Quelles constructions politiques au Mali
face aux crises dans le Sahel ?
face aux crises dans le Sahel ?
Votre présence témoigne de l’intérêt porté aux questions maliennes. Nous vous remercions de votre venue pour débattre, confronter des points de vue, en prenant la distance utile pour comprendre et analyser puis agir ultérieurement, avec parfois les risques intellectuels d’hypothèses de travail. Trop de décisions prises conduisent à des voies sans issues ou plutôt à des drames humains terribles, anéantissant un pays, une région, des États…
Le Réseau des Partenaires de la Région de Kidal et la fondation Gabriel Péri ont souhaité enrichir leurs connaissances sur la situation actuelle au Mali en interrogeant divers chercheurs/chercheuses pour comprendre les origines et les enjeux des conflits, quels sont les acteurs, visibles ou non, au Mali, situé dans cette vaste région du Sahel. Bien entendu, notre réflexion réside dans une mise en commun d’où nous tirerons des enseignements de nos travaux afin que nos organisations respectives, nos élus tant au parlement français qu’européen ainsi que celles et ceux qui siègent dans des instances internationales (ONU, UNESCO, francophonie, CGUL…) se mobilisent pour travailler à des solutions de paix et de sécurité, de développement et de respect des droits de l’Homme. Nous avons choisi ce haut lieu symbolique de la politique française pour que des oreilles attentives intègrent nos analyses qui influeront sur les futures décisions.
En effet, toute production, qu’elle qu’en soit les formes, contribue à alimenter notre pensée critique et nos délibérations afin d’aller vers un monde plus humain, plus solidaire à l’heure de la mondialisation. Cela nous invite à partager sans concession.
L’angle des débats retenu vise à prendre en considération la problématique malienne dans le contexte sahélo-saharien. Il a semblé pertinent de convoquer l’histoire, l’anthropologie, la politique au sens de l’organisation spatiale et du vécu des populations, ainsi que la dimension de la décentralisation, démarche par essence démocratique mais souvent vidée de son sens où s’opposent parfois les concepts d’autonomie et indépendance.
Nous connaissons l’histoire mouvementée de ce Mali colonisé, terrain d’affrontements fréquents voire quasi cycliques comme les « rébellions touarègues ». Cependant ce pays, comme d’autres en Afrique, dispose de ressources trop souvent spoliées ou très convoitées engendrant soit une forte présence extérieure sur le territoire ou engageant des conflits armés pour préserver des intérêts au détriment des autochtones.
Comprendre pour agir nécessite de bien connaître les lieux des points de vue géographique, historique, économique, politique, social, les acteurs en présence. Les différents champs disciplinaires des sciences sociales en montrent le spectre.
Nous savons tous que la religion impacte considérablement les modes de vie ; l’islam pratiqué modéré est aujourd’hui violemment confronté à la propre perversion du Coran et a ouvert les portes à d’autres mouvements islamistes recherchant à imposer la charia, véritable camisole de force intellectuelle, prédatrice humaine où s’exercent des exactions de toute nature que nous dénonçons haut et fort. C’est une grave atteinte aux droits de l’homme ; la femme demeure la cible privilégiée tout comme le système éducatif.
Le mouvement d’émancipation exemplaire de Kidal où les femmes bravent des interdits doit recevoir notre soutien ; nos voix doivent par ailleurs dénoncer toute cruauté, toute atrocité, toute horreur humaine, tout acte barbare.
Comment lire l’histoire de ces peuples soumis à des pressions internationales parfois trop invisibles, viciées et humainement destructrices dans un contexte mondialisé des échanges où les puissances occidentales, voire arabes, pillent à leur profit des pans entiers de l’économie comme les ressources naturelles et agricoles. Des décideurs comme le FMI ou la Banque mondiale n’ont-ils pas de responsabilités ? Comment l’héritage postcolonial a-t-il transformé ces États, voire États-nations, confrontés à des découpages provenant d’intérêts des métropoles esclavagistes préservant leurs seuls avantages tirés de la force ? L’idée du grand Sahara, la partition souhaitée –parfois déjà effective dans quelques pays- malgré l’intangibilité des frontières actée, les interventions et la présence de certains pays dans ce grand espace, La paupérisation, l’aide internationale insuffisante, les rébellions dites touarègues, la défection de l’État malien liée à l’absence de moyens et/ou de volonté politique, ont conduit à une menace complexe favorisant la présence de groupes armés ayant l’ambition de contrôler tout un territoire, d’assurer un trafic d’armes, de drogues et même humain par la prise d’otages.
