Résumé: 5e round de négociations inter-maliennes à Alger- présence des médiateurs, du gouvernement malien et de six groupes armés du nord Mali- Obtention d’un accord de paix et de réconciliation- signature de l’accord par certaines parties- Refus de signer par la Coordination des mouvements de l'Azawad qui demande un délai pour en parler avec les populations- manifestations organisées à Kidal pour protester contre l’accord- Tensions perceptibles sur le terrain- probable signature de l’accord par la CMA à la fin du mois- présence d’une mosaïque d’acteurs armés dans le nord Mali- Éloignement de l’apaisement sur le terrain-
Introduction
Les négociations d’Alger entre les parties maliennes ont abouti le 1er mars 2015 à un accord de paix et de réconciliation, [1] paraphé par le gouvernement malien et quelques mouvements armés loyalistes. Un accord a pu être obtenu, couronnant les cinq rounds de pourparlers inter-Maliens d’Alger conformément à la feuille de route établie depuis la phase initiale qui s’est tenue en juillet 2014. Six groupes ont participé aux cinq cycles de négociation depuis juillet 2014: le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), le Mouvement arabe de l'Azawad-dissident (MAA-dissident), la Coordination pour le peuple de l'Azawad (CPA) et la Coordination des Mouvements et fronts patriotiques de résistance (CM-FPR). Étaient exclus des négociations les groupes liés à Al-Qaïda qui, à un moment alliés du MNLA, ont occupé pendant plus de neuf mois le Nord du Mali avant d'en être partiellement chassés par l'intervention lancée par la France. Après avoir remis un texte d’accord mercredi soir, les médiateurs (l’Algérie, la CEDEAO, l’Union africaine, les Nations unies, l’Union européenne, Organisation de la coopération islamique, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria et Tchad) ont refusé tout amendement et ont maintenu la cérémonie de paraphe malgré la demande d’un report de 72h exprimée par la CMA.
L’accord du 1er mars 2015 [1] prévoit la promotion d’une véritable réconciliation nationale, la reconstruction de l’unité nationale du Mali sur des bases novatrices, qui respectent son intégrité territoriale, tiennent compte de sa diversité ethnique et culturelle, ainsi que de ses spécificités géographiques et socio-économiques. De même qu’il met l’accent sur la nécessité d’accélérer le développement économique et la restauration sans délai de la sécurité. Il insiste, en outre, sur la promotion durable de la paix et de la stabilité au Mali ainsi que la matérialisation des règles de bonne gouvernance, de transparence dans la gestion, de respect des droits de l’homme, de la justice et de lutte contre l’impunité. Cet accord reconnait également l’impératif de la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.
L’accord [1] a été présenté par le ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra comme ayant "valeur d'une boussole crédible et efficace vers la paix". Il a rassuré qu’il sera paraphé par toutes les parties, alors même que le texte n'a pour l'instant pas reçu l'approbation de la Coordination des mouvements de l'Azawad, qui regroupe plusieurs groupes rebelles comme le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). Cette Coordination a en effet demandé un "délai raisonnable" en vue de consulter les populations qu'elle représente car un "accord non partagé avec les populations" a "peu de chance d'être appliqué sur le terrain", a expliqué à la tribune un de ses représentants. En dépit des assurances de M. Lamamra, sur la fin des négociations et l’optimisme affiché par rapport à la signature prochaine de l’accord par la CMA, il y a lieu de s’interroger sur la portée réelle d’un tel accord. Il est évident que les groupes armés du nord qui ont paraphé le texte d’Alger ont été institués par le Gouvernement malien, dans le but de diviser la rébellion et de mieux la contrôler. Il est aussi vrai que cette division risque de faire perdurer une guerre qui a déjà fait souffrir de nombreux maliens et qui, pour l’instant, ne profite à aucune des parties impliquées.
Le document est le résultat de huit mois de laborieuses négociations. Cet accord est sensé mettre un terme aux négociations débutées en juillet 2014 à Alger. Que contient cet accord et quelle peut être sa portée ? Telles sont les questions auxquelles tente de répondre la présente analyse.
I.Le contenu de l’accord paraphé
L’accord [1] paraphé à Alger le 1er mars 2015, par le gouvernement malien et les groupes armés du Nord du pays - à l'exception notable de ceux rassemblés sous la bannière de la Coordination des mouvements de l'Azawad qui regroupe les principaux groupes rebelles à dominante touarègue, dont le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) - prévoit deux dispositions majeures. La première est la création d’Assemblées régionales élues au suffrage universel direct et dotées de pouvoirs importants dans un délai de dix-huit mois, assortie d'une promesse de "plus grande représentation des populations du Nord au sein des institutions nationales". La seconde - déjà utilisée sans grande réussite par le passé - est l'intégration des combattants des mouvements du Nord dans l'armée malienne, y compris à des postes de commandement. Comme le souhaitaient les autorités maliennes, ce document de 30 pages et de 67 articles ne parlent ni d’autonomie, ni de fédéralisme. Bien au contraire, il réaffirme le respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son caractère laïc. C’est sans doute la principale raison du refus de le parapher par les séparatistes.
A.L’amélioration du cadre institutionnel et la réorganisation territoriale
Plusieurs dispositions de l’Accord d’Alger rendent prévisible une prochaine révision de la constitution malienne. Les Parties conviennent de mettre en place une architecture institutionnelle permettant aux populations du nord, dans un esprit de pleine citoyenneté participative, de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales (Article 6).
1.Les mesures de gouvernance
L’accord préconise une série de mesures destinées à obtenir une meilleure gouvernance pour un règlement définitif du conflit en tenant compte des spécificités locales. C’est ainsi qu’il prévoit : la mise en place d’une architecture institutionnelle fondée sur des Collectivités territoriales dotées d’organes élus au suffrage universel et de pouvoirs étendus; la gestion par les populations des régions concernées de leurs propres affaires sur la base du principe de la libre administration ; une plus grande représentation des populations du nord au sein des institutions nationales; le renforcement de l’État de droit en rapprochant la justice des justiciables; la mise en place d’un système de défense et de sécurité basé sur les principes d’unicité, d’inclusivité et de représentativité ; une participation active et significative des populations, en particulier celles du nord à la gestion de la sécurité locale ; un redéploiement progressif des forces armées et de sécurité reconstituées du Mali.
