La Nouvelle République du Mali : 6 Régions, 14 millions d’Habitants, 500 000 Km2 La République de l’Azawad : 6 Régions, 1 500 000 Habitants, 750 000 Km2
Le lancement officiel des Activités commémoratives du Centenaire de la Naissance du Président Modibo Keita, le Père de l’Indépendance et de la Nation du Mali, me donne l’occasion de faire une analyse poussée de ce qui reste de la République du Mali et de sa devise : Un Peuple-Un But- Une Foi, après cinquante-cinq années d’indépendance.J’entrevois, à travers l’Accord d’Alger 2015 et son arrangement sécuritaire, la Partition du Mali consommée ou future. Le Professeur Joseph Ki-Zerbo disait ceci : «An dara, an sara- Si nous nous couchons nous sommes morts«. Aujourd’hui cet adage sied au mode opératoire de l’exécutif de la résolution de la crise malienne depuis Alger I.
Et pourtant, l’arrivée au Pouvoir d’IBK avait suscité un grand espoir chez les Maliens ! Il avait promis au peuple qu’il est la solution, car capable de résoudre immédiatement la crise du Nord, lutter contre la corruption, être juste, communicateur, transparent, consultatif, etc.
Notons que c’est sous le régime d’IBK, et cela est à son honneur, que le peuple malien s’est rendu effectivement compte que Kidal n’était plus dans le giron du Mali, avec la visite du Premier Ministre Moussa Mara, le 17 Mai 2014. La seconde débâcle de l’Armée du 21 Mai 2014, après celle d’Avril 2012, tout juste après le coup d’Etat est la preuve de cette affirmation. Des administrateurs égorgés, des dizaines de militaires faits prisonniers ou tués, du matériel et engin militaire saisis, des officiers de renom et les troupes en fuite, sont les conséquences de l’Assaut donné par les FAMa sur Kidal le 21 Mai 2014 parce qu’elles ont été blessées dans leur dignité. En deux heures de combat, Kidal a été pris entièrement. Des applaudissements dans la salle de Conseil des Ministres, des congratulations à l’endroit du chef des opérations. Deux heures après cette joie, dans la même salle de Conseil des Ministres, la mauvaise nouvelle est tombée : Les FAMa sont défaites et sont en fuite vers Gao.
De cette date à maintenant, aucun responsable de l’Armée, ni du Gouvernement, ni le Président de la République n’ont voulu porter le chapeau de cette aventure, qui avait pourtant bien commencé, si ce n’était l’appui de l’armée française aux rebelles Touaregs.
Seul le Ministre de la Défense d’alors a eu le courage de démissionner ; comme cela se fait dans les grandes démocraties, car ce sont les grands évènements qui font les grands hommes, a-t-on l’habitude de dire.
Depuis cette intervention de l’armée française auprès des troupes rebelles, le peuple malien devrait s’attendre à la partition du Pays, à la suite de négociations qui allaient désormais lui être imposées.
J’imagine que c’est l’une des raisons pour lesquelles notre souveraineté a été sous-traitée à l’Algérie, un Pays ami et ennemi du Mali à la fois. Elle est appuyée dans cette manœuvre de la France par les Nations-Unies qui la laissent faire à sa guise et selon ses intérêts. Les résultats des négociations ayant abouti à la signature du Gouvernement du Mali avec lui-même le 15 Mai 2015, devant la Communauté Internationale, me semblent être imposés au Mali, sans aucun pouvoir de protestation, sans pouvoir prendre en compte ni les observations des populations maliennes, ni celles du Gouvernement.
Je suis convaincu que par cette façon de faire, le peuple malien a été pris au piège de l’Accord d’Alger 2015, puisqu’aucune des réserves ni du Gouvernement ni des Partis politiques et de la Société Civile n’ont été prises en compte dans la rédaction finale de l’Accord d’Alger 2015.
Le dit accord semble être déséquilibré au détriment de la majorité du Peuple malien qui, la mort dans l’âme, continue à encaisser.
Le Président I.B.K a soulagé le peuple lorsque, le 15 Mai 2015, suite à la signature de l’Accord d’Alger 2015, à Bamako, il disait que les négociations étaient terminées, et faisait comprendre de la plus belle manière au Secrétaire Général adjoint Chargé des maintiens de Paix, le français Hervé Ladsous, que le peuple malien mérite du respect de la part des Nations-Unies.
