lundi 8 août 2016

2.2. Du pouvoir ethnique Touareg à la sanctuarisation de l’AQMI et les « dires » de l’État dans l’espace saharo-sahélien au Mali | Fondation Gabriel Péri

2.2. Du pouvoir ethnique Touareg à la sanctuarisation de l’AQMI et les « dires » de l’État dans l’espace saharo-sahélien au Mali | Fondation Gabriel Péri

Communication du Pr. Naffet Keïta, chercheur à l’ULSH de Bamako (Mali) au colloque du 19 juin 2012 "Quelles constructions politiques au Nord Mali face aux crises dans le Sahel ?"

Du pouvoir ethnique Touareg à la sanctuarisation de l’AQMI et les « dires » de l’État dans l’espace saharo-sahélien au Mali [1]

Nombre d’observateurs pensent que le contexte mondial actuel remet en question les paradigmes qui ont fondé les États-nations en Afrique eu égard aux enjeux sécuritaires qui taraudent le monde (Hugon, 2011). Dans l’espace saharo-sahélien malien, ces problèmes sont en rapport avec une série de facteurs qui interagissent :

  • la question du contrôle de cet espace sur fond de tensions consécutives aux séries de révoltes et rébellions des Touareg ;
  • l’avènement des mouvements néo-MFUA tels ADC (Alliance pour le Développement et le Changement) et le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) qui s’illustrent par des actions guerrières et des revendications territoriales ;
  • l’africanisation progressive du mouvement salafiste, ses accointances avec Boko Haram du Nigeria et leur allégeance à Al Qaëda ; [2]
  • les enjeux propres à l’économie de ce territoire dont le sous-sol est riche en minerais potentiellement exploitables mais également émaillé de trafics de tous genres ;
  • la corruption des administrations et des forces de sécurité locales se traduisant par la perte pour les États de leurs monopoles (sécuritaire et imposition) ;
  • la mise à sac des dépôts de munitions en Libye et le décès d’Ibrahim Bahanga, dont les partisans seraient encore nombreux dans la région.
Dans un tel contexte, il faut être attentif aux conséquences des prises d’otages et le réarmement de l’AQMI, sur les États, les populations, les partenariats régionaux et internationaux.

Le présent article vise trois objectifs : d’un, il est circonscrit à l’espace saharo-sahélien malien et porte sur l’analyse des rébellions touarègues dans la durée. Deux, il traite de la nature et des dires de l’État malien et les questions de territorialité. Enfin, il est fait question de la sanctuarisation de l’AQMI, les trafics illicites et ses conséquences sur l’agenda électoral. Ces problèmes tournent autour des questions suivantes : quels contextes ont permis l’émergence et la sanctuarisation d’AQMI dans l’espace saharo-sahélien traversé par des rébellions cycliques (1917 ; 1963 ; 1991-1995 ; 2006-2009) ? Assiste-t-on à des processus de recomposition de zone d’influence religieuse, de fraude internationale, de pouvoirs locaux visant à des formes de contrôle de richesses minières, de captation des ressources étatiques ou de revendication territoriale ?

L’espace saharo-sahélien malien : entre révoltes-rébellions dans la durée

Bientôt deux décennies, les régions Nord maliennes apparaissent indiscutablement comme l’un des acteurs majeurs de la vie politique. Cet espace a vu éclore des rébellions entre 1917-2009. Ici, nous tenons seulement à relever ses formes multiples, à partir de 1990, et ses conséquences.

Les révoltes et rébellions Touareg, une lutte sociale et politique

Les séries de sécheresse de 1973-1974 et 1983-1984 avaient décimé la quasi-totalité du cheptel des pasteurs nomades des régions Nord du Mali, des milliers de jeunes Touareg ont pris le chemin de la migration, pour chercher du travail et fuir « l’encadrement policier » du cercle de Kidal à l’époque. Cela a été possible dans la décennie 1980, quand le Colonel Kadhafi a lancé l’appel invitant les Touareg du Niger et du Mali à rejoindre son pays dont ils seraient « historiquement » originaires. Dans la mouvance, des cadres Touareg se sont réfugiés à l’étranger. Cette jeunesse s’est dénommée, elle-même, ishumar (déformation du mot français, chômeur). Ils comprirent que la Libye ne voulait pas leur apporter l’aide qu’ils souhaitaient, mais essayait uniquement de les utiliser pour les besoins de sa propre politique. Ce séjour libyen et ailleurs avait sérieusement influé sur l’identité des migrants.

De l’identité d’exilés/migrants à celle de rebelles

La crise du nomadisme et ses conséquences ont entraîné la marginalisation et la déstructuration de cette société. Cette situation, conjuguée à « l’absence d’un signal fort de la part de l’État malien », pousse à une affirmation de la personnalité ethnique touarègue, alors que la reproduction de l’identité est entravée par toute une série d’obstacles administratifs et réglementaires. A ce propos, l’ancien porte-parole de l’Alliance démocratique pour le changement du 23 mai, député depuis les législatives de 2007 d’Abeïbara, a resitué les mobiles de la rébellion par ce qui suit :

« La rébellion, (…) c’est une manière pour nous de réclamer nos droits, nous sommes Maliens, (…). De l’indépendance jusqu’à 1990, il n’y a pas eu de développement (…). Nous n’avons connu que l’horreur de la guerre (…) et son cortège d’humiliations, de brimades et d’emprisonnement. (…), Kidal n’a connu qu’une administration militaire (…) qui avait carte blanche de faire ce qu’elle veut  ». [3]

Dans ces conditions, le référent identitaire « rend cohérente et efficiente la complexité bio-anthropologique » parce qu’elle facilite ou consacre l’émergence des revendications ethnicistes. Cette fonction identitaire permet alors une réconciliation des déterminismes sociaux avec les acteurs, qui prennent conscience de leur spécificité et de leur unité.

En effet, ce sujet autonome, ancré dans sa communauté, ne s’identifie plus seulement à son lignage d’origine et d’appartenance mais dans l’affection, la fraternité et l’ethnicité. L’exode et l’exil/migration constituent des épreuves donnant sens à cette identité en construction.

Dans l’imagerie populaire touarègue, l’esclave ne peut pas et ne doit se marier aux Targuiat. Or, avec la sécheresse, les hommes Touareg se sont vus totalement démunis et n’étant plus en mesure d’assurer l’entretien de leur famille ni d’envisager un mariage quelconque, les filles targui épousèrent les fonctionnaires et militaires, détenant les leviers des pouvoirs administratif, politique et économique. Parallèlement, un discours identitaire à caractère politique prône l’union des Kel Tamacheq contre les pouvoirs en place, tenus pour responsables de leur situation :

« Amis de toute l’Afrique, une question tourmente mon âme, amis. Amis, vous êtes partis, vous êtes partis. Pendant ce temps-là, on a colonisé la parole, amis. La révolution, c’est comme un arbre : si tu l’arroses, il pousse et se ramifie, amis. Frères, tout pousse dans l’eau, amis. Depuis sept ans j’attends et je n’ai rien vu. (…). Que me répondez-vous, amis, si je vous dis : soyez unis au nom de la révolution que vous prônez ! Les nouvelles de ceux du Mali sont floues et partielles. Levons-nous et marchons sur le Mali (…) » (Bourgeot, 1995 : 446 et 450).

