maliweb.net - Le ministre Zahabi a propos de l’accord d’Alger : « L’échec du Pacte National n’est pas la faute du gouvernement malien… »
A la faveur d’une conférence débats à laquelle il a été invité par Aminata Dramane Traoré, l’ancien leader de la rébellion de 1990 et non moins Ministre de la réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed revient sur la signature de l’accord d’Alger à Bamako le 15 mai dernier et donne son avis sur ce qui a fait que le Pacte National qui sert de prétexte pour les récentes rébellions.
Pour l’ancien Ministre des affaires étrangères et haut fonctionnaire de l’Onu, si le Pacte national n’a pas marché, la faute est à rechercher ailleurs. L’Etat malien a, en effet, tenu ses promesses….
« Le vrai problème du Mali est une question de développement et de chômage. C’est ce fléau qui engendre le mécontentement dont certains essaient de capitaliser pour créer l’instabilité politique et sécuritaire. Très peu de questions sont posées sur la question de développement. », martèle-t-il d’entrée. Estimant également que le problème de développement touche toutes les couches de toutes les régions du Mali. « Chez nous, au Mali, la chose la mieux partagée, c’est la pauvreté. Dans les toutes les régions du Mali quand, vous partez c’est la misère. Cette misère, amplifiée par les sécheresses endémiques, fait que les jeunes de Kayes quittent leur région pour aller mourir dans la mer. Si vous voyez au nord, c’est le même scénario. C’est à cause de la misère et la sécheresse que beaucoup de jeunes du nord ont quitté leurs localités pour se retrouver en Libye, au Ghana…. »
Pour le Ministre de la réconciliation, faire une fixation sur le seul cas de Bamako pour croire que le nord du pays est délaissé relève de la mauvaise foi. Car, « le Mali ce n’est pas Bamako seulement. La situation du nord n’est pas une politique délibérée de ne rien faire dans le nord. Toutes les régions du Mali ont les mêmes difficultés. Il suffit de quitter Bamako déjà, à 50 kilomètres, tu te rends à l’évidence que les autres régions ne sont pas plus développées que les régions du nord. Cette situation là on peut la changer si nous sommes tous ensemble »
Il en appelle au bon sens des jeunes qui sont actifs dans les différents groupes rebelles à la raison. « L’éclatement, le micro-régionalisme ne peut plus développer. C’est à contre-courant de l’histoire de l’humanité aujourd’hui. Les gens cherchent à se regrouper. Ils cherchent à constituer un grand marché afin de devenir une force et concurrencer les autres. Mais quelque chose comme un million ou soixante dix mille personnes n’intéressent personne parce que tu ne peux rien vendre à ces soixante dix mille personnes ». Une allusion claire aux rebelles de Kidal qui est la région administrative la moins peuplée du Mali avec ses 75 000 habitants et dont seules les rebelles peuvent prétendre avoir le soutien de quelques habitants.
« La marche même du monde c’est le regroupement. Nous, on cherche à ce que l’Afrique entière devienne un seul marché, un seul peuple uni. Comment quelqu’un peut avoir une telle pensée, réclamer une autonomie ou l’enclavement d’une enclave dans une enclave. Je ne sais pas où est-ce qu’ils veulent aller. C’est un sujet qu’on doit s’asseoir et débattre (sic) et débattre de cette question entre intellectuels et entre populations sans les armes et de la façon la plus honnête. Pour que l’on puisse se convaincre et pouvoir se faire comprendre. » se convainc-t-il.
Le Ministre Zahabi appelle les groupes armés n’ayant pas encore signé l’accord d’Alger à le faire pour que le top départ pour la paix soit enclenché. Il avertit déjà sur la possibilité qu’il y ait des querelles d’interprétations voire de la mise en œuvre de l’accord. Il va falloir donc déjouer tous les pièges des précédents accords de paix. « Il faut qu’on arrête le faux-semblant. Maintenant on a signé l’accord et tous les partenaires sont prêts à nous aider. Il y aura une table-ronde pour appuyer les efforts du gouvernement du Mali pour faire la paix. Il y a des choses, il faut le dire, sinon on ne va pas s’en sortir. Ce que moi, j’ai vu souvent ailleurs. C’est que souvent, s’il y a d’autres Ong qui viennent, tout ça on comptabilise et on dit qu’on vous a donné ça. Alors que réellement quand vous regardez ça ne profite pas à l’accord lui-même. A chaque fois qu’on donne cinq francs à quelqu’un on dit que cela fait partie du montant promis. Là, on ne peut pas s’en sortir. Ceux qui viennent pour les questions de l’accord ou pour les questions de nous aider, il faut que le jeu soit clair et que les responsabilités soient situées. Parce que dans ce processus, il y a un piège. Le piège, c’est quoi ? Au moment de faire les comptes, ton oreille entend des gros chiffres pendant que le gouvernement ne reçoit même pas un tiers de ça. Et le problème que tu as après, on va dire que c’est le gouvernement qui ne veut rien faire, on a tout fait pour aider. Cette fois-ci, nous serons très vigilants pour que cela n’arrive. Nous voulons que la gouvernance de l’aide change. »
Qu’est ce qui a fait échouer le Pacte National 1994 ?