Cependant, notre étonnement a été grand d’apprendre vingt jours après que le gouvernement est allé signer avec la médiation Internationale et la CMA deux autres documents relatifs à un soi-disant «Arrangements Sécuritaires« à l’insu du peuple malien.
Et le plus grave est qu’on nous fait croire que ces documents n’ont aucun rapport avec l’accord signé le 15 Mai 2015 à Bamako. Nous voulons savoir, quelle obligation le Gouvernement avait-il à signer un document annexe à l’Accord d’Alger 2015 ?
Je suis d’autant plus surpris que dans le dit document, on a exigé que la plateforme dégage les lieux.
La CMA et les Nations-Unies pressent le Gouvernement et la plateforme pour ce faire. Selon le député rebelle français, Jacques Millard, «La Fermeté sur les principes est toujours une valeur sûre en politique, la pusillanimité, le laxisme servent toujours les desseins de l’adversaire«. Ce manque de fermeté est certainement la cause de la partition consommée du Mali en deux entités : La Nouvelle République du Mali avec une population de 14 millions d’habitants, couvrant six régions : Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti et le District de Bamako pour une superficie de 500 000 km2 ; la République d’Azawad avec une population de 1 500 000 habitants couvrant six régions :Douentza, Gao, Ménaka, Tombouctou, Kidal et Taoudéni pour une superficie de 750 000 km2. Elle compte deux régions Touaregs (Menaka et Kidal) ; deux régions arabes (Taoudéni et Tombouctou), une région Sonrhaï (Gao) et une région Peulh (Douentza). Cette partition programmée et consommée par l’Accord d’Alger 2015 et son Arrangement Sécuritaire me rappelle la fin de l’Empire Romain d’Occident suite à l’abdication de Romulus Augustule le 4 septembre 476.
Pour le cas du Mali, voici ce que l’Histoire contemporaine retiendra désormais. C’est sous le règne du Président Ibrahima Boubacar Keita, cinquième Président de la République du Mali et troisième Président depuis l’avènement de la démocratie, que le Mali s’est scindé en deux Républiques suite à une rébellion Touareg des années 2012.
Les Historiens souligneront avec singularité que la partition de la République du Mali comme la fin de l’Empire Romain se rapporte à plusieurs causes profondes et à des événements liés au manque de visions de tous les dirigeants de l’ère démocratique quant à l’avenir du Pays. Que cette République très vaste avec des peuples cosmopolites, berceau de tous les grands empires de l’Ouest Africain, a vécu «La vie d’une rose, l’espace d’un matin«.
Les Historiens questionneront chaque composante de la société malienne sur sa part de responsabilité dans la disparition de la République du Mali.
- Les Partis de la majorité Présidentielle, au nombre de soixante quinze, se demanderont pourquoi ils se sont cousu les bouches, bouché les oreilles, ont fermé les yeux ; sinon à défaut de porter tous les noms Kouyaté pour ne chanter que l’apologie du régime ?
- Les Partis d’opposition se diront que malgré leur petit poids, ils ont suffisamment alerté le peuple, qui n’a rien voulu comprendre, sinon les traiter de « ba gniango ».
- La Société Civile constituée de volontaires voulant constituer un contrepoids pour le pouvoir de l’ère démocratique regrettera sa faible capacité de mobilisation sans les religieux.
- Les presses écrites et parlées jugeront qu’elles ont suffisamment expliqué l’état de la Nation au peuple majoritairement analphabète. Malgré cela le peuple n’a pas compris tous les enjeux de cette crise. Elles diront qu’elles ont organisé des milliers de séances de débats pour donner le signal de la fin de la République, sans avoir en retour l’éveil de conscience attendue.
- L’Armée dira qu’elle n’a pas été équipée à hauteur de souhait pour effacer la honte et le déshonneur de la débâcle du 21 Mai 2015. Qu’elle s’est repliée sur elle-même, faute d’avoir eu un dirigeant courageux qui ait accepté de porter le chapeau du premier responsable de la débâcle du 21 Mai 2014.
- Les intellectuels, spécialistes des grands débats dans la presse, à la télévision nationale et dans les radios libres, diront que le manque de courage a eu raison d’eux, car ils s’attendaient à être nommés par le régime à de hautes fonctions Administratives. C’est la raison pour laquelle il fallait rester dans l’ombre le temps qu’il fallait.