Si ce chant renvoie au retour des exilés, c’est pour donner une feuille de route à ceux qui ont été soumis d’une part, et réclamer des places qui sont les leurs d’autre part. Pour ce retour au pays, il ne s’agit plus de la parenté, des lignages, mais de la fraternité politique : « reconquérir la dignité touarègue à travers l’acquisition d’un territoire » (Bourgeot, 1995 : 446). Dans cette reconquête, les Touareg voudraient-ils une partition du pays ou étaient-ils à la recherche d’une autonomie de gestion de leur « territoire » ?

L’identité de rebelles ou chemin de croix

Ces différents éléments, relevés supra, renvoient à ce double processus de « déterritorialisation » et de « reterritorialisation » ou à cette dialectique de « l’ouvert » et du « fermé » dont parle Diagne (1992 : 287-292) et qui procède de la « destruction » d’un terroir à sa redéfinition ou invention. Dans une telle situation, la quête d’une identité absolue touarègue, comme l’ont tenté Bernus (1987), Claudot-Hawad (1987) et Casajus (1987), relève de la catharsis ou d’une fétichisation du monde touareg. L’identité touarègue est au prise d’avec la capacité de l’État malien à assurer un épanouissement harmonieux des diverses communautés ethniques en son sein, à redresser et à corriger les déséquilibres et les inégalités introduites par lui. Cette identité réapparaît dans un contexte où les anciens rapports sociaux sont remis en cause. La sécheresse a rendu les Touareg égaux, d’ailleurs ils l’appellent même « l’année de l’égalité ». Si l’ethnicisme révèle que la crise d’identité surgi précisément des frustrations accumulées et de la non-assistance qu’impose un État à des populations qui ne demandent qu’à vivre, c’est qu’aussi la recherche de l’identité n’est pas l’activité primordiale des Touareg. Car ils ne veulent pas seulement restaurer la culture Kel Tamacheq, pour vivre mieux en paix, pour voir leur quotidien s’améliorer :

« C’est nous qui cherchons à être des Maliens (…). Notre rébellion ou notre révolte n’est ni plus ni moins qu’un moyen d’obtenir le statut de Malien à part entière. Que le Sud accepte de partager et de nous associer à la gestion du pays ». [4]

Au demeurant, en période de crise, une dynamique singulière s’instaure entraînant des mouvements d’identification et de réadaptation. En effet, si les Touareg s’identifient par l’expression d’une symbolique culturelle et par la revendication d’une autonomie, ce mouvement social ou « pouvoir ethnique » (Biaya, 1998 : 105-135) [5], à mesure qu’il se façonne, se transforme en une expression identitaire qui donne sens à la mobilisation :

« La protestation ne fait pas sens en tant que demande adressée au système politique : elle n’est légitime que dans la mesure où elle oppose une identité à une autre, où elle exprime la revanche d’une culture conçue comme dominée sur une culture appréhendée comme dominante. À la logique de l’hybridation s’oppose alors avec violence celle du rejet et de la recomposition identitaire » (Badie, 1992 : 223).

D’une traduction identitaire de frustration socio-économico-politique, on glisse peu à peu vers un nouveau type de mobilisation où l’expression identitaire se suffit à elle-même.

Ici, nous avons essayé de suivre les configurations de l’identité du migrant et de son retour/intégration. Notons que c’est avec le retour d’un groupe de migrants « spécifiques », dont le seul acquis serait le maniement des armes appris sur plusieurs fronts, que les rébellions des années 1990 et 2012 commencèrent.

Rébellions versus mouvements d’autodéfense et réformes institutionnelles

La démocratisation et la décentralisation, en œuvre au Mali depuis mars 1991, ont pris corps au cours du mouvement de restructuration politique et de la gestion des identités instables. Ces réformes ont été entérinées par la conférence nationale et consacrées par le constituant de 1992. Une série de négociations et la signature d’accords entre le gouvernement malien et les MFUA (Mouvements et Fronts Unifiés de l’Azawad) aboutirent au Pacte national, le 11 avril 1992. Pour la première fois, les gouvernants intégraient la sauvegarde de la diversité culturelle, comme l’un des principes fondamentaux de la démocratie. On espérait ainsi atténuer les tensions, et pousser les corps social, progressivement, vers un sentiment d’appartenance à la « communauté nationale ».

Avec le Pacte national, les mouvements ont réussi à arracher à l’État malien, la reconnaissance d’une spécificité régionale, une promesse d’autonomie et la décision de rattraper le retard pris par les régions Nord.

D’autres mouvements communautaires continuèrent à écumer le septentrion malien. Ce sont : le MPMGK, Ganda Izo et le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA). Ce dernier se signala, ces derniers jours, par de certaines localités des régions Nord.

C’est sur ce fond de violence entretenue et orientée, en l’absence de forces armées et de sécurité dans les régions Nord, que la nouvelle rébellions voit le jour tout en faisant le lit à une fixation de l’AQMI dans l’espace saharo-sahélien avec son corollaire de prises d’otages et l’intervention de pays tiers sur le territoire malien (Mauritanie et France).

La nature et les « dires » de l’État dans le septentrion malien

Pour saisir la nature et les « dires » de l’État au Mali, intéressons-nous aux discours et vocables utilisés par les populations des régions Nord. Globalement, le discours tenu par les découpages maillages Tamacheqsur l’État relève d’une conception anti étatique : l’État, stigmatisé, est la source de tous les maux. On lui dénie ses capacités à organiser la vie en société et à agencer le et la politique chez les découpages maillages Tamacheq. Bon nombre d’entre eux opposent (leurs catégories de pensée et leurs classifications spatio-territoriales) les « découpages maillages de ceux qui parlent la langue Tamacheq » aux « découpages maillages de ceux du Mali ». Ce signifiant illustre, selon eux, l’absence d’intégration dans les structures étatiques des « gens de Bamako ». Ce type de classification oppose un ensemble culturel dont la référence spatiale est l’Azawad, qui se veut « ethnique », à un ensemble national. Celui-ci oppose un « peuple », les découpages maillages Tamacheq au reste des populations constitutives du Mali.

Ce paradoxe apparent repose sur la valorisation sublimée des découpages maillages Tamacheq exprimée à travers des revendications à caractère ethnique, qui ne stigmatise pas une ou d’autres ethnies du Mali, mais un pays, un territoire, une nation consubstantielle de l’État. Il contourne les oppositions ethniques, privilégie l’opposition « peuple » touareg / « populations du Mali ». Celle-ci n’exprime-t-elle pas, en définitive, une revendication implicite d’autonomie territoriale, révélatrice d’une identité ethnico-nationale excluant les valeurs d’un État qui relèvent d’un impensé politique touareg.