Comme le projet d’accord transmis aux délégations à l’issue du 4e round, il est également prévu la mise en place d’une Zone de Développement des Régions du Nord, dotée d’un Conseil consultatif interrégional et d’une Stratégie Spécifique de développement adaptée aux réalités socio– culturelles et géographiques ainsi qu’aux conditions climatiques. La Stratégie sera financée notamment par un Fonds pour le développement durable dont les ressources proviendront de sources publiques nationales et de contributions internationales.
En son temps, l’équipe gouvernementale, de retour du 4e round, avait organisé une conférence de presse pour dénoncer ce passage du document. En ce sens que de nombreux fonds ont été investis pour le développement des régions du nord du Mali, souvent au détriment du reste du pays. Mais, visiblement, cette doléance n’a pas eu une réponse favorable. Notons qu’après la signature de cet accord que l’équipe de médiation prévoit pour la fin de ce mois à Bamako, il est prévu l’ouverture d’une période intérimaire qui sera mise à profit pour le suivi et l’application de cet accord. Lequel aura le concours, le soutien et l’accompagnement de la Communauté internationale.
Le document paraphé prévoit également la mise en place d’une architecture institutionnelle permettant aux populations du nord de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales. C’est ainsi qu’il est prévu des Assemblées régionales dont les membres seront élus au suffrage universel direct. Le président de l’Assemblée est le chef de l’Exécutif et de l’administration de la région. De même qu’il est prévu de doter chaque cercle et commune d’organes délibérants également élus au suffrage universel.
2.Plus de pouvoir aux régions mais sans autonomie
Un autre fait que certains avaient dénoncé : il est reconnu à chaque région le droit d’adopter la dénomination officielle de son choix dans le cadre des dispositions relatives au statut juridique et fonctionnement des régions. En clair, l’appellation » Azawad » peut toujours revenir. Il sera également procéder à la mise en place d’une deuxième chambre parlementaire sous la dénomination de Sénat. Alors que ce système est très décrié dans plusieurs pays africains, car une telle chambre est jugée budgétivore, onéreuse, inopportune et inutile. En ces temps de crise économique mondiale, on voit très mal son opportunité à sortir le Mali du gouffre. L’accord [1] souligne la nécessité d’une plus grande représentation des populations notamment celles du nord à l’Assemblée nationale et éventuellement, l’augmentation du nombre de circonscriptions électorales. Il souhaite également l’élargissement du Haut Conseil des collectivités aux représentants des notabilités traditionnelles, aux femmes et aux jeunes. Et, comme si ce n’était pas le cas, il prévoit d’assurer une meilleure représentation des ressortissants du septentrion dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de la République.
3.Le renvoi controversé à l’« Azawad »
Le terme « Azawad » est présent dans l’accord [1] d’Alger. Certes, la reconnaissance géographique a été mise de côté. Par contre, on lui attribue une « réalité socioculturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du nord du Mali ». Cependant, certains redoutent que cela ne constitue une brèche dans laquelle les séparatistes vont s’engouffrer pour réclamer leur indépendance. A l’évidence, cette idée n’est toujours pas abandonnée au regard même de la réaction des séparatistes qui ont refusé son paraphe et certains de leurs partisans qui manifestent violemment leur mécontentement dans des localités du nord comme Kidal, Ber, Ansogo, etc.
Ledit document prévoit l’organisation de conférences d’entente nationale afin de débattre des causes des crises cycliques au nord du Mali. Ce qui permettra la compréhension de l’appellation de l’ « Azawad » et d’autres raisons de ces crises dans le septentrion du Mali. De même qu’il appelle à l’élaboration d’une « charte pour la Paix, l’Unité et la réconciliation nationale en vue de prendre en charge les dimensions mémorielle, identitaire et historique de la crise malienne et sceller son unité nationale et son intégrité territoriale. »
4.Le financement du programme
Comme le préaccord issu du 4e round, le financement de ce vaste programme est encore dédié à l’État. Et, ce sont toujours les communautés du nord qui ont la part belle. Ainsi, d’ici 2018, l’État doit mettre en place un mécanisme de transfert de 30% des recettes budgétaires de l’État aux collectivités sur la base d’un système de péréquation, avec une attention particulière pour les régions du nord, selon des critères à déterminer. De même qu’il est appelé à rétrocéder aux collectivités territoriales concernées un pourcentage des revenus issus de l’exploitation, sur leur territoire, de ressources naturelles, notamment minières, selon des critères à définir d’un commun accord.
B.Les questions de défense et de sécurité exclusivement réservées à l’Etat
La défense et la sécurité du pays ne seront donc pas sous-traitées. C’est en tout cas ce qui ressort de l’accord de paix et de réconciliation nationale. Ainsi, il est prévu un redéploiement progressif des forces armées et de sécurité reconstituées. L’unicité des forces armées et de sécurité relève organiquement et hiérarchiquement de l’Etat central. Et, comme si ce n’est pas le cas, elles doivent être inclusives et représentatives. S’agissant du processus de Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion (DDD) outre le soutien de la MINUSMA pour sa mise en œuvre, il est prévu de mettre en place une commission nationale comprenant les représentants du gouvernement et les groupes armés signataires. Ils travailleront en étroite collaboration avec le Comité de suivi du présent accord. Dans ce cas, les regards se porteront sur les combattants ayant du sang sur les mains et multirécidivistes. Seront-ils réintégrés dans les rangs des forces armées et de défense sans être jugés ? Les populations victimes pardonneront-elles les préjudices subis ? Autant de questions que l’accord laissent en suspens. Autre fait que certains pourront aussi condamner, » les forces redéployées devront inclure un nombre significatif de personnes originaires des régions du nord, y compris dans le commandement, de façon à conforter le retour de la confiance et faciliter la sécurisation progressive de ces régions « . L’accord souligne également la nécessité d’entreprendre une réforme du secteur de la sécurité (RSS) en tirant les leçons des expériences passées et en s’appuyant sur les documents pertinents de l’Union africaine et de l’ONU. Il sera également procédé à la mise en place d’un Conseil national pour la RSS suffisamment représentatif et des capacités issues des différentes communautés. Par ailleurs, des polices locales placées sous l’autorité des Collectivités territoriales seront aussi créées. De même que des comités consultatifs locaux de sécurité (CCLS) regroupant les représentants de l’Etat, des autorités régionales et locales, des communautés et des autorités traditionnelles, seront mis en place et placés sous l’autorité du chef de l’exécutif local.
