lundi 29 août 2016

CRISE MALIENNE

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"En attendant le bus" : Dans cette analyse-opinion, l'allégorie du bus permet d'appréhender rapidement le positionnement et les rapports de force qui découlent des actions entreprises ou pas, par les acteurs nationaux et internationaux concernés par la crise au Mali. Elle permet également de mettre en relief deux menaces synthétiques et critiques aujourd'hui, susceptibles de mener le pays à la partition.

Cinq menaces clefs sont ainsi répertoriées dans cette analyse, puis explicitées dans leurs mécanismes de façon concrète. Ce qui permet au final d'avoir une vue limpide des risques qui prévalent sur l'ensemble du territoire national, ainsi que des voies qu'il faut impérativement ne plus suivre, si l'on veut espérer s'en sortir. L'étude originale dans laquelle j'ai prioritairement développé les aspects militaires de cette sortie de crise au Mali, incluait également à la demande du commanditaire, les domaines abordés dans cette analyse publiée.

Mais elle le faisait en un peu plus de quatre cent pages, si on y inclut les audits connexes, les analyses financières, les rapports terrains nationaux et sous régionaux, ainsi que les devis et les cartes. Ici nous n'en avons que cinq mais il s'agit d'une synthèse, non confidentielle de surcroît. Mais dans le fond, cette analyse est conforme, dans ses conclusions, à l'étude réalisée.

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Quelque part au cœur de l'Afrique de l'Ouest, mi-août 2016. La saison des pluies bat son plein, et entre deux orages, le temps est idéal pour flâner où méditer. Et cela tombe bien, car j'attends le Bus.

1. Le bus Mali. Un véhicule national spacieux puisqu'il ne contient au regard de sa taille, que 17,5 millions de passagers. Incluant bien sûr deux-cent cinquante mille (243.690) réfugiés, qui malheureusement encore n'ont pas tous embarqués. Ensuite, et au regard de la synthèse des estimations faites à ce propos. Ce bus en 5 ans à peine peut entrer dans les faubourgs de l'autosuffisance alimentaire.

Et si on y ajoute 3 années de plus, la totalité de ses passagers peut atteindre dans la mégalopole du développement durable et du bien-être pour tous, un PIB jamais atteint depuis l'indépendance. Soit moins de dix années à compter de ce jour, pour combler un retard historique et prendre enfin la place qui lui revient, au cœur de l'Afrique de l'ouest.

2. Mais je suis inquiet. Car ce véhicule qui depuis 3 ans déjà tarde à venir, le fait en raison de dysfonctionnements graves, qui sont tous capables de lui faire quitter route. Et dans les circonstances actuelles, cette route même si elle est praticable, est dangereuse. La perte du contrôle si elle se produit sera violente, et brisera le bus en deux.

2.2 Et il y a notamment deux anomalies majeures relatives aux roues pour la première, et aux asymétries conceptuelles constatées à bord pour la seconde. Qui sont aujourd'hui préoccupantes, dans les niveaux de menaces qu'elles génèrent. Mais elles sont parfaitement identifiées. Ce qui revient à dire qu'en les prenant en considération, on a la certitude non pas d'empêcher l'accident, mais de faire en sorte que le plus grave ne se produise pas - à savoir la partition.

3. La première menace synthétique est relative aux anomalies graves, remarquées dans le train de roulement du bus. Puisque l'on constate avec une certaine acuité depuis 2012 et 2013, que ses roues avant appartiennent d'un côté à la France, et de l'autre à l'ONU.

3.1 On aurait pu en rester là sauf que les doubles roues à l'arrière du véhicule, sont également la propriété de quatre entités différentes. Avec d'un côté la roue du Gouvernement du Mali - jumelée à celle des maliens figurants parmi les plus nationalistes du pays.

3.2 Et de l'autre la roue du Mnla - jumelée elle au consortium pro-Azawad. Imaginez que ce train roulant appartenant à six entités différentes fonctionne à l'unisson et dans le même sens, relève à n'en pas douter de la quadrature du cercle. Ce qui en clair signifie:

Que l'on s'achemine premièrement vers la sortie de route - parce qu'en l'état elle est tout simplement inévitable.