L’État dénoncé comme génocidaire, ne revient-il pas, dans le discours mais aussi dans les faits, à revendiquer la construction d’une nation ethnique sans État ?

La rébellion armée qui a repris en 2012 n’est-elle pas révélatrice d’échecs des pouvoirs décentralisés et de l’injection de masse d’argent visant à un développement économique local qui devient lui-même l’objet d’enjeux politique, tribal et factionnel ?

Du « pouvoir ethniciste » à la quête de la para-souveraineté  [6]

Biaya et Klute ont théorisé ce processus à partir des concepts depouvoir ethnique ou d’ethnicité étatique [7]. En faisant sien, le processus décrit, nous voyons que la transformation de l’identité touarègue en organisation ethniciste est favorisée par un sentiment de déracinement et de marginalisation, comme relevé, plus haut. Un tel état, chez les Touareg, résulte de l’installation de l’État malien considéré comme issu d’un pouvoir exogène, qui astreint les différentes identités ethniques existantes à une identité collective : la nation. Ce processus s’accélère, quand les Arabo-berbères développent des utopies politiques visant à l’érection d’un mouvement ethniciste ou national (Keïta, 1999 ; 2005 et 2008). Ces utopies suivent l’exemple d’autres mouvements ethnicistes, comme celle suivie par les ishumarquand ils étaient en exil/migration, après la signature des Accords de Tamanrasset en 1991 et l’avènement des mouvements néo MFUA (Alliance du 23 mai et MNLA). Les propos, suivant, traduisent bien le processus de formation du mouvement ethniciste dans la conscience des ishumar :

« Nous sommes la sécrétion du peuple touareg dans sa volonté de refus de disparaitre. Nous avons été jetés et poussés (…) sur les chemins de l’exil, sans papiers, sans instruction, avec notre culture comme seul bagage. Nous avons été obligés de quitter ceux que nous aimons et nous séparer de nos vallées (…) pour offrir à notre peuple les moyens à même de lui permettre de survivre aux politiques génocidaires qui les visaient dans son existence physique. Nous avons, dans des pays étrangers, déployé des efforts surhumains pour nous préparer au jour « j » afin de renégocier la survie de notre culture. Nous avions pour seul atout nôtre conviction et foi dans la faculté de réaliser ce saut qualitatif qui permet de continuer, encore une fois, à jouer ce rôle historique qui est le nôtre : de maillon entre les peuples et les cultures vivant au Nord et au Sud du Sahara. Comme nous étions convaincus du fait que la vie ne fait pas de cadeaux, nous avons décidé de troquer notre sang contre le savoir et l’apprentissage des tous les moyens de libération de notre peuple. Ceci nous a emmené sur des terrains et des territoires jamais atteints par nos ancêtres » [8].

Si la transformation du mouvement ethniciste arabo-berbère est un processus de formation de pouvoir, le processus demeure inachevé, comme c’est le cas dans nombre de pays africains. La permissivité du pouvoir et de l’autorité de l’État malien a offert aux « rebelles » et leurs clientèles la possibilité d’ériger des espaces de pouvoir au niveau local [9].

Le MPA [10] réussit plus facilement à établir un pouvoir ethniciste en s’alliant à des groupes de pouvoir déjà existants, la chefferie traditionnelle Ifoghas. Malheureusement, il n’a pas pu forger des alliances avec des groupes peu puissants (IffirgoumissenIdnanes, entre autres). Ce qui explique ses insuccès politiques, la transformation de Kidal en région insécurisée avec comme conséquence, la scission du MPA originel en une multitude de groupuscules qui abandonnèrent complètement l’idéal d’origine. La forme du nouveau pouvoir Ifoghas n’est pas seulement déterminée par l’organisation ethniciste, mais aussi par ses alliés potentiels. En promouvant une organisation ethniciste, les chefs rebelles Ifoghasvoudraient préserver leur pouvoir, en maintenant assez forte la chefferie qui avait vacillé avec la défaite de l’Amenokal [11] aux législatives de 1992.

Les attaques des camps de Ménaka et de Kidal, en 2006, par l’ADC, illustrent bien la démonstration de leurs capacités militaires en termes de recours et d’usage de la violence. Cette démonstration de force s’est jouée dans un contexte de rivalités, d’une part, entre ishumar - Ifoghaset d’autres grandes fractions -, eux-mêmes, et d’autre part, entreishumar et « lettrés » de la communauté arabo-berbère :

« Ces scolarisés avaient signé des accords avec le pouvoir en place parce qu’ils parlaient le même langage que lui. Ils sont de la même école, dirions-nous. Nous, les combattants, nous nous sommes sentis doublement trahis. (…). Enfin, nous nous sentons trahis par le pouvoir, qui, en connivence avec nos scolarisés, n’a pas voulu appliquer ces mêmes accords (…) » [12].

La rivalité, entre ishumar, contenue depuis la signature du Pacte national, ne tarda pas à faire jour quand les Ifoghas sont apparus, aux yeux des autres communautés arabo-berbères, comme les seuls interlocuteurs privilégiés de l’État. A noter que les Ifoghas (ex-MPA et chefferie) ne peuvent asseoir un pouvoir ethniciste sans le concours des autres composantes de la région de Kidal comme lesIffirgoumissen et les Idnanes qui ont été à la base de la création de l’ADC. Il a recourt, fondamentalement, à d’autres alliés (Ouellemindende Ménaka, Kel Antessar de la Boucle du Niger, des Arabes – Kounta etBerabiche, etc.) [13], mais aussi aux compétences des intermédiaires (les lettrés du groupe) qui favorisent la formation d’un ordre para-souverain. Si dès le début des négociations entre l’État, les MFUA, ensuite l’ADC, la tendance retenue était le partage du pouvoir, aujourd’hui, la logique va dans un tout autre sens : chaque communauté a tendance à estimer que sa part est trop maigre, qu’elle est victime d’une injustice, et il se trouve des partisans du pouvoir ethniciste pour faire de ce ressentiment un thème de propagande. Peu à peu, les responsables communautaires qui ne se livrent pas à la surenchère se trouvent marginalisés. Le sentiment d’appartenance aux différentes tribus se renforce alors, au lieu de s’affaiblir, et le sentiment d’appartenance à la communauté nationale se rétrécit, et parfois dans un bain de sang. C’est vers ce scénario que l’on s’oriente dès lors qu’on franchit, dans le traitement des problèmes ethniques, une certaine ligne, celle qui laisse les appartenances communautaires se transformer en identités de substitution au lieu de les englober dans une identité nationale redéfinie, élargie. En cherchant à faciliter l’intégration d’une communauté minoritaire, l’on découvre des années après, qu’on a mis en place un système de surenchères, de récriminations et de revendications hargneuses qui ne pourra plus s’interrompre, avec les élites locales qui en ont fait leur fonds de commerce.