C.Création d’une zone de développement des régions du nord
Visiblement, la requête de la partie gouvernementale sur l’inopportunité de cette zone n’a pas été entendue. En effet, celle-ci sera du ressort exclusif des Assemblées régionales concernées et chargées de la coordination des efforts de la mutualisation des moyens en vue d’accélérer le développement socio-économique locales et d’autres questions connexes. Il sera ainsi procédé à la mise en place d’une Stratégie spécifique destinée à hisser les régions du nord au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs de développement. Ce, dans un délai n’excédant pas une période de 10 à 15 ans. De même qu’il est prévu des missions auprès de grandes institutions et organisations financières qui seront appelées à accompagner cette stratégie.
Deux mois après l’élaboration de cette dernière, une conférence d’appel de fonds, similaire à celle de Bruxelles en 2013, sera organisée pour appuyer le développement des régions du nord à travers un fonds dit pour le développement durable. Il sera également créé une Agence de développement régional pour renforcer la capacité de maitrise d’ouvrage des régions et permettre un suivi approprié de la mise en œuvre des engagements pris par le gouvernement en faveur des régions. L’Agence fait partie de l’administration régionale et sera placée sous l’autorité du Président de l’Assemblée régionale.
D. Éventuelles poursuites des auteurs de crimes
Sur le plan de la justice, l’accord prévoit la création d’une commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur tous les crimes de guerre, les crimes contre l’Humanité, les crimes de génocide, les crimes sexuels et les autres violations graves du Droit international, des Droits de l’homme et du Droit international humanitaire sur tout le territoire malien. Le document réaffirme le caractère imprescriptible des crimes de guerre et crime contre l’humanité. De même qu’il n’y aura aucune amnistie pour les auteurs de ces crimes. C’est sans doute l’une des raisons qui peut expliquer ce refus de signer par les séparatistes, car ils savent les casseroles qu’ils trainent. Il convient de noter que la signature de cet accord est prévue à la fin de ce mois à Bamako. Mais le plus dur reste cependant la matérialisation de ce document et les sanctions pour ceux qui ne les respecteraient pas. Reste aussi à savoir quelle sera la conduite des séparatistes qui ont refusé de le signer.
II.Une portée problématique
L’accord [1] d’Alger semble être un accord mort né. Le texte du 1er mars a été paraphé et non signé. La signature a été renvoyée à la fin du mois, ce qui permet à chaque partie impliquée de souffler et de prendre un bon recul vis-à-vis du texte. Son effectivité ne peut être garantie, ce d’autant plus que la CMA s’est réservée de le signer (A) et qu’il existe sur le terrain, une mosaïque d’acteurs (B) qui n’ont pas été impliqués dans les pourparlers d’Alger et qui, par conséquent, ne se sentent pas liés par une quelconque obligation.
A.La réserve de la CMA et ses conséquences sur l’effectivité de l’Accord
L’accord [1] de paix et de réconciliation du 1er mars 2015 n'a pas été paraphé par la Coordination des mouvements de l'Azawad, qui a demandé un "délai raisonnable" pour consulter les populations qu'elle représente, après avoir exigé en vain des amendements au texte final. La Coordination, qui comprend le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), a demandé un "délai raisonnable" pour consulter les populations qu'elle représente, après avoir exigé en vain des amendements au projet d'accord présenté cette semaine par l'Algérie. "Un accord non partagé avec les populations et les bases a peu de chances d'être appliqué sur le terrain", a expliqué à la tribune un de ses représentants. L’abstention du représentant de la coordination était justifiée par les pressions qu’il subissait de la part de sa base. En effet, plusieurs centaines de manifestants avaient défilé le même jour (1er mars) pour exprimer leur hostilité à un texte qui, selon des témoignages recueillis au téléphone par RFI, ne tient pas compte de leurs aspirations. Les manifestants ont demandé aux groupes rebelles de ne pas accepter cette proposition d'accord. Pour les pro-Azawad le texte n'intègre ni l'autonomie ni le fédéralisme. "Cet accord ne répond pas aux aspirations du peuple Azawad (appellation du nord du Mali par les rebelles), a déclaré à l'AFP un autre représentant de la Coordination, Almou Ag Mouhamed, précisant que celle-ci avait "apporté un certain nombre d'amendements politico-institutionnels et surtout de défense et de sécurité" au projet, sans obtenir de réponse.
La Coordination n'exclut pas de parapher le texte en cas d'approbation de la population, a indiqué à l'AFP un de ses porte-parole,Mohamed Ousmane Ag Mouhamedoun, se disant "optimiste quant à une signature dans quelques semaines au Mali".
1.Entre la médiation et la base : l’épée de Damoclès
La Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) se retrouve coincée entre la médiation et sa base sur le terrain. En effet, certains délégués étaient convaincus qu'un mauvais accord vaut mieux que pas d'accord du tout et se disent prêts à parapher, sans conviction. Les représentants de cette coordination subissaient les pressions de la part des médiateurs qui voulaient en finir et de leurs partisans sur le terrain qui veulent garder leur autonomie. Des manifestations ont eu lieu la veille dans plusieurs localités du nord du Mali, à Ber et à Kidal. Le texte proposé par la médiation a été brûlé à côté de l'arbre dit « de la Liberté », une place située près de l'aéroport de Kidal. Entre 400 et 500 personnes, selon plusieurs témoignages sur RFI, se sont rassemblées devant l'aéroport avant de prendre la direction du centre-ville. Les manifestants demandaient à leurs représentants partis à Alger de rentrer sans signer un texte qui ne correspond pas à leurs attentes. « Nous sommes venus manifester, car nous rejetons le projet d'accord qui est en train d'être signé à Alger parce qu'il n'y a pas de fédéralisme, explique à RFI un habitant de Kidal. On a reconnu le nom l'Azawad, mais en tant que simple nom. Notre révolution a commencé par l'indépendance de l'Azawad et on nous a demandé de renoncer à l'indépendance et maintenant qu'il n'y a pas de fédéralisme, nous ne signerons pas d'accord. Nous demandons à notre délégation à Alger de rentrer et de ne rien signer. » « Ce texte ne parle ni de fédéralisme ni d'autonomie, déplore un autre joint au téléphone, il n'y a que le Mali que ça arrange ! » « Il ne faut pas accepter cet accord, il faut trouver une meilleure solution, clame cet autre manifestant, nos représentants doivent quitter les négociations, ils doivent partir d'Alger et rentrer à Kidal. » « L'Algérie veut nous tordre le bras, poursuit ce militant du MNLA, l'Algérie veut coûte que coûte valider son accord ».