Mais qui est à l’origine de ces stratégies, quels sont les enjeux au niveau local mais aussi au niveau planétaire ? Qui finance, au bénéfice de qui ? De quelle corruption s’agit-il ? D’où vient ce terrorisme ?
Comment un État comme le Mali en est-il arrivé à sa propre déstabilisation, allant jusqu’à hanter aujourd’hui les pays alentours et d’Afrique de l’Ouest, voire la communauté internationale où certains évoquent et imaginent une intervention militaire au Nord Mali ? L’afghanisation de l’espace sahélien est-elle en marche ? En janvier 2010, je me souviens de cette hypothèse évoquée à Kidal. Aussi, quiddu peuple malien qui dispose de sa souveraineté décisionnelle ?
Les informations que nous glanons quotidiennement montrent que nous ne devons pas délaisser ces peuples qui souffrent, qui crient famine, qui mettent au ban la communauté internationale par un manque d’engagement humanitaire concret, très incisif, visible, tant les aspects sanitaires et humains demeurent catastrophiques. Jeudi encore, un ami touareg, à Gao, me pressait d’intervenir pour venir en aide à des gens de Tessalit qui n’ont plus de quoi manger.
Cette journée d’étude bénéficiera d’apports scientifiques, essentiels à la connaissance géopolitique visant à dénouer les fils des luttes d’influence, des pouvoirs installés. In fine, comment parvenir à la paix, quelles démarches politiques pourraient être tentées sans déposséder les forces vives locales de toute décision et initiative ? Utopie ou possible ?
Comment, nous, intervenants en qualité de coopérants, au titre de l’aide humanitaire, au titre des collectivités locales, avec notre conception démocratique, pouvons-nous être à l’initiative sans nous substituer aux populations locales ? Citoyens français, européens du monde, quelles responsabilités portons-nous quant à cette situation dramatique qui se joue au Mali et au Sahel, dont les sources se trouvent dans les désordres mondiaux, où certains s’arrogent le droit de décider sans concertation, en imposant aux peuples.
En fin de journée, un atelier se tiendra sur les conséquences du capitalisme mondialisé et l’avenir de l’État-nation au Sahel. Problème particulièrement complexe mais il faut s’y atteler. Des processus de transformations travaillés avec les forces progressistes ouvriront de nouvelles pistes de réflexions pour reconsidérer l’aide publique internationale au développement, redéfinir des modes de régulation progressistes des échanges, requalifier la nature des coopérations à mettre en œuvre, loin des spoliations que nous connaissons.
Dans ce pays, au Nord du Mali, j’ai rencontré des forces humaines très engagées pour la paix et la sécurité, qui ne recherchent que la vie et le travail, de quoi se nourrir, de quoi faire pâturer les troupeaux. Des femmes et des hommes, des étudiants s’investissent ; ils pensent… Leurs points de vue doivent être entendus ! Souvent ils décrient des accords non tenus à l’origine des conflits, un sous-investissement, un pouvoir central qui n’écoute pas, une colonisation qui les a oppressé, des humiliations, l’envoi de fonctionnaires du Sud qui méconnaissent les réalités nomades… Il n’existe pas que les mouvements très souvent cités par les médias, médias qui certes rencontrent d’énormes difficultés pour effectuer leur mission d’information.
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité associer différents représentants des ethnies de ce vaste espace. Des contraintes diverses n’ont pu tous les réunir. Mais notre ambition est bien de leur donner la parole à toutes et tous. Nous y parviendrons au fil du temps.
Cette très grave crise qui secoue le Mali a des retentissements considérables en Afrique de l’Ouest ; chacun de nous a pu constater les conséquences des dégâts collatéraux de l’intervention en Lybie. Les armes ne sont pas la solution !
Seule la pratique démocratique me paraît être au centre des initiatives à conduire. Nos travaux nous y engagent. Soyons critiques, visionnaires. Cette journée sera suivie d’autres moments d’échanges. Elle participe à la connaissance aux côtés d’autres organisateurs de débats et colloques, aux côtés d’étudiants qui avec les chercheurs ont la soif de savoir, aux côtés de celles et ceux qui vivent au quotidien dans cette belle région du Sahel.