Et deuxièmement, et qu'on le veuille ou non, on est obligé de faire avec les roues que l'on a ! Quand bien même certaines entités propriétaires déplaisent à certains. Ou alors on immobilise le bus tout de suite, et tout le monde descend. Fin de l'histoire.

3.3 Mais on peut encore agir sur les dommages collatéraux de cet accident. C'est même la seule chose, je pense, qui soit encore désormais possible de faire. Pour cela, il suffit en effet de passer les roues du gouvernement du Mali et du Mnla, à l'avant du véhicule. Et de basculer ensuite celle de la France et de la Minusma, à l'arrière. Cela n'empêchera pas la sortie de route, mais évitera que le bus ne se coupe en deux. Il sera donc récupérable après le choc.

3.4 On peut aussi indirectement agir en utilisant la roue de secours. Je n'en ai pas encore parlé, parce qu'elle appartient à Iyad Ag Ghali. C'est normal, il est Malien. Mais on peut noter que cela n'empêche pas au bus d'avancer, dans sa configuration actuelle. Et donc cela ne l'empêchera pas non plus, d'aller à l'accident.

3.5 Par contre, le choix de récupérer cette roue avec ou sans l'accord de l'intéressé permettrait d'intervenir stratégiquement dans la composition du train avant. Puisque la France où la Minusma qui justifient en partie leurs positionnements directeurs, pourraient l'un ou l'autre être remplacé par cette roue. La sortie de route resterait toujours inévitable, mais le bus comme dans la solution précédente, pourrait repartir. Et cette fois avec un secours de choix, ce qui constitue une vraie résilience.

3.5.1 C'est d'ailleurs ce processus que j'ai tenté d'expliciter dans l'allégorie du piège, publiée sur ce réseau. L'idée étant d'optimaliser les capacités logistiques, administratives et financières de la Minusma pour accompagner efficacement, la résilience du pays. Un choix de mon point de vue bien moins hasardeux que celui militaire et "tout offensif", que de toute façon elle ne sait pas faire.

4. La seconde menace synthétique est relative cette fois, aux asymétries conceptuelles constatées à l'intérieur du bus. Visibles dans certaines bagarres à bord, et pas d'autres. Et visibles également au niveau de l'architecture politique et socio-culturelle du bus. Ce n'est pas peut-être, c'est sûr, puisqu'elles sont omniprésentes et quantifiables partout.

5. Or, la visibilité a ceci de précieux, qu'elle participe à la résolution du problème auquel elle est associée. Et donc identifier les asymétries dans le bus au Mali, permet de traiter les menaces et les complications qu'elles génèrent, pour plus de la moitié ou presque.

5.1 Quatre sont dangereuses à court terme, et elles sont bien visibles. Ce qui veut dire qu'elles sont en partie déjà résolues. On ne peut donc entendre, et je ne l'entends pas, que ce qu'il reste à faire pour redresser le Mali soit insoluble où compliqué. Puisque de fait, ça ne l'est pas.

6. La première et grande menace liée à l'asymétrie conceptuelle, est celle de l'Accord d'Alger. Il y a en effet en théorie, en pratique, sur le terrain et quel que soit les parties concernés, y compris les Nations-Unies, l'Algérie et la France. Un différentiel fort entre cette paix que l'accord suggère (et que tout le monde sans exception désire). Et pardon pour le terme, le "foutoir" généralisé qui prévaut au Mali, depuis plus d'un an qu'il est signé. Si cela n'est pas une asymétrie conceptuelle, alors je ne sais pas ce que c'est.

6.1 Et donc si c'est compliqué pour ce processus d'Alger, c'est parce qu'il est opaque. Quand des milliers de gens s'apprêtent en effet à mettre la main dans le feu. Initier des séminaires de sensibilisation pour leur expliquer qu'ils vont probablement se brûler, c'est faire un déni de leur bon sens.