Les manifestants ont finalement eu gain de cause, puisque les représentants de la CMA ont demandé et obtenu un délai pour expliquer le texte à leurs populations. Il est évident que s’ils avaient paraphé, ils n’auraient pu regagner leur domicile et l’accord n’aurait par conséquent produit aucun effet.
2.Convaincre la base : Difficile épreuve et espoir
La CMA a demandé un délai supplémentaire à la médiation pour aller expliquer le texte aux militants et aux responsables militaires. Samedi soir, des officiels algériens confirmaient la tenue de la cérémonie de clôture des négociations pour dimanche matin. Dès le 02 mars, les délégués de la CMA devaient retourner dans leurs fiefs du nord malien pour tenter de convaincre une société civile opposée à un projet qui ne parle ni d'autonomie ni de fédéralisme. Malgré cette épée de Damoclès suspendue au-dessus du nouvel accord, les discours se veulent rassurants, tant du côté de la médiation algérienne que dans les rangs de la Coordination. Selon Ramtane Lamamra, le texte sera paraphé "par toutes les parties" et le délai demandé exprime "l'ambition d'obtenir le maximum de soutien" au texte et non une volonté de s'en "désolidariser". De son côté, Mohamed Ousmane Ag Mouhamedoun, un des porte-paroles de la Coordination, a expliqué que les non-signataires n'excluaient pas de parapher le texte en cas d'approbation de la population, se disant même "optimiste quant à une signature dans quelques semaines au Mali".
3. Introduction d’une partition implicite du pays
A Bamako, des organisations de la société civile, comme le Collectif des ressortissants du nord, l’Association des ressortissants de Goundam, des politiques à l’instar de la Cnas-FH de l’ancien Premier ministre Soumana Sako et des Maliens qui ont pris d’assaut les réseaux sociaux ont dénoncé l’accord issu des pourparlers comme étant une mise en œuvre du projet de partition du Mali. Ainsi pour Soumana Sako dont le parti rejette l’accord, il s’agit d’un instrument qui viole la Constitution du 12 janvier 1992, proposant un système confédéral sous le couvert délibérément trompeur de « régionalisation » dans un pays qui n’a pas pu réussir la décentralisation, sapant l’unité nationale ainsi que le caractère républicain, laïc et unitaire de notre Etat, affaiblissant davantage l’Etat central, n’organisant pas le désarmement des groupes armés et la sanction des graves crimes de guerre commis dans le Nord, cautionnant la vassalisation et la perte de souveraineté de notre pays, déstructurant nos Forces Armées et de Sécurité et créant les conditions d’une mise en cause de l’intégrité territoriale du Mali. A titre d’illustration, dit-il, « autoriser les cadis dans la distribution de la justice est une claire violation de la laïcité de l’Etat, tandis qu’amener les soit disant autorités traditionnelles, institutions sociales à légitimité variable, à siéger dans les institutions de l’Etat est une attaque frontale contre la République et une tentative de ramener l’ordre colonial dont notre Peuple a tant souffert ».
Selon des observateurs, l’accord introduit une inégalité entre nord et sud, entre les régions, des considérations contraires à la constitution dans son article 2 qui stipule: « tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ». Ce document d’Alger comme les 4 autres précédents consacrent la suprématie de certaines régions (et ethnies) par rapport à d’autres. Le manque d’infrastructures (sanitaires, scolaires, routières, etc.) est une réalité partout au Mali; et ne peut être réglé que dans une approche globale; pas favoriser une partie du pays par rapport à une autre. « Si cet accord est paraphé alors je suis convaincu que Sikasso, Kayes ou Ségou se rappelleront aussi qu’ils ont un besoin accru d’infrastructures. Si on donne 30% des recettes budgétaires à 10% des Maliens, alors quelle part doit être réclamée par les 50% de la population que ces 3 régions représentent? », indique un internaute. « Mais contrairement aux rebelles, le gouvernement n’arrive toujours pas à faire sa propre proposition écrite, claire et nette. Quand l’opposition a proposé de l’aider à écrire ce document, le gouvernement a tout fait pour saboter ce processus qui aurait au minimum mit sur la table un plan Malien pour résoudre le problème. Il est temps de remercier les Algériens pour le travail qu’ils ont fait, pour l’esprit de fraternité dont ils ont fait preuve; mais il faut à tout prix éviter un ‘Alger 6′. Il faut commencer d’abord par consolider l’accord de cessez-le-feu et éviter d’autres conflits (ou sources de conflits) dans les mois qui viennent, ajoutent des internautes.
4.Vers la signature du texte à la fin du mois ?
Une cérémonie de signature officielle de cet accord de paix est prévue fin mars à Bamako. Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, chef de la délégation gouvernementale à Alger, s'est dit convaincu "que la signature aura lieu dans quelques semaines". Le Premier ministre, Modibo Keïta, a pour sa part appelé les groupes rebelles à franchir le pas pour "construire l'édifice de la paix, du développement juste équilibré". "Le projet d'accord soumis aux parties n'est certes pas parfait, mais il constitue un compromis que nous pouvons accepter tout en restant vigilants quant à sa mise en œuvre", a-t-il indiqué. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, chef de file de la médiation internationale, a qualifié cet accord, dont l'accouchement a nécessité huit mois de laborieux pourparlers, de "boussole crédible et efficace vers la paix". Après cinq rounds de négociations, entamés en juillet 2014 à Alger, "les négociations sont terminées", a déclaré le porte-parole de la médiation algérienne. Un échec serait synonyme d'une nouvelle impasse, et donc d'une nouvelle crise dans un Nord du Mali de plus en plus en proie aux divisions tribales inter-touarègues et aux trafics de toutes sortes.