- Les Constitutionnalistes diront qu’ils ont vu venir la Partition sans avoir eu le courage d’alerter le peuple sur les mauvais articles de l’Accord d’Alger 2015. Ils diront qu’ils ont baissé la tête pour ne pas rencontrer le regard interrogatif du Malien lambda. Seul le Pr. Bréhima Fomba aura eu le courage d’écrire dans la presse pour informer le peuple des Incohérences entre la constitution de Février 1992 et l’Accord d’Alger 2015.
- La diaspora intellectuelle se dira non concernée car elle et leurs progénitures ne comptent plus revenir au Mali qui aura fini d’exister dans son état actuel avec l’accord d’Alger 2015.
- Les Paysans diront tout simplement que les intellectuels maliens les ont encore trompés avec leur langue mielleuse.
Les Religieux se sentiront coupables, pour avoir joué le rôle de « faiseurs de Roi » en tant que seule force capable de mobiliser des milliers de personnes, remplir le stade du 26 Mars pour une cause donnée. Leurs adeptes diront que les religieux sont devenus plus politiques que les Chefs de partis politiques.
Les Femmes qui ont été le fer de lance des folles journées du 21 au 26 Mars 1991 pour la révolution démocratique regretteront leur bravoure à jamais. Elles diront lors des causeries dans les Marchés populaires que la démocratie leur a fait comprendre que « blanc bonnet et bonnet blanc » sont les mêmes.
La Cour Suprême aura-t-elle encore sa raison d’être, quand l’intérêt personnel a primé surtout sur l’intérêt général ? Ces Membres se remémoreront de cet adage du griot de Samori Touré du nom de Morifindian Diabaté : « Si tu ne peux dire la Vérité, confie ta langue à l’imprudent du village, il fera diffuser ta pensée ».
L’Assemblée Nationale et sa cinquième législature diront qu’elles ne peuvent plus se présenter devant le peuple, car c’est avec leur législature que le Pays s’est scindé en deux entités : la Nouvelle République du Mali et la République d’Azawad. Et dans tout cela, le capitaine «BAD» et ses cent compagnons égorgés à Aguel-Hoc et tous les autres militaires et administrateurs tués ? Dans leurs tombes que peuvent-ils se dire réellement ? « Oh nous nous sommes sacrifiés pour rien, Pauvres de nos enfants, de nos femmes et de nos parents ! » Les Médaillés d’or de l’Indépendance encore en vie verront défiler le film de leur lutte pour l’indépendance du Mali, et, à la fin, ils liront écrit sur la pierre tombale : Ci-gît : « La République du Mali Née le 22 Septembre 1960 et décédée le 20 Juin 2015».
Quant aux Nyamakalas de Kélâ, de Niagassola, les Kouyatés du Mandé, qui depuis des générations sont au service des Princes Keita du Mandé, vont-ils regretter toutes les louanges chantées pour saluer l’avènement d’un «Diatigui« attendu par tous à la Commande du Maliba ? Ils nous raconteront que ce sont les grands hommes qui font l’histoire. Qu’ils sont considérés comme des Héros. Mais, attention, qu’il y a des Héros qui ont mal fini d’après l’histoire. Ils nous rappelleront aussi que dans la gestion d’un Etat, le Chef devrait toujours faire sienne cette devise de Kourou Kanfouga, à savoir « plutôt la mort que la honte ». Ils évoqueront aux générations futures que c’est avec l’Accord d’Alger 2015 que « La Chèvre a mordu le Chien et que la Souris a mordu le Chat au Mandé ».
Et, enfin, les Niamakalas de Bamako, de Kayes, de Ségou et de Mopti raconteront dans les grands Sumu le triste déclin du Mali par la faute de dirigeants faibles, très faibles et même trop faibles. Ils auront sauvé leurs têtes sans sauver le Mali et les Maliens. Que la preuve ultime de cette faiblesse a été leur capitulation face à la pression d’un groupe de rebelles touareg de Kidal et de France. Aussi, ils auront par ce fait trahi hautement le peuple qui leur a fait une confiance aveugle. Ils nous expliqueront que pour remettre le peu qui reste de la République du Mali sur une autre trajectoire, la voie parait dure. Ils nous persuaderont que c’est dans le feu que le fer se trempe et devient acier, que c’est dans la douleur que l’âme trouve la révélation de sa force. Que c’est dans la bravoure que les peuples surmontent leurs drames ; que c’est dans la difficulté qu’un peuple se découvre. Et à la fin de leur récit, ils diront que nous sommes tous fautifs, que le temps est linéaire et non cyclique !
Lanceni Balla KEITA, ancien député
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