6.2 Donc acte. Cet accord défi le sens commun, et dans cette hypothèse, pourquoi l'a-t-on signé ? Identifier les raisons à cela en conscience, permettrait de faire la moitié du chemin vers la lumière. Et donc résoudre l'autre moitié, ne prendrait que peu de temps. D'autant plus que les voies pour aller à la paix sont en partie déjà balisées, par l'accord préliminaire de Ouagadougou. Il faut donc que le bus s'arrête et recule et c'est indispensable, si l'on veut éviter la sortie de route programmée qui nous attend.

7. Seconde menace liée à l'asymétrie en tant que concept. Celle remarquée au niveau des combats sur l'ensemble du territoire national. Dans ce domaine qui est militaire les choses paradoxalement sont encore plus simples, puisqu'il n'y a que deux options.

7.1 Le combat est de type conventionnel, où il ne l'est pas. S'il l'est, les enseignements à tirer s'inscrivent dans un canevas parfaitement identifié d'erreurs que l'on fait depuis 50 ans, et qu'il faut bien sûr arrêter de faire de tout de suite. A l'inverse s'il ne l'est pas, cela signifie qu'un faible se sert d'un avantage naturel, factuel où conjoncturel, pour frapper plus fort que le lui.

7.2 Je rappel à toute fin utile que quand Iyad Ag Ghali "descend" sur Bamako en 2012, il est fort. Son combat à ce moment est de type conventionnel. C'est donc bien l'inversion du rapport de force induit d'abord par la France, puis maintenu ensuite par la Minusma. Qui malgré sa potentialités de nuisance en progression constante, le positionne aujourd'hui comme étant le faible. Ce qui génère bien entendu, l'asymétrie que nous observons.

7.2.1 Dans mon hommage aux Pays-Bas sur ce réseau, c'est cela que j'ai explicité mais sous un autre angle. Ce fait qui est une évidence semble pourtant ne pas être compris par Paris, et par le conseil de sécurité de l'ONU. Je ne sais toujours pas s'il faut en rire où en pleurer, même si j'ai une idée très précise à ce propos.

7.2.2 Car il n'y a aucun doute. L'entité Djihadiste au Mali est à ce point identifiée, qu'elle peut signer par voie de presse où par communiqué vidéo, ses attaques de type asymétrique. Les faits ayant débutés en octobre 2012, il est inconcevable d'entendre qu'il n'y a depuis ce laps de temps considérable, aucune stratégie de réduction viable qui n'ait été proposée. Où accepter, car il y a bien eu des propositions.

7.2.3 Et cela est d'autant plus vrai, mais j'y reviendrai. Que le Djihad au Mali présente une spécificité unique au monde. Et cette singularité plus que Boko-Haram où l'EI, le rends particulièrement vulnérable. Tout du moins durant quelques mois encore. Puisque l'externalisation à décharge, du côté des intervenants internationaux. Induit sur le terrain une externalisation à charge, du côté Djihadiste.

7.2.4 Ce qui concrètement modifie l'asymétrie type, du combat perpétré sur le sol Malien. Les premières manifestations palpables étant de ce point de vue, la perte en cours du Macina. Où l'on voit qu'un Djihad faible se sert d'un avantage terrain, ici la montée naturelle des eaux. Pour asseoir une suprématie dans le compartiment terrain qu'il contrôle. Du jamais vu depuis l'indépendance. Et qui prouve bien dans les faits qu'il y a là un apport et un savoir-faire, exogène aux paradigmes du terroir.

8. Troisième menace liée à l'asymétrie en tant que concept, celle relative à la différence d'avoir, et de savoir-faire. Crapuleux ou pas mais politiquement entretenue et développée par la classe dirigeante où celle aux affaires, d'un côté. Et détenue par la population, de l'autre. Le différentiel est considérable. Tant et si bien que le retard pris dans la formation des passagers, entraîne au quotidien que le verbal dans le bus, prime à plus de 70% sur l'écrit.

8.1 La majorité des passagers préfèrera écouter un grand électeur. Parce qu'elle est dans l'impossibilité intellectuelle de se forger une opinion personnelle, sur la base d'écrits qu'elle ne peut en conscience appréhender seule. Ce manque de choix n'est pas totalement handicapant, si le grand électeur est altruiste et intègre. Car il leur construit alors avec ses mots, un avenir sur mesure dans lequel ils vont lentement s'inscrire, pour évoluer.