La citoyenneté malienne en traces en milieu arabo-berbère

Les Arabo-berbères vivent dans les trois régions Nord, s’étendant des lisières du Sahel aux confins du Sahara, couvrant près des 2/3 du territoire malien avec environ 10 % de la population. Dans ce territoire, vivent des éleveurs-pasteurs et de commerçants (Touareg, Arabes et Maures) qui cohabitent avec les populations d’agriculteurs et d’éleveurs (Songhoy et Peul en majorité). En ces lieux, ont émergé trois niveaux de déclamation ou degré d’appréhension de l’État. A côté des partisans du pouvoir ethniciste, un second groupe émerge. C’est la préférence régionale ou locale en contraste avec les partisans du pouvoir ethniciste autonomistes ou indépendantistes. Le troisième plaide pour un retour de l’État quelles que soient les appréhensions.

Si la première logique a été décrite et analysée supra, elle diverge fondamentalement de la seconde qui joue davantage sur le registre de l’épouvantail de la surenchère et du chantage. Cette position est particulièrement tenue par des groupuscules arabes et Touareg et contenue dans les déclarations du MNLA ; des groupes, longtemps, imprégnés de la logique étatique, qui voudront bénéficier davantage d’opportunités, soit en s’appuyant sur la logique du pouvoir ethniciste, soit par la revendication d’une autodétermination des régions Nord.

C’est dans cet interstice que diverses formes de trafics se sont développées au creux d’une géopolitique régionale qui s’en accommode. A noter que ces régions sont plus proches de la Mauritanie et de l’Algérie que des centres de décisions du Mali, Bamako ; ce qui fait qu’elles soient plus tournées vers l’extérieur du pays.

Pour illustrer ces cas, nous partons des situations qui ont prévalu dans les communes rurales de Ber (région de Tombouctou) et d’Anéfis (région de Kidal) ; les prises de position du MNLA et des responsables des collectivités territoriales de Kidal en rapport à l’effectivité de l’État au Mali et, enfin, le pacte de l’honneur signé par les Kel Adagh en mai 2011.

La récente prise de position des responsables locaux de la commune rurale de Ber est à saisir à deux niveaux : la première est liée au démarrage des activités du PSPSDN [14] et la seconde renvoie à cette espèce de tolérance et d’accommodation avec l’AQMI.

S’agissant du PSPSDN, les responsables de la commune rejettent la manière dont les entrepreneurs locaux ont été disqualifiés [15] ainsi que l’assiette financière dégagée pour la réalisation des infrastructures de développement et de sécurité prévues pour la région de Tombouctou :

« Nous avons participé à l’élaboration du programme ainsi qu’à sa mise en œuvre dans notre commune. Aujourd’hui, nous nous sentons exclus. Nos jeunes n’ont même pas eu le petit marché d’acheminer du ciment sur le terrain auprès des entreprises choisies depuis Bamako. Aujourd’hui, j’ai peur que les jeunes de la commune ne viennent emporter le matériel des entrepreneurs », argumente le maire de Ber.

« Nous ne savons pas en quoi il est plus urgent d’investir 10 milliards de FCFA à Kidal, alors que les enjeux à Tombouctou et sa partie nord sont autant importants. Nous pensons que pour plus d’équité, il serait bon de couper la poire en deux et éviter encore de faire des frustrés. Le pays n’en a pas besoin, nous aussi d’ailleurs. Mais ce genre d’agissements ne peut que nous faire douter des réelles motivations des responsables », soutient un conseiller communal de Ber [16].

Ces récriminations sous tendent le début d’un chantage qui fait appel à la communauté ethnique pour se liguer contre la réalisation des projets du PSPSDN et, par ricochet, le boycott de l’administration publique. Ici, nous sommes en face d’une stratégie d’accaparement des ressources de l’État par les communautés locales dont les représentants sont en quête d’un pouvoir ethniciste. Il y a là ambivalence entre le « dire » et le « faire » des responsables locaux vis-à-vis de la présence de l’AQMI dans la région. Si certains s’en accommodent, c’est parce que leurs intérêts sont préservés ; d’autres ont commencé à prendre de la distance depuis la mort de certains officiers de l’armée régulière d’origine arabe [17]. Ensuite, de l’accommodation des groupes ethnicistes avec AQMI, nous présumons des tendances qui vont du flirt, à l’accompagnement et même à la ressemblance. Ces aspects ont été relevés lors de l’arrestation de Ablil Ag Albacher en compagnie d’autres Kidalois qui séquestraient un passeur libyen, et des événements récents (mai 2011) qui ont lieu à Anéfis (cercle de Kidal) - enlèvement, libération et assassinat d’autorités locales (entre Arabes et Kounta)- [18]. Enfin, en l’absence de la violence de l’État, des communautés rivalisent à souhait, pour l’exercer. C’est ce que Klute a décrit comme étant la phase de la violence généralisée, phase cruciale qui décide de l’accumulation du pouvoir et sa consolidation.

Les acteurs qui réussissent à justifier l’usage de la violence contre d’autres, sur la base de la légitime défense ont de grandes chances de resurgir comme vainqueurs et de consolider, le cas échéant, leur pouvoir. C’est dire que le pouvoir ethniciste se projette sur un espace de pouvoir para-souverain qui se forme contre le pouvoir de l’État, et particulièrement contre son monopole de violence.

Si les autorités municipales de Ber n’ont, jusque-là, point recouru à la violence armée, elles soutiennent par contre n’avoir pas de moyens pour contenir la colère des jeunes contre les entreprises choisies : « Aujourd’hui, j’ai peur que les jeunes de la commune ne viennent en voiture (…) et emporter le matériel de ces entrepreneurs » [19]. Au cas où ils réussissent à maintenir cette menace suffisamment longtemps et d’une façon crédible, ils occuperont des positions intermédiaires entre l’État et la population en y contrôlant le flux des informations et des moyens. Telle est, à notre avis, la grille de lecture qui sied au MNLA. Ce groupe, qui d’abord, très prolixe en matière communicationnelle en alliant à souhait la revendication d’autodétermination avec une dose certaine de violence passive (morale, psychologique et symbolique), s’est finalement résolu à recourir aux armes :

« Tout le peuple de l’Azawad reconnait aujourd’hui que, « la situation est complexe ». On connait que le régime en place instrumentalise la misère sociale et répande partout l’horreur meurtrière. On sait également, que derrière la façade du pouvoir institutionnalisé, il existe des clans de responsables qui tirent un profit odieux de ces massacres, et qui ne sont pas mécontents de les voir se poursuivre, quand ils n’en sont pas les complices » [20].