B. Insécurité grandissante et présence de nombreux acteurs non signataires de l’accord
Il règne dans le nord Mali une insécurité qui ne permet à personne d’être à l’abri d’une éventuelle attaque. Atomisé en groupes armés aux allégeances mouvantes, toujours à la merci de la menace jihadiste, gangréné par le narcotrafic, le nord du Mali ne connaîtra la paix que par la réconciliation entre toutes ses composantes et un accord avec Bamako, selon des spécialistes. Le Conseil de sécurité de l'ONU a exhorté la rébellion à dominante touareg à imiter le gouvernement malien et ses alliés en paraphant l'accord de paix annoncé le 1er mars à Alger, sur lequel elle a demandé un délai pour consulter sa base.
1.Une mosaïque de groupes armés
Les négociations d’Alger n’intégraient que quelques groupes armés du nord Mali. L’accord paraphé le 1er mars 2015 parle d’ailleurs de la République du Mali et Mouvements signataires de la Feuille de route du 24 juillet 2014. Or il en existe plusieurs cependant. En effet, depuis 2012, incapable de tenir le septentrion, l'armée a déserté les villes de la zone et a laissé milices et trafiquants faire régner leur loi. Une multiplication d'acteurs qui complique les négociations entre les partisans d'un pays unifié et les irrédentistes. Il ne se passe une semaine au Mali sans que des exactions soient commises dans le nord du pays. Si en 2012, il était possible d’identifier les groupes armés actifs dans le nord du pays, il est de plus en plus difficile d’attribuer un acte à un quelconque groupe, ce d’autant plus que les membres des mouvements comme le MNLA sont assassinés. Les Forces armées du Mali (Fama) sont absentes d'une grande partie du septentrion. Elles ont déserté Kidal, le fief des rebelles, ainsi qu'un grand nombre de localités situées au nord du fleuve Niger et dont certaines revêtent une importance stratégique : Ber, Djebock, Anéfis, Aguelhok, Tabankort... À Tessalit et à Ménaka, les soldats maliens sont là, mais ils ne peuvent sortir du camp où ils sont cantonnés. Les seules villes du Nord dans lesquelles l'armée est en mesure de jouer un rôle sont Tombouctou, Gao, Ansongo et Bourem. Quant aux immenses étendues désertiques, elle n'y a toujours pas mis les pieds. "La drogue a complètement gangréné cette zone", souligne-t-il, attribuant un poids essentiel dans les scissions et les fortunes guerrières des différents groupes à l'appui des narcotrafiquants qui contrôlent les routes de transit de la cocaïne, fluctuant au gré des calculs d'opportunité. Selon lui, les récents combats meurtriers autour de Tabankort, à mi-chemin entre le fief rebelle de Kidal et Gao, contrôlé par des forces favorables à Bamako, qui ont même éclipsé les attaques jihadistes, visaient essentiellement à contrôler ce point de passage dans la vallée stratégique du Tilemsi, convoité par tous les trafiquants.
S'y ajoute une "question tribale" entre clans rivaux, le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) constituant le gros des troupes progouvernementales, précise Mohamed Ag Mahamoud, directeur général de l'Agence gouvernementale de développement du Nord-Mali(ADN), et ancien rebelle. Entre communautés, les tensions sont importantes, comme entre les groupes qui affirment les représenter (on ne dispose d’aucun outil pour mesurer le degré exact de soutien aux groupes armés).
2. Émiettement orchestré des groupes armés
L’absence de contrôle du territoire du nord par l’armée malienne a profité aux rebelles et aux trafiquants qui, après avoir réduit la voilure, sont réapparus et auxquels "le Nord est abandonné", admet une source sécuritaire. Des Peuls ont annoncé à leur tour la création du Front de libération du Macina, un groupe armé aux objectifs flous. Pour ne pas laisser les groupes rebelles imposer leur loi dans les territoires abandonnés par ses troupes, le Gouvernement malien a orchestré l'émergence du Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia). Le pouvoir de Bamako a également oeuvré à la scission du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), aujourd'hui disloqué en deux branches. La première, baptisée MAA-Bamako, soutient l'intégrité territoriale du pays. Elle est dirigée par des hommes qui ont leurs entrées dans les ministères et se bat aux côtés du Gatia et des milices dites sédentaires (Ganda Koy et Ganda Izo). La seconde, surnommée MAA-MNLA, défend l'autonomie de l'Azawad et a passé une alliance avec les rebelles touaregs. Cette politique de division est pourtant dangereuse car elle émiette les groupes armés et favorise une incontrôlable dissémination des armes. Depuis plusieurs mois d’ailleurs, des combats opposent ces deux camps dans le Nord. D'un côté, la Plateforme des mouvements d'autodéfense - qui regroupe le Gatia, le MAA-Bamako et les "sédentaires" - souvent qualifiée de "loyaliste". De l'autre, la Coordination des mouvements de l'Azawad, irrédentiste - qui réunit le MNLA, le MAA-MNLA et le Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA). Depuis le mois de juillet, la Coordination et la Plateforme se disputent dans le sang des localités stratégiques. L’accord d’Alger ne fait pas allusion à cette situation qui, pourtant le fragilise à plusieurs égards.
Un accord trouvé ne signifie pas une paix retrouvée au nord Mali. La route vers une paix durable est encore longue et parsemée d'embûches.