8.1 Mais par contre, s'il ne l'est pas. Et qu'il se sert de l'asymétrie conceptuelle relative à cette politique de gestion pour asseoir sa notoriété, ou pour assouvir des ambitions personnelles où corporatiste. Les passagers du bus manipulables et manipulés, n'auront absolument aucun recul pour faire la part des choses, et changer leur destinée.

8.1.1 Le taux d'alphabétisation avoisinant selon les données Unicef en 2012, les 33,4%. On comprend aisément qu'il est impossible maintenant, de trouver onze millions de solutions à l'intérieur du bus.

8.1.2 Par contre, on peut trouver de bons et de grands électeurs. Qui peuvent en se mettant au service de la communauté, amener de la conscience et de l'élévation. La problématique n'est donc pas si complexe. Je dirais même qu'elle est plutôt limpide, puisque des femmes et des hommes de grandes valeurs sont à bord. Et hiérarchiser ensuite les étapes permettant de passer de l'en cours existant, à ce qu'il faut atteindre, ne pose en valeur absolue pas de problème particulier.

9. Quatrième et dernière menace liée à l'asymétrie en tant que concept, celle liée à la corruption. Puisque le rapport des richesses non redistribuées où volées, frise dans certains domaines les 100%. Et ce au détriment des 90% des passagers du bus. Cette utilisation des richesses est donc bien asymétrique, et la principale menace qu'elle génère est que le propriétaire du véhicule Mali, n'a jamais les moyens financiers pour réparer où pour avancer. Ou plutôt il a ces ressources, mais elles sont gaspillées.

9.1 Mais ici également, on constate que ce pillage se fait au vu, et au su de tous. Il ne constitue donc qu'un demi-problème, puisque les passagers qui sont dans le verbal, communiquent entre eux sur et à propos des parasites assis à leurs côtés. Et ce quoi qu'ils fassent, de l'avant à l'arrière du bus.

9.1.2 Si bien qu'à l'instant même où ils réaliseront que cet état de fait, les maintient dans le sous-développement chronique dans lequel ils vivent depuis 50 ans. Ils réagiront, et l'asymétrie disparaîtra. Le corollaire étant que s'ils s'en accommodent, rien ne changera. C'est sûrement malheureux et pitoyable sur le fond. Mais dans la forme, il est impossible de voir ici une quelconque difficulté à résoudre puisque de fait, il n'y en a aucune.

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10. En conclusion. J'ai commencé cette analyse en disant que j'étais inquiet. Et malgré le fait qu'il soit certain que l'on puisse encore éviter un grave accident, je m'interroge.

Car la situation qui prévaut au Mali aujourd'hui, a été en partie annoncée au lendemain de l'accord préliminaire de Ouagadougou. Notamment les restrictions de mouvements, qui sont aujourd'hui supérieures à ce qui existait et c'est un comble, avant l'arrivée des Nations Unies, de Barkhane, et durant la partition.

Prendre son mal en patience, proposer son aide, communiquer, semer, écouter et ne pas désespérer, a conduit les protagonistes impliqués dans la crise malienne à l'impasse que nous observons. Au nom de quoi cela changerai-t-il maintenant ?

Puisque l'on voit que Paris s'apprêtes dans ce chaos, à faire "son sommet" applaudit à deux mains par son hôte. Que les Nations Unies votent un mandat plus offensif pour la Minusma, contre un ennemi à propos duquel tout le monde s'interroge encore. Et que les affrontements intercommunautaires en phase ascendante sur l'ensemble du territoire national, le sont par ce qu'ils obéissent à des paradigmes d'instrumentalisation obsolètes.

L'histoire se fera de toute façon. Mais nous savons tous aujourd'hui qu'elle peut prendre deux directions. Et donc en attendant, je vais essayer de me trouver à manger dans ce charmant village.

Avant que ses habitants on ne sait jamais, ne soient contraints à l'exode. Souhaitons de tout cœur que non mais quoi qu'il arrive, nous verrons bien."

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