Sur le terrain, de l’aveu d’un de ses responsables, ce sont : « (…) bien les éléments du Mouvement National de Libération de l’Azawad qui ont hissé leur drapeau sur le mât de la préfecture de Talataye (cercle d’Ansongo, région de Gao) et dans bien d’autres localités ». Le MNLA voit dans le PSPSDN, un projet de militarisation de la zone. Un tel dessein n’est pas sans conséquence pour les populations et ressemble à de la colonisation.

L’épouvantail représenté par les militaires de retour de la Libye, est utilisé comme le terreau d’une autre menace contre la paix sociale. Ainsi, vite, la connexion est établie en vue de l’avènement d’un autre pouvoir ethniciste, cette fois-ci, englobant à la fois Ouelleminden,ChamanamasDaoussahaqIdnanes et cadets sociaux qui pourraient rivaliser désormais avec celui des Ifoghas. A l’encontre des discours ethnicistes, d’autres voix se singularisent par la défense des principes républicains. Le président de l’Assemblée régionale de Kidal en était un porte étendard :

« Grâce à une armée républicaine et responsable qui n’arrête pas de veiller sur notre sécurité, nous nous réjouissons de la situation satisfaisante que nous vivons. Malheureusement, il y a des médisants et des marchands d’illusion qui n’arrêtent pas d’intoxiquer à propos de la situation au nord Mali. Ce sont des gens à qui, en réalité, le désordre profite et qui ne se retrouveront jamais dans une Nation tranquille et forte. Ils pensent qu’ils peuvent se substituer au Juge, au Gendarme, au Policier et à l’État en général… ».

Indépendamment des différentes traditions de pouvoir, tous les chefs de rébellion, de tribus et de fractions sont fortement imprégnés de la notion de l’État moderne. Qu’ils soient issus d’un ordre acéphale ou segmentaire, aujourd’hui ils tenteront de remplacer ou de compléter leurs traditions respectives par le modèle de pouvoir de l’État moderne.

Une dernière condition pour l’établissement d’un ordre para-souverain est le temps : les futurs para-souverains doivent maintenir la menace militaire ou la surenchère vis-à-vis de l’État suffisamment longtemps, et de façon crédible, pour que l’espace de pouvoir para-souverain soit définitivement consolidé et légalement institutionnalisé. Cette menace militaire peut ne pas être la plus efficace ; il y a un besoin de lui adjoindre un front politique maximaliste dans ses revendications. Ici, nous avons à l’esprit les révoltes-rébellions récurrentes de feu Ibrahima Ag Bahanga, les sorties répétées du porte-parole de l’ADC et le discours de l’autodétermination du MNLA. Le pouvoir ethniciste est donc un nouveau type de pouvoir intermédiaire et c’est au cours de sa consolidation dans la région qu’advient l’AQMI.

Sanctuarisation de l’Aqmi dans le Nord malien

Bientôt une décennie, le Sahel et le Sahara maliens sont investis par des groupes salafistes de nationalités diverses, très mobiles, à la recherche d’espaces, de couloirs et de refuges. Leur modus operandiest l’enlèvement d’occidentaux et échangés contre rançons et pressions diplomatiques. Des otages furent exécutés. Si la sanctuarisation de l’AQMI dans la région inquiète, c’est parce qu’elle sape l’autorité et le pouvoir des différents États concernés, et les pouvoirs ethnicistes en ont consacré sa présence et son installation dans la durée. En lieu et place de l’exercice de leur pouvoir régalien, à savoir la levée de l’impôt, la protection des populations et l’initiation des projets et programmes de développement en vue de connecter les différentes régions productives du pays, les États se voient doublés à travers le paiement de rançons dont profitent ces mêmes pouvoirs ethniques.

Du coup, l’économie faible des régions vacille sous le poids des désarticulations institutionnelle et sociale. Cela se traduit par l’instauration d’une économie de prédation à travers la privatisation des services de sécurité et le développement de la violence privée.

La para-souveraineté en œuvre

Si les différentes rébellions n’ont pas forgé les consciences dans l’entretien des pouvoirs ethnicistes dans la durée en vue de la consécration de la para-souveraineté, les gens de l’ADC tenaient à réussir ce pari dans un contexte de guerre en Libye et, tout en se dédouanant de l’influence de Kadhafi au profit de celle algérienne :

« La rébellion en Libye constitue pour les Touareg une occasion de revenir chez eux et de demander des comptes à l’État malien, qui s’est toujours rangé du côté de la Libye contre sa population du Nord (...). Nous n’avons jamais eu d’objectifs identiques, c’est plutôt le contraire. Il a de tout temps tenté d’utiliser les Touareg à ses fins et au détriment de la communauté. Son départ de la Libye ouvre la voie à un avenir meilleur et permet de progresser dans nos revendications politiques. (…) Nous travaillons sur nos revendications et sur nos erreurs. Ensuite, il faut passer à l’étape la plus difficile. Celle d’amener Bamako à les prendre en compte, même si c’est par la force des armes » (Bahanga, 2011).

C’est dire que le propre de tout mouvement ethniciste est d’essayer d’abord de conquérir des espaces de pouvoir, cela provoque des situations de concurrence avec d’autres acteurs poursuivant leurs intérêts propres au niveau local, régional ou national [21]. Si un tel processus est réussi, il aboutit à une para-souveraineté.

Dans la recherche d’un espace de pouvoir, Bahanga pensait que l’armée malienne s’était muée en milice [22] pour harceler ses positions, tout en faisant de la place à AQMI dans la région. Or, au même moment, le gouvernement malien était qualifié de maillon faible dans la lutte contre le terrorisme international. C’est, aussi, le moment choisi par Bahanga pour s’attaquer aux positions d’AQMI (Medhi, 2003). Une telle stratégie a fait, en sorte, qu’il ait pu construire des accointances auprès des gouvernants algériens, maintes fois, médiateur et garant des accords signés entre l’État du Mali et les mouvements de rébellion.

Le pouvoir ethnique recherché, ici, est caractérisé par le fait que l’État se voit contraint de céder une partie des droits de sa souveraineté à certains ex-groupes rebelles. Même si le transfert des droits de souveraineté n’est pas prévu par la Constitution, il doit se réaliser par le biais du statut particulier conféré par le Pacte national aux régions Nord maliennes. De ce fait, les ex-rebelles deviennent donc (para)-souverains par rapport à l’État dont ils accaparent une partie des droits (responsables militaires et administratifs). L’érection de Kidal en chef-lieu de région est la preuve éloquente de cette para-souveraineté.

C’est ainsi que les gens de Kidal dissocieront leur lutte de celle des autres ishumar des années 1990 au profit de la préférence régionale. Une telle vision a commencé dès le début des négociations avec l’érection de Kidal aux forceps en région et avec des gouverneurs, si ce n’est récemment, Touareg d’origine Ifoghas. Ceux-ci commencèrent à exercer une partie des droits souverains de l’État dans la région, souvent à la périphérie du territoire étatique.