Je vais laisser le soin à Philippe HUGON et Pierre BOILLEY, respectivement chercheurs à l’IRIS et au CEMAF de dresser le panorama sahélien et du nord Mali dans leurs évolutions historiques, géographiques, anthropologiques…
Jean-Didier VERMENOT, 19 juin 2012
Le Réseau des Partenaires de la Région de Kidal et la fondation Gabriel Péri ont souhaité enrichir leurs connaissances sur la situation actuelle au Mali en interrogeant divers chercheurs/chercheuses pour comprendre les origines et les enjeux des conflits, quels sont les acteurs, visibles ou non, au Mali, situé dans cette vaste région du Sahel. Bien entendu, notre réflexion réside dans une mise en commun d’où nous tirerons des enseignements de nos travaux afin que nos organisations respectives, nos élus tant au parlement français qu’européen ainsi que celles et ceux qui siègent dans des instances internationales (ONU, UNESCO, francophonie, CGUL…) se mobilisent pour travailler à des solutions de paix et de sécurité, de développement et de respect des droits de l’Homme. Nous avons choisi ce haut lieu symbolique de la politique française pour que des oreilles attentives intègrent nos analyses qui influeront sur les futures décisions.
En effet, toute production, qu’elle qu’en soit les formes, contribue à alimenter notre pensée critique et nos délibérations afin d’aller vers un monde plus humain, plus solidaire à l’heure de la mondialisation. Cela nous invite à partager sans concession.
L’angle des débats retenu vise à prendre en considération la problématique malienne dans le contexte sahélo-saharien. Il a semblé pertinent de convoquer l’histoire, l’anthropologie, la politique au sens de l’organisation spatiale et du vécu des populations, ainsi que la dimension de la décentralisation, démarche par essence démocratique mais souvent vidée de son sens où s’opposent parfois les concepts d’autonomie et indépendance.
Nous connaissons l’histoire mouvementée de ce Mali colonisé, terrain d’affrontements fréquents voire quasi cycliques comme les « rébellions touarègues ». Cependant ce pays, comme d’autres en Afrique, dispose de ressources trop souvent spoliées ou très convoitées engendrant soit une forte présence extérieure sur le territoire ou engageant des conflits armés pour préserver des intérêts au détriment des autochtones.
Comprendre pour agir nécessite de bien connaître les lieux des points de vue géographique, historique, économique, politique, social, les acteurs en présence. Les différents champs disciplinaires des sciences sociales en montrent le spectre.
Nous savons tous que la religion impacte considérablement les modes de vie ; l’islam pratiqué modéré est aujourd’hui violemment confronté à la propre perversion du Coran et a ouvert les portes à d’autres mouvements islamistes recherchant à imposer la charia, véritable camisole de force intellectuelle, prédatrice humaine où s’exercent des exactions de toute nature que nous dénonçons haut et fort. C’est une grave atteinte aux droits de l’homme ; la femme demeure la cible privilégiée tout comme le système éducatif.
Le mouvement d’émancipation exemplaire de Kidal où les femmes bravent des interdits doit recevoir notre soutien ; nos voix doivent par ailleurs dénoncer toute cruauté, toute atrocité, toute horreur humaine, tout acte barbare.
Comment lire l’histoire de ces peuples soumis à des pressions internationales parfois trop invisibles, viciées et humainement destructrices dans un contexte mondialisé des échanges où les puissances occidentales, voire arabes, pillent à leur profit des pans entiers de l’économie comme les ressources naturelles et agricoles. Des décideurs comme le FMI ou la Banque mondiale n’ont-ils pas de responsabilités ? Comment l’héritage postcolonial a-t-il transformé ces États, voire États-nations, confrontés à des découpages provenant d’intérêts des métropoles esclavagistes préservant leurs seuls avantages tirés de la force ? L’idée du grand Sahara, la partition souhaitée –parfois déjà effective dans quelques pays- malgré l’intangibilité des frontières actée, les interventions et la présence de certains pays dans ce grand espace, La paupérisation, l’aide internationale insuffisante, les rébellions dites touarègues, la défection de l’État malien liée à l’absence de moyens et/ou de volonté politique, ont conduit à une menace complexe favorisant la présence de groupes armés ayant l’ambition de contrôler tout un territoire, d’assurer un trafic d’armes, de drogues et même humain par la prise d’otages.