Les négociations d’Alger entre les parties maliennes ont abouti le 1er mars 2015 à un accord de paix et de réconciliation, [1] paraphé par le gouvernement malien et quelques mouvements armés loyalistes. Un accord a pu être obtenu, couronnant les cinq rounds de pourparlers inter-Maliens d’Alger conformément à la feuille de route établie depuis la phase initiale qui s’est tenue en juillet 2014. Six groupes ont participé aux cinq cycles de négociation depuis juillet 2014: le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), le Mouvement arabe de l'Azawad-dissident (MAA-dissident), la Coordination pour le peuple de l'Azawad (CPA) et la Coordination des Mouvements et fronts patriotiques de résistance (CM-FPR). Étaient exclus des négociations les groupes liés à Al-Qaïda qui, à un moment alliés du MNLA, ont occupé pendant plus de neuf mois le Nord du Mali avant d'en être partiellement chassés par l'intervention lancée par la France. Après avoir remis un texte d’accord mercredi soir, les médiateurs (l’Algérie, la CEDEAO, l’Union africaine, les Nations unies, l’Union européenne, Organisation de la coopération islamique, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria et Tchad) ont refusé tout amendement et ont maintenu la cérémonie de paraphe malgré la demande d’un report de 72h exprimée par la CMA.
L’accord du 1er mars 2015 [1] prévoit la promotion d’une véritable réconciliation nationale, la reconstruction de l’unité nationale du Mali sur des bases novatrices, qui respectent son intégrité territoriale, tiennent compte de sa diversité ethnique et culturelle, ainsi que de ses spécificités géographiques et socio-économiques. De même qu’il met l’accent sur la nécessité d’accélérer le développement économique et la restauration sans délai de la sécurité. Il insiste, en outre, sur la promotion durable de la paix et de la stabilité au Mali ainsi que la matérialisation des règles de bonne gouvernance, de transparence dans la gestion, de respect des droits de l’homme, de la justice et de lutte contre l’impunité. Cet accord reconnait également l’impératif de la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.
L’accord [1] a été présenté par le ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra comme ayant "valeur d'une boussole crédible et efficace vers la paix". Il a rassuré qu’il sera paraphé par toutes les parties, alors même que le texte n'a pour l'instant pas reçu l'approbation de la Coordination des mouvements de l'Azawad, qui regroupe plusieurs groupes rebelles comme le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). Cette Coordination a en effet demandé un "délai raisonnable" en vue de consulter les populations qu'elle représente car un "accord non partagé avec les populations" a "peu de chance d'être appliqué sur le terrain", a expliqué à la tribune un de ses représentants. En dépit des assurances de M. Lamamra, sur la fin des négociations et l’optimisme affiché par rapport à la signature prochaine de l’accord par la CMA, il y a lieu de s’interroger sur la portée réelle d’un tel accord. Il est évident que les groupes armés du nord qui ont paraphé le texte d’Alger ont été institués par le Gouvernement malien, dans le but de diviser la rébellion et de mieux la contrôler. Il est aussi vrai que cette division risque de faire perdurer une guerre qui a déjà fait souffrir de nombreux maliens et qui, pour l’instant, ne profite à aucune des parties impliquées.
Le document est le résultat de huit mois de laborieuses négociations. Cet accord est sensé mettre un terme aux négociations débutées en juillet 2014 à Alger. Que contient cet accord et quelle peut être sa portée ? Telles sont les questions auxquelles tente de répondre la présente analyse.
I.Le contenu de l’accord paraphé
L’accord [1] paraphé à Alger le 1er mars 2015, par le gouvernement malien et les groupes armés du Nord du pays - à l'exception notable de ceux rassemblés sous la bannière de la Coordination des mouvements de l'Azawad qui regroupe les principaux groupes rebelles à dominante touarègue, dont le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) - prévoit deux dispositions majeures. La première est la création d’Assemblées régionales élues au suffrage universel direct et dotées de pouvoirs importants dans un délai de dix-huit mois, assortie d'une promesse de "plus grande représentation des populations du Nord au sein des institutions nationales". La seconde - déjà utilisée sans grande réussite par le passé - est l'intégration des combattants des mouvements du Nord dans l'armée malienne, y compris à des postes de commandement. Comme le souhaitaient les autorités maliennes, ce document de 30 pages et de 67 articles ne parlent ni d’autonomie, ni de fédéralisme. Bien au contraire, il réaffirme le respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son caractère laïc. C’est sans doute la principale raison du refus de le parapher par les séparatistes.
A.L’amélioration du cadre institutionnel et la réorganisation territoriale
Plusieurs dispositions de l’Accord d’Alger rendent prévisible une prochaine révision de la constitution malienne. Les Parties conviennent de mettre en place une architecture institutionnelle permettant aux populations du nord, dans un esprit de pleine citoyenneté participative, de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales (Article 6).
1.Les mesures de gouvernance
L’accord préconise une série de mesures destinées à obtenir une meilleure gouvernance pour un règlement définitif du conflit en tenant compte des spécificités locales. C’est ainsi qu’il prévoit : la mise en place d’une architecture institutionnelle fondée sur des Collectivités territoriales dotées d’organes élus au suffrage universel et de pouvoirs étendus; la gestion par les populations des régions concernées de leurs propres affaires sur la base du principe de la libre administration ; une plus grande représentation des populations du nord au sein des institutions nationales; le renforcement de l’État de droit en rapprochant la justice des justiciables; la mise en place d’un système de défense et de sécurité basé sur les principes d’unicité, d’inclusivité et de représentativité ; une participation active et significative des populations, en particulier celles du nord à la gestion de la sécurité locale ; un redéploiement progressif des forces armées et de sécurité reconstituées du Mali.
Comme le projet d’accord transmis aux délégations à l’issue du 4e round, il est également prévu la mise en place d’une Zone de Développement des Régions du Nord, dotée d’un Conseil consultatif interrégional et d’une Stratégie Spécifique de développement adaptée aux réalités socio– culturelles et géographiques ainsi qu’aux conditions climatiques. La Stratégie sera financée notamment par un Fonds pour le développement durable dont les ressources proviendront de sources publiques nationales et de contributions internationales.
En son temps, l’équipe gouvernementale, de retour du 4e round, avait organisé une conférence de presse pour dénoncer ce passage du document. En ce sens que de nombreux fonds ont été investis pour le développement des régions du nord du Mali, souvent au détriment du reste du pays. Mais, visiblement, cette doléance n’a pas eu une réponse favorable. Notons qu’après la signature de cet accord que l’équipe de médiation prévoit pour la fin de ce mois à Bamako, il est prévu l’ouverture d’une période intérimaire qui sera mise à profit pour le suivi et l’application de cet accord. Lequel aura le concours, le soutien et l’accompagnement de la Communauté internationale.