En plus de leur puissance militaire, le MNLA se doit d’intégrer les anciens adversaires ou concurrents régionaux (Ifoghas du MPA) dans la construction de l’ordre para-souverain, en les faisant participer, de manière différenciée et variée, au pouvoir, et en leur donnant accès aux prébendes (para)-étatiques.

La relation entre l’ordre para-souverain (Adagh) et l’État malien n’est pas immuable, elle est de caractère instable ; cet ordre reste, légalement, militairement, et matériellement, dans une relation de dépendance vis-à-vis de l’État. La relation de dépendance peut néanmoins se transformer et conduire à la fin de l’ordre para-souverain. Tel postulat ne peut être vérifié avec le MPMGK, non plus avec Ganda Izo mais davantage chez le MNLA. Quoi qu’on dise, dans les régions Nord, l’État malien n’est parvenu à imposer le monopole de la violence que partiellement, ce qui correspond au fait qu’il n’arrive guère à faire accepter sa légitimité.

Face à la violence diffuse, les populations de l’Adagh ont lancé le « Manifeste pour la restauration du pacte d’honneur traditionnel ». Pour les signataires, ce pacte resserre les liens de solidarité entre communautés, afin de mieux cerner ce qui se passe dans la zone et d’apporter, au besoin, les solutions idoines, pour éviter l’embrasement.

Contrairement à l’idée de l’État artificiel en Afrique, nous constatons l’existence d’identités nationales qui dépassent et englobent des identités ethniques. Nous supposons qu’une identité nationale s’est développée du fait que l’ordre étatique existe depuis plusieurs décennies engendrant, à travers la légitimité de l’ordre, une certaine identification avec la nation. On ne peut donc réfuter la légitimité de base de l’appartenance nationale que par des actes violents. Dans un tel contexte, nous présumons que la faiblesse de l’État malien ne démontre pas, que le monopole de violence de celui-ci peut s’écrouler, mais elle offre aux groupes ethnicistes la chance d’imposer des perceptions d’organisation au modèle d’organisation de l’État moderne. C’est dans ces conditions que l’AQMI s’est déployé dans une région présentée comme opaque et à la marge du monde.

Le Sahara et le Sahel : un espace à la marge du monde !

Le Sahara et le Sahel focalisent les inquiétudes par la charge de tensions les parcourant, où se mêlent affirmation d’identités (ethnique et religieuse) sur fond de révoltes-rébellions, de violences, d’actions terroristes et de trafics. L’espace est devenu un des endroits au monde qui ont été autant sujets à désinformation (Keenan, 2006), où une supposée opacité voile les multiples filières (trafiquantes, militaires ou criminelles) qui le parcourent, les actions qu’elles y mènent et cet espace échappe à tout contrôle. Ce serait ainsi le principal atout au déploiement d’AQMI dans la région.

Si l’espace n’est pas mieux contrôlé par les États (Niger et Mali principalement) pour lesquels il reste un lieu d’irrédentisme, les populations continuent de le pratiquer même si leur mobilité a changé de forme. L’occultation de ces mobilités voile le regard sur cet espace et le plonge dans une apparente obscurité.

Le contrôle par les échanges commerciaux ou le pastoralisme a toujours été vital pour les tribus, même quand le profit en était devenu dérisoire. Les trafics illicites, criminels, très juteux, attisent aujourd’hui la compétition pour son contrôle où des échanges contraints sont menés en dehors voire contre des États, offrant ainsi un interstice aux trafics. Ces derniers ne sont ni un phénomène marginal ni le fait d’acteurs marginaux et ne sont, de ce fait, nullement opaques. Ils impliquent communautés locales et États. Si les premières lui servent de vecteurs par leurs solides réseaux relationnels,

« L’implication des États dans ces trafics va au-delà des bénéfices qu’en tirent ses agents et ses officiers supérieurs qui en font une chasse gardée. Elle est un élément essentiel et planifié de leurs stratégies sécuritaires, les trafics, tolérés ou souvent alimentés par leurs services de sécurité, servant de moyen de pénétration » (Antil, 2010),

ils s’assurent ainsi parmi les tribus et fractions, des allégeances utiles pour surveiller les confins de leurs territoires (Mali), infiltrer et récupérer les mouvements dissidents des pays limitrophes pour se prémunir de leur contagion ou les utiliser comme atout diplomatique (Algérie et la Libye de Kadhafi). Et pour mener à bien leur mission, les éléments d’AQMI ont opté pour les œuvres de bienfaisance et caritatives. Cependant, ce qui se passe aujourd’hui dans le Nord Mali, ne doit pas être appréhendé uniquement comme une question liée à AQMI. Le problème de fond, qui prévaut, est celui de la drogue et de ses conditions d’acheminement. Qu’il s’agisse de la résine de cannabis ou de la cocaïne, le trafic touche fondamentalement le cœur des sociétés qui y vivent.

Comme les trafics, le déploiement d’AQMI au Sahara n’est pas le fruit d’une génération spontanée. Leur présence est avérée depuis les années 1990 où il en avait fait une base de repli et d’approvisionnement. Visibles, ils l’étaient à celui des services des pays du pourtour saharien qui les ont laissés tisser leur toile et ont négocié avec eux soit pour s’en prémunir, soit pour les instrumentaliser, leur laissant le temps de nouer des alliances avec les tribus commerçantes et les trafiquants :

« Ici, AQMI n’est pas un chacal qui va manger les animaux des nomades. AQMI ne représente aucune menace pour la population. AQMI est une force importante dans la région. Ce sont des gens qui ont les moyens. Ils s’investissent auprès de la population, dans des projets comme la construction de puits, les soins aux nomades de la zone. Beaucoup de nomades pensent qu’AQMI et la fraude sont des activités légales » [23].

Il n’est pas fortuit que tous ceux qui aujourd’hui font valoir des capacités de négociation avec AQMI sont, au moins par leur parenté, justement issus de ce milieu.

Avant que le Sahara ne bascule dans la violence islamiste coexistaient des couloirs de trafics qui veillaient à ne pas empiéter les uns sur les autres : celui des trafiquants, celui des militaires et celui des islamistes. Autant d’ancrages qui ont permis aux groupes armés d’y transporter leurs actions, après leur échec au nord de l’Algérie, et achèveront cet ancrage en scellant des alliances matrimoniales et la redistribution de l’argent des trafics. C’est cet ancrage qui donne aujourd’hui à AQMI une capacité opérationnelle. Son implantation ne concerne en effet que des fractions, voire des individus et, ses liens sont moins forts avec les Touareg ou les Maures qu’avec certaines tribus commerçantes arabes des environs de Tombouctou.

Également, en référence au modèle de structuration des sociétés de la zone, AQMI serait organisé autour des serments d’allégeance propres aux logiques tribales. Un modèle qui n’est pas sans influence sur la jeunesse déscolarisée, en chômage ou de retour de migrants démunis ou en arme (Keïta & Diallo, 2011). Une telle situation fait en sorte que le corps social s’ouvre davantage aux discours des Salafistes. Il est vrai qu’il y a une forte percée d’un nouveau courant qui a tendance à remplacer progressivement l’islam traditionnel des confréries (lesDawa) (Keïta, 2011), et qui est une souche très compatible à cette idéologie fondamentaliste prônée par les Salafistes.