Mais qui est à l’origine de ces stratégies, quels sont les enjeux au niveau local mais aussi au niveau planétaire ? Qui finance, au bénéfice de qui ? De quelle corruption s’agit-il ? D’où vient ce terrorisme ?
Comment un État comme le Mali en est-il arrivé à sa propre déstabilisation, allant jusqu’à hanter aujourd’hui les pays alentours et d’Afrique de l’Ouest, voire la communauté internationale où certains évoquent et imaginent une intervention militaire au Nord Mali ? L’afghanisation de l’espace sahélien est-elle en marche ? En janvier 2010, je me souviens de cette hypothèse évoquée à Kidal. Aussi, quiddu peuple malien qui dispose de sa souveraineté décisionnelle ?
Les informations que nous glanons quotidiennement montrent que nous ne devons pas délaisser ces peuples qui souffrent, qui crient famine, qui mettent au ban la communauté internationale par un manque d’engagement humanitaire concret, très incisif, visible, tant les aspects sanitaires et humains demeurent catastrophiques. Jeudi encore, un ami touareg, à Gao, me pressait d’intervenir pour venir en aide à des gens de Tessalit qui n’ont plus de quoi manger.
Cette journée d’étude bénéficiera d’apports scientifiques, essentiels à la connaissance géopolitique visant à dénouer les fils des luttes d’influence, des pouvoirs installés. In fine, comment parvenir à la paix, quelles démarches politiques pourraient être tentées sans déposséder les forces vives locales de toute décision et initiative ? Utopie ou possible ?
Comment, nous, intervenants en qualité de coopérants, au titre de l’aide humanitaire, au titre des collectivités locales, avec notre conception démocratique, pouvons-nous être à l’initiative sans nous substituer aux populations locales ? Citoyens français, européens du monde, quelles responsabilités portons-nous quant à cette situation dramatique qui se joue au Mali et au Sahel, dont les sources se trouvent dans les désordres mondiaux, où certains s’arrogent le droit de décider sans concertation, en imposant aux peuples.
En fin de journée, un atelier se tiendra sur les conséquences du capitalisme mondialisé et l’avenir de l’État-nation au Sahel. Problème particulièrement complexe mais il faut s’y atteler. Des processus de transformations travaillés avec les forces progressistes ouvriront de nouvelles pistes de réflexions pour reconsidérer l’aide publique internationale au développement, redéfinir des modes de régulation progressistes des échanges, requalifier la nature des coopérations à mettre en œuvre, loin des spoliations que nous connaissons.
Dans ce pays, au Nord du Mali, j’ai rencontré des forces humaines très engagées pour la paix et la sécurité, qui ne recherchent que la vie et le travail, de quoi se nourrir, de quoi faire pâturer les troupeaux. Des femmes et des hommes, des étudiants s’investissent ; ils pensent… Leurs points de vue doivent être entendus ! Souvent ils décrient des accords non tenus à l’origine des conflits, un sous-investissement, un pouvoir central qui n’écoute pas, une colonisation qui les a oppressé, des humiliations, l’envoi de fonctionnaires du Sud qui méconnaissent les réalités nomades… Il n’existe pas que les mouvements très souvent cités par les médias, médias qui certes rencontrent d’énormes difficultés pour effectuer leur mission d’information.
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité associer différents représentants des ethnies de ce vaste espace. Des contraintes diverses n’ont pu tous les réunir. Mais notre ambition est bien de leur donner la parole à toutes et tous. Nous y parviendrons au fil du temps.
Cette très grave crise qui secoue le Mali a des retentissements considérables en Afrique de l’Ouest ; chacun de nous a pu constater les conséquences des dégâts collatéraux de l’intervention en Lybie. Les armes ne sont pas la solution !
Seule la pratique démocratique me paraît être au centre des initiatives à conduire. Nos travaux nous y engagent. Soyons critiques, visionnaires. Cette journée sera suivie d’autres moments d’échanges. Elle participe à la connaissance aux côtés d’autres organisateurs de débats et colloques, aux côtés d’étudiants qui avec les chercheurs ont la soif de savoir, aux côtés de celles et ceux qui vivent au quotidien dans cette belle région du Sahel.
Je vais laisser le soin à Philippe HUGON et Pierre BOILLEY, respectivement chercheurs à l’IRIS et au CEMAF de dresser le panorama sahélien et du nord Mali dans leurs évolutions historiques, géographiques, anthropologiques…
Jean-Didier VERMENOT, 19 juin 2012
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