L’Etat du Mali, à l’époque, a fait de son mieux. Mais l’accompagnement demandé aux autres partenaires n’a pas été obtenu. Voilà le fond du problème. Au premier coup de fusil au nord, c’est les mêmes gens qui crient. Ah le gouvernement ne veut rien faire là-bas. Nous exigeons la transparence dès le départ…Il faut que les gens du nord visitent le reste du Mali et vice-versa pour mieux comprendre et toucher du doigt la réalité du pays profond. Si vous voyez que les jeunes quittent Troungounbé, Diéma, Kayes pour aller mourir dans la mer ou sur le désert. Ce brassage va nous amener à mieux nous comprendre et à être ensemble pour changer notre patrie. La force du Mali, c’est sa diversité et son unité. C’est ça la force du Mali. »
Qu’est ce qui se passe réellement au nord du Mali ?
Vous êtes là et vous n’avez pas d’emploi, les extrémistes viennent taper à votre porte et vous propose le business de la drogue, de prise d’otage et trafic de tout genre. Pour un désœuvré il va accepter l’offre. Par exemple
Un jeune recruté pour convoyer de la drogue touche un million de F CFA par mois comme motivation. Comment ce jeune là va quitter pour un salaire d’intégrer de cent mille francs au compte de l’Etat ? Il ne va pas l’accepter. Et le chauffeur et le responsable du convoi ont chacun trois millions par voyage. Comment le trafic de drogue va s’arrêter au nord du Mali? Imagine un kilo de cocaïne fait 60 millions de Franc CFA, regarde le chargement d’une petite voiture, d’un petit pick-up. Voila le vrai problème du nord et personne ne met les phares là-dessus. C’est pourquoi cette guerre là que vous voyez, personne ne vous dira la vrai motivation des bandits. Sinon il y’a eu le cessez le feu, mais la guerre continue ! Qui se bat c’est l’armée malienne en tout cas, ce n’est pas non plus les troupes de l’ONU qui se battent. Mais c’est une bataille entre les mouvements, les groupes armés. Au lieu de dire la vérité on attend sur les antennes des médias étrangers des mensonges à ternir l’image du Mali. Et monter aux yeux du monde comme si nous ne voulons pas la paix. Les récentes attaques au nord du Mali ne sont autres des batailles d’intérêts pour contrôler les routes de drogue. C’est ça la vérité. Tant que les maliennes ne comprennent pas que l’enjeu du problème au nord : c’est la drogue, ça sera très difficile de trouver une solution durable. La situation actuelle est devenue une couverture politique pour masquer ce trafic de drogue et le crime organisé en tout genre. Donc, ces bandits n’ont pas intérêt qu’il ait la paix au Mali. Parce que tout simplement tant que il y’a la paix le trafic ne peut pas prospérer.
Comment les négociations se sont déroulées à Alger ?
Si le vrai problème n’est pas posé, l’équation ne sera pas résolue. Parlant de processus de négociation, le ministre Zahabi a été on ne peut plus clair. Selon lui, il y a eu dix mois d’intenses négociations. La particularité de ces négociations à l’en croire était son côté inclusif. Autrement dit ; ce n’était pas seulement une négociation entre le gouvernement et les groupes armés comme par le passé. Ce processus-là a pris en compte la société civile. La résolution des Nations-Unies a été déterminante dans ces négociations. Car l’avis de la société a servi de base pour rédiger cet accord. Selon le conférencier, le fait que la société civile a participé à l’élaboration de ce document sous la conduite de la médiation internationale a beaucoup équilibré le contenu de l’accord. L’innovation a été que les toutes parties prenantes ont été écoutées. « Quand on regarde dans cet accord toutes les revendications de la CMA (Coordination des groupes Armés) ont leur réponse dans ce document. Les points de revendication de la CMA ont leur réponse dans l’accord. La reconnaissance politique et juridique de l’Azawad comme entité territoriale, sur ce point l’accord est clair : chaque communauté du Nord choisira la dénomination de son choix à travers une consultation. Pourquoi avoir peur de ta propre base ? Les unités qui vont assurer la sécurité au nord doivent être constituées à 80% des gens…. L’armée malienne est l’une des armées la mieux équilibrée au monde, il y a toutes les ethnies du Mali. Le Mali est une nation. »
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