Le document paraphé prévoit également la mise en place d’une architecture institutionnelle permettant aux populations du nord de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales. C’est ainsi qu’il est prévu des Assemblées régionales dont les membres seront élus au suffrage universel direct. Le président de l’Assemblée est le chef de l’Exécutif et de l’administration de la région. De même qu’il est prévu de doter chaque cercle et commune d’organes délibérants également élus au suffrage universel.
2.Plus de pouvoir aux régions mais sans autonomie
Un autre fait que certains avaient dénoncé : il est reconnu à chaque région le droit d’adopter la dénomination officielle de son choix dans le cadre des dispositions relatives au statut juridique et fonctionnement des régions. En clair, l’appellation » Azawad » peut toujours revenir. Il sera également procéder à la mise en place d’une deuxième chambre parlementaire sous la dénomination de Sénat. Alors que ce système est très décrié dans plusieurs pays africains, car une telle chambre est jugée budgétivore, onéreuse, inopportune et inutile. En ces temps de crise économique mondiale, on voit très mal son opportunité à sortir le Mali du gouffre. L’accord [1] souligne la nécessité d’une plus grande représentation des populations notamment celles du nord à l’Assemblée nationale et éventuellement, l’augmentation du nombre de circonscriptions électorales. Il souhaite également l’élargissement du Haut Conseil des collectivités aux représentants des notabilités traditionnelles, aux femmes et aux jeunes. Et, comme si ce n’était pas le cas, il prévoit d’assurer une meilleure représentation des ressortissants du septentrion dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de la République.
3.Le renvoi controversé à l’« Azawad »
Le terme « Azawad » est présent dans l’accord [1] d’Alger. Certes, la reconnaissance géographique a été mise de côté. Par contre, on lui attribue une « réalité socioculturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du nord du Mali ». Cependant, certains redoutent que cela ne constitue une brèche dans laquelle les séparatistes vont s’engouffrer pour réclamer leur indépendance. A l’évidence, cette idée n’est toujours pas abandonnée au regard même de la réaction des séparatistes qui ont refusé son paraphe et certains de leurs partisans qui manifestent violemment leur mécontentement dans des localités du nord comme Kidal, Ber, Ansogo, etc.
Ledit document prévoit l’organisation de conférences d’entente nationale afin de débattre des causes des crises cycliques au nord du Mali. Ce qui permettra la compréhension de l’appellation de l’ « Azawad » et d’autres raisons de ces crises dans le septentrion du Mali. De même qu’il appelle à l’élaboration d’une « charte pour la Paix, l’Unité et la réconciliation nationale en vue de prendre en charge les dimensions mémorielle, identitaire et historique de la crise malienne et sceller son unité nationale et son intégrité territoriale. »
4.Le financement du programme
Comme le préaccord issu du 4e round, le financement de ce vaste programme est encore dédié à l’État. Et, ce sont toujours les communautés du nord qui ont la part belle. Ainsi, d’ici 2018, l’État doit mettre en place un mécanisme de transfert de 30% des recettes budgétaires de l’État aux collectivités sur la base d’un système de péréquation, avec une attention particulière pour les régions du nord, selon des critères à déterminer. De même qu’il est appelé à rétrocéder aux collectivités territoriales concernées un pourcentage des revenus issus de l’exploitation, sur leur territoire, de ressources naturelles, notamment minières, selon des critères à définir d’un commun accord.
B.Les questions de défense et de sécurité exclusivement réservées à l’Etat
La défense et la sécurité du pays ne seront donc pas sous-traitées. C’est en tout cas ce qui ressort de l’accord de paix et de réconciliation nationale. Ainsi, il est prévu un redéploiement progressif des forces armées et de sécurité reconstituées. L’unicité des forces armées et de sécurité relève organiquement et hiérarchiquement de l’Etat central. Et, comme si ce n’est pas le cas, elles doivent être inclusives et représentatives. S’agissant du processus de Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion (DDD) outre le soutien de la MINUSMA pour sa mise en œuvre, il est prévu de mettre en place une commission nationale comprenant les représentants du gouvernement et les groupes armés signataires. Ils travailleront en étroite collaboration avec le Comité de suivi du présent accord. Dans ce cas, les regards se porteront sur les combattants ayant du sang sur les mains et multirécidivistes. Seront-ils réintégrés dans les rangs des forces armées et de défense sans être jugés ? Les populations victimes pardonneront-elles les préjudices subis ? Autant de questions que l’accord laissent en suspens. Autre fait que certains pourront aussi condamner, » les forces redéployées devront inclure un nombre significatif de personnes originaires des régions du nord, y compris dans le commandement, de façon à conforter le retour de la confiance et faciliter la sécurisation progressive de ces régions « . L’accord souligne également la nécessité d’entreprendre une réforme du secteur de la sécurité (RSS) en tirant les leçons des expériences passées et en s’appuyant sur les documents pertinents de l’Union africaine et de l’ONU. Il sera également procédé à la mise en place d’un Conseil national pour la RSS suffisamment représentatif et des capacités issues des différentes communautés. Par ailleurs, des polices locales placées sous l’autorité des Collectivités territoriales seront aussi créées. De même que des comités consultatifs locaux de sécurité (CCLS) regroupant les représentants de l’Etat, des autorités régionales et locales, des communautés et des autorités traditionnelles, seront mis en place et placés sous l’autorité du chef de l’exécutif local.
C.Création d’une zone de développement des régions du nord
Visiblement, la requête de la partie gouvernementale sur l’inopportunité de cette zone n’a pas été entendue. En effet, celle-ci sera du ressort exclusif des Assemblées régionales concernées et chargées de la coordination des efforts de la mutualisation des moyens en vue d’accélérer le développement socio-économique locales et d’autres questions connexes. Il sera ainsi procédé à la mise en place d’une Stratégie spécifique destinée à hisser les régions du nord au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs de développement. Ce, dans un délai n’excédant pas une période de 10 à 15 ans. De même qu’il est prévu des missions auprès de grandes institutions et organisations financières qui seront appelées à accompagner cette stratégie.