En rapport à la situation, des ajustements tribaux s’instaurent aux marges pour en tirer les dividendes sur un registre de compétition inter ou intra tribale, soit en devenant des alliés d’AQMI, soit en tolérant sa présence pour se positionner en d’éventuels négociateurs.

Si nombre de tribus soutiennent ouvertement ou non les agissements d’AQMI, les arguments seraient que l’Occident est en passe de s’enfermer sur lui-même tout en pillant les ressources minières des pays du Sud. Une telle appropriation d’un pan idéologique des Salafistes corrobore « l’africanisation » de ce terrorisme qui est d’ailleurs confirmée par l’arrivée récente d’éléments en provenance du Nigeria. Au-delà de la logique de clan qui traverse le mouvement, la valeur de la marchandise se compte désormais en centaines de millions de francs.

« Avant 2005, les saisies annuelles de cocaïne avoisinaient la tonne dans toute l’Afrique mais depuis, ce trafic a pris une tournure galopante avec notamment 46 tonnes de saisies entre 2005 et 2008 à destination de l’Europe. Aujourd’hui, pas moins de 50 tonnes de cocaïne transitent tous les ans par ce canal, soit un tiers de la consommation annuelle en Europe » remarquait Alain Antil.

L’importance prise par ces trafics a fini par poser un problème religieux, qui s’est emboîté dans la rivalité entre les chefs. Si certains groupes mettent l’accent sur des modes de financement plus islamiques : la dîme (sorte de taxe perçue sur les marchandises qui transitent par les territoires contrôlés par AQMI) d’une part, le kidnapping de l’autre, d’autres sont plus entreprenants sur le mode de trafic. Ces activités ont été, au moins en façade, très cadrées en droit et en théologie. La dîme a été codifiée (les membres d’AQMI ne doivent pas être à l’initiative de trafics, ne touchent pas à la marchandise, ne la chargent ni ne la déchargent) et les tarifs fixés (selon que le passage est escorté ou non). Les otages, pour leur part, ne sont juridiquement plus considérés comme des otages (rahîna), mais comme des prisonniers de guerre (asîr), catégorie spécifique en droit islamique à laquelle s’applique le droit de la guerre en Islam, qui préconise de s’en servir comme monnaie d’échange pour obtenir la libération d’autres prisonniers, ou contre rançon : le prix du sang. Le montant des rançons a été codifié en fonction du profil de l’otage (fixé à partir des primes d’assurances américaines).

L’inscription d’AQMI dans le tissu économique et social en témoigne, malgré leurs relations parfois difficiles avec la caste commerciale du Sahara, l’AQMI continue de bénéficier des réseaux de renseignements, sont bien ravitaillés en essence, en vivres, en pièces détachées et bénéficient d’un soutien logistique et opérationnel (guidage, sous-traitance de certaines opérations, etc.). Ces liens seront d’autant plus difficiles à couper qu’ils se renforcent par des difficultés politiques (la révolte Touareg) et économiques (les sécheresses), de la défaillance des États et bien sûr l’intéressement des réseaux tribaux par AQMI aux profits financiers tirés de la prise des otages.

Le second élément est qu’au Mali, les migrants armés de retour, contrairement à certains ishumar des années 1990, avaient choisi de retourner en Libye après la signature du Pacte national. Au pire, en ouvrant un front de rébellion, ce serait l’hypothèque sur les élections générales de 2012, d’autant plus que l’article 50 de la nouvelle constitution, si elle passait au référendum, stipule que :

« Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national, l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exceptionnels exigées par ces circonstances…. ».

Au-delà des conséquences qu’une telle hypothèse pourrait avoir sur le jeu partisan et le respect des délais constitutionnels, reconnaissons, que le discours islamiste rencontre plus d’écho chez les populations sud-sahéliennes qui, par le jeu clientéliste des pouvoirs centraux, s’accaparent les positions de pouvoir en laissant à quelques Touareg, postulés en para-souverains, la gestion des projets et programmes destinés aux régions Nord. Et comme hier dans le commerce transsaharien, les Touareg ne profitent qu’à la marge des trafics, surtout comme convoyeurs et parfois comme pilleurs pour imposer leur suprématie sur cet espace. L’ancrage de l’AQMI au Sahara est bâti sur des équilibres instables. Et rien n’est aussi instable que les équilibres à l’intérieur même des communautés régies par un ordre segmentaire. L’implantation d’AQMI dans ces communautés est aussi peu durable qu’elle a pu sembler facile, encouragée en fait seulement par le dénuement de populations que leur marginalisation par les États rend encore plus insupportable. A en croire le chef de fraction d’Oulad Gahanam, Mouhamed Ould Salaha,

« AQMI est dans la zone, mais la mairie est aussi là. Le premier jour où la commune a inauguré le marché hebdomadaire, les gens d’AQMI sont venus voir pourquoi. Lorsqu’ils ont compris qu’il s’agit d’un marché hebdomadaire, ils ont commencé à faire des prêches à tendance salafiste. Le maire leur a demandé de partir car leur présence empêche le développement de la commune et les gens ont peur d’eux. La discussion a failli tourner au drame mais AQMI est parti quand même » [24].

Il suffit que soient donnés à ces communautés des perspectives sociales et surtout un respect de leur autonomie et de leur identité pour qu’elles renversent complètement leurs alliances et se rétractent d’AQMI.

La résolution à long terme de ces problèmes passe par la prise en compte des causes diverses de tension dont on a pu voir l’enracinement. Nous avons révélé que l’implémentation de la violence communautaire informe la production de l’ethnicité qui peut être comprise comme une entreprise de déconstruction de la modalité nationale et territoriale. En fait, nous nous sommes attelé à faire le procès de « l’intégration horizontale de communautés hétérogènes à l’intérieur » (Bayart, 1981) des frontières-lignes héritées de la colonisation et, parallèlement, à montrer comment les rébellions touarègues ont pu s’aménager un espace pour l’expression d’un discours alternatif et/ou identitaire.

Au fond, ce qui est surtout en cause, c’est le mode de gouvernement des États-nations et l’intégration des populations dissemblables. Ce phénomène s’accompagne souvent d’un sentiment d’exclusion ou de préjudice individuel et collectif, renforcé dans bien de cas par l’utilisation de formes centralisées et hautement personnalisées de gouvernement.

