qu’on accepte ou pas, il y a de sérieux problèmes au sein de notre armée… »
Avec le début d’espoir suscité par l’opération militaire, que faut-il faire ?
O. S. S. : Dans l’immédiat, les solutions sont les mêmes, il faut une reconstruction de tous les systèmes. A commencer par l’armée malienne qui est très utilisée aujourd’hui. Qu’on l’accepte ou pas il y a de sérieux problèmes au sein de notre armée. Il faut que l’armée qui nous défend, sur laquelle nous comptons, se retrouve en parlant le même langage et taire sa haine.Aussi, il faut que le gouvernement de transition prépare le terrain pour qu’il y ait une élection libre et transparente pour qu’émergent de vrais citoyens, de vrais politiques, de vrais leaders avec un caractère fort pouvant vraiment fédérer autour de l’ensemble des Maliens. Aujourd’hui, nous avons besoin d’un leader très fort, tolérant qui puisse rapprocher les Maliens, les unir et les soutenir. En ce qui concerne la société civile, il faudrait que les choses changent. Qu’elle se reconstruise, car nous avons besoin d’une société civile impartiale, indépendante. Elle doit être le socle pour surveiller les politiques enfin que les choses changent dans le meilleur sens. Que les partenaires soient très attentifs !
Vous avez mis en place une association dénommée »Trait d’union », que recherchez-vous à travers une telle initiative ?
O. S. S. : Le »Trait d’union » entre les Maliens, parce que moi je ne suis pas dans la logique Nord-Sud, pour moi c’est le Mali un et indivisible. Notre rôle, c’est d’unir et faire comprendre. Nous avons plusieurs objectifs comme mettre en place un système de communication transparent et fédérateur. Nous avons des programmes et nous sommes contre l’injustice et l’impunité. Nous ne sommes pas pour l’amalgame et pour une guerre civile. Nous sensibilisons pour que l’Etat puisse faire correctement son travail mais aussi nous veillons à ce que ces gens qui ont détruit le Mali, le tissu social, soient entendus. Que chacun réponde de ces actes. Que la situation soit discutée avec tous les Maliens pour qu’il y ait une solution globale et durable du problème. Nous aidons le gouvernement à consolider les acquis de paix, à se retrouver et pour pouvoir commencer à revivre ensemble.Votre message
O. S. S. : Le message que je passe, c’est un message de paix. Il faudra qu’on accepte se retrouver quelque soient nos différences. Que nous nous disions que ce qui nous unit aujourd’hui et qui est très fort, c’est le Mali. Nous devons voir ce qui est nécessaire pour reconstruire le Mali et cela ne peut pas se faire sans l’ensemble des Maliens. Et surtout que nous devons coordonner nos actions dans une mobilisation globale.Bintou Danioko
(Défi de Femmes)
Le debat
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