Lorsque les dirigeants ne sont pas suffisamment tenus de rendre des comptes, que les régimes ne sont pas transparents et qu’il n’existe pas de système adéquat de contrôle du pouvoir, que la légalité n’est pas respectée, qu’il n’y a pas de moyens pacifiques de remplacer ceux qui sont au pouvoir, que les droits de l’homme ne sont pas respectés, alors le contrôle politique prend une importance excessive et les enjeux deviennent dangereusement élevés. Au Mali, cette crise a pour fondement la contestation par les communautés arabo-berbères de leur non intégration et de la prépondérance de l’élément « soudanais » dans les instances et organes dirigeants et particulièrement dans les régions Nord. La contestation est d’ordre culturel et politique.

Le phénomène actuel de l’effondrement de l’État est beaucoup plus particulier, circonscrit et identifiable. C’est à la fois une cause et un effet politiques qui ont leurs implications économiques et sociales. Le problème repose sur une hypothèse, caractéristique de l’ère présente : on s’attend à voir le territoire et la population se diviser en entités politiques qui déterminent au sein de leurs limites, si inégalement que ce soit, l’identité, l’ordre et l’autorité. Ici, pourrions-nous soutenir que nous sommes au cœur de la problématique de l’effondrement du territoire politique national et de son remplacement ou de sa contestation par des terroirs bien localisés ?

Certes, les diverses couches de la société ont été trop entamées culturellement et trop délocalisées pour se replier sur un modèle identitaire ethno-territorial. La menace qui plane sur la tenue des élections générales de 2012, de par la nouvelle rébellion et la sanctuarisation de l’AQMI, auraient des répercussions sur l’état de la nation et, même, une justification légale de la modification de l’agenda électoral. Cette situation, en consacrant le lit à AQMI, génère davantage d’enjeux qui se déclinent en terrorisme religieux islamique, trafic de tout genre sur fond de violence inter-communautaire entretenue. Ainsi, sont retardées ou hibernées l’exécution de nombre de clauses des différents accords signés par l’État et les groupes rebelles en matière de projets et programmes de développement.

Au-delà de la question du terrorisme, cette situation rappelle avec force que le Sahara que Braudel désignait comme « l’autre Méditerranée » est un élément essentiel de son système et qu’il le demeure malgré l’épisode colonial qui a voulu en faire un monde-frontière et les États-nations un appendice territorial à seul usage stratégique. Elle rappelle que la mondialisation ne saurait être unilatérale ou univoque ; la glocalisation oblige, les marges sont là pour la subvertir et la ramener aux réalités du monde (El Watan, 2011).


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- Sow, Moussa, « Un problème endémique et délicat à gérer ». in :Nouvel Horizon, sept., 2011.
Notes
[1] Ce texte a été présenté lors des Journées d’études du programme scientifique de la FMSH « Nouveaux enjeux dans l’espace saharo-sahélien » qui a porté sur « Sahara de tous les enjeux : géopolitique, sécurité et développement », du 13 au 14 décembre 2011, Paris (France).

[2] Le Prétoire, « Réseau AQMI : des Nigérians combattent aux côtés d’Abou Zeïd » du 11/07/2011 et http://pambazuka.org/fr/category/co... et 75477.

[3] Mohamed Ag Bibi, lors de l’atelier sur la sécurité, la stabilité et le développement dans l’espace sahélo-saharien, organisé par le FDR, du 30 novembre au 1er décembre 2010, au CICB de Bamako.

[4] Mohamed Ag Bibi, op.cit.

[5] Le pouvoir ethnique est un système fondé sur l’ethnie et sa culture politique. Il nourrit un projet de société et dispose d’une organisation sociopolitique (clandestine), parfois minimale (qui cherche à gérer) son espace qu’il négocie (ou emploie la force) avec l’État central. Son idéologie organise et codifie la vie de ses membres.

[6] Ces passages sont fortement redevables à Klute, op.cit.

[7] Pour Klute : « L’ethnicité étatique est caractérisée par le fait que des groupes ethniques s’organisent comme mouvement politique en rapport à l’État. Nous parlons d’organisations ethnicistes, lorsque ces mouvements s’organisent sur une base d’identité exclusivement ethnique, et si elles tendent de traduire leur identité par des revendications vis-à-vis de l’État, sous forme de droits minoritaires, d’autonomie politique, ou encore d’une sécession en vue de l’érection d’un État ethniquement homogène » (Ethnographie théorique des conflits ethniques, op.cit.).

[8] In Allaghen Ag Alla, « Causeries autour du thé », in : kidal.info du 08/07/2006.

[9] Tous les accords de paix signés jusqu’alors, en passant par le Pacte national ont consacré cet état de fait dans les régions Nord maliennes.

[10] Mouvement Populaire de l’Azawad, premier mouvement de rébellion des années 1990.

[11] La remise en scène des enfants du chef traditionnel dans les élections qui ont suivies (1997 à nos jours) et celle d’Iyad Ag Ghaly, lors des attaques des camps de Ménaka et de Kidal par l’Alliance du 23 mai 2006.

[12] In Allaghen Ag Alla, op.cit.

[13] Ici, l’énumération des tribus et fractions n’est pas exhaustive.

[14] Programme Spécial pour la Paix, la Sécurité et le Développement des Régions Nord Mali, un des nouveaux chantiers en direction des populations des trois (3) régions lancé le 08 août 2011 à Bamako.

[15] L’entreprise récusée est celle d’un conseiller de la Mairie de la commune de Ber.

[16Le Combat, « Développement du Nord / Le salut des populations passe-t-il par la présence d’Aqmi ? » 16/08/2011.

[17] Il s’agit des colonels Lamana Ould El Bou à Tombouctou-ville et Hamma en mission commandée vers la localité d’Araoune.

[18] Cet enlèvement est à situer dans le sillage d’affrontements entre « bandes » sur fond de territorialisation et de marquage de zones d’influence dont l’élément moteur est la maîtrise – protection des pistes servant au trafic illicite. Le chef Kounta était donc dans le collimateur des Arabes pour s’être vus dépouillés de leur marchandise, faute d’avoir refusé de payer de droits de passage, ce qui ressemblerait, par atavisme, au tiwsé (le tribut) ancien réactualisé pour la circonstance.

[19] Le maire de Ber, op.cit.

[20http://www.mnamov.net/index.php?start=12

[21] L’archéologie historique des rébellions touarègues au Mali est riche en exemple (G. Klute, « Islamisation du Sahara (re)mise en scène : …. », op.cit.)

[22] Référence est faite, ici, aux chefs militaires arabes et d’autres communautés qui ont dirigé des attaques contre ses positions en janvier 2010.

[23] Mohamed Lamine Ould Sidate, maire de Ber, op.cit.

[24] Un témoignage d’une autorité morale de Hassi Sidi, un site d’éleveurs pasteurs situé à près de 100 km au Nord-Ouest de Tombouctou, a été abandonné par les habitants, après un violent accrochage entre les membres d’Al Qaëda et l’armée mauritanienne, pour un autre site, Attwal, à 60 km de Tombouctou (« Insécurité au Nord Mali : La chasse à AQMI sédentarise les populations nomades », in : Le Combat du 23/09/2011.

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