Deux mois après l’élaboration de cette dernière, une conférence d’appel de fonds, similaire à celle de Bruxelles en 2013, sera organisée pour appuyer le développement des régions du nord à travers un fonds dit pour le développement durable. Il sera également créé une Agence de développement régional pour renforcer la capacité de maitrise d’ouvrage des régions et permettre un suivi approprié de la mise en œuvre des engagements pris par le gouvernement en faveur des régions. L’Agence fait partie de l’administration régionale et sera placée sous l’autorité du Président de l’Assemblée régionale.
D. Éventuelles poursuites des auteurs de crimes
Sur le plan de la justice, l’accord prévoit la création d’une commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur tous les crimes de guerre, les crimes contre l’Humanité, les crimes de génocide, les crimes sexuels et les autres violations graves du Droit international, des Droits de l’homme et du Droit international humanitaire sur tout le territoire malien. Le document réaffirme le caractère imprescriptible des crimes de guerre et crime contre l’humanité. De même qu’il n’y aura aucune amnistie pour les auteurs de ces crimes. C’est sans doute l’une des raisons qui peut expliquer ce refus de signer par les séparatistes, car ils savent les casseroles qu’ils trainent. Il convient de noter que la signature de cet accord est prévue à la fin de ce mois à Bamako. Mais le plus dur reste cependant la matérialisation de ce document et les sanctions pour ceux qui ne les respecteraient pas. Reste aussi à savoir quelle sera la conduite des séparatistes qui ont refusé de le signer.
II.Une portée problématique
L’accord [1] d’Alger semble être un accord mort né. Le texte du 1er mars a été paraphé et non signé. La signature a été renvoyée à la fin du mois, ce qui permet à chaque partie impliquée de souffler et de prendre un bon recul vis-à-vis du texte. Son effectivité ne peut être garantie, ce d’autant plus que la CMA s’est réservée de le signer (A) et qu’il existe sur le terrain, une mosaïque d’acteurs (B) qui n’ont pas été impliqués dans les pourparlers d’Alger et qui, par conséquent, ne se sentent pas liés par une quelconque obligation.
A.La réserve de la CMA et ses conséquences sur l’effectivité de l’Accord
L’accord [1] de paix et de réconciliation du 1er mars 2015 n'a pas été paraphé par la Coordination des mouvements de l'Azawad, qui a demandé un "délai raisonnable" pour consulter les populations qu'elle représente, après avoir exigé en vain des amendements au texte final. La Coordination, qui comprend le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), a demandé un "délai raisonnable" pour consulter les populations qu'elle représente, après avoir exigé en vain des amendements au projet d'accord présenté cette semaine par l'Algérie. "Un accord non partagé avec les populations et les bases a peu de chances d'être appliqué sur le terrain", a expliqué à la tribune un de ses représentants. L’abstention du représentant de la coordination était justifiée par les pressions qu’il subissait de la part de sa base. En effet, plusieurs centaines de manifestants avaient défilé le même jour (1er mars) pour exprimer leur hostilité à un texte qui, selon des témoignages recueillis au téléphone par RFI, ne tient pas compte de leurs aspirations. Les manifestants ont demandé aux groupes rebelles de ne pas accepter cette proposition d'accord. Pour les pro-Azawad le texte n'intègre ni l'autonomie ni le fédéralisme. "Cet accord ne répond pas aux aspirations du peuple Azawad (appellation du nord du Mali par les rebelles), a déclaré à l'AFP un autre représentant de la Coordination, Almou Ag Mouhamed, précisant que celle-ci avait "apporté un certain nombre d'amendements politico-institutionnels et surtout de défense et de sécurité" au projet, sans obtenir de réponse.
La Coordination n'exclut pas de parapher le texte en cas d'approbation de la population, a indiqué à l'AFP un de ses porte-parole,Mohamed Ousmane Ag Mouhamedoun, se disant "optimiste quant à une signature dans quelques semaines au Mali".
1.Entre la médiation et la base : l’épée de Damoclès
La Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) se retrouve coincée entre la médiation et sa base sur le terrain. En effet, certains délégués étaient convaincus qu'un mauvais accord vaut mieux que pas d'accord du tout et se disent prêts à parapher, sans conviction. Les représentants de cette coordination subissaient les pressions de la part des médiateurs qui voulaient en finir et de leurs partisans sur le terrain qui veulent garder leur autonomie. Des manifestations ont eu lieu la veille dans plusieurs localités du nord du Mali, à Ber et à Kidal. Le texte proposé par la médiation a été brûlé à côté de l'arbre dit « de la Liberté », une place située près de l'aéroport de Kidal. Entre 400 et 500 personnes, selon plusieurs témoignages sur RFI, se sont rassemblées devant l'aéroport avant de prendre la direction du centre-ville. Les manifestants demandaient à leurs représentants partis à Alger de rentrer sans signer un texte qui ne correspond pas à leurs attentes. « Nous sommes venus manifester, car nous rejetons le projet d'accord qui est en train d'être signé à Alger parce qu'il n'y a pas de fédéralisme, explique à RFI un habitant de Kidal. On a reconnu le nom l'Azawad, mais en tant que simple nom. Notre révolution a commencé par l'indépendance de l'Azawad et on nous a demandé de renoncer à l'indépendance et maintenant qu'il n'y a pas de fédéralisme, nous ne signerons pas d'accord. Nous demandons à notre délégation à Alger de rentrer et de ne rien signer. » « Ce texte ne parle ni de fédéralisme ni d'autonomie, déplore un autre joint au téléphone, il n'y a que le Mali que ça arrange ! » « Il ne faut pas accepter cet accord, il faut trouver une meilleure solution, clame cet autre manifestant, nos représentants doivent quitter les négociations, ils doivent partir d'Alger et rentrer à Kidal. » « L'Algérie veut nous tordre le bras, poursuit ce militant du MNLA, l'Algérie veut coûte que coûte valider son accord ».
Les manifestants ont finalement eu gain de cause, puisque les représentants de la CMA ont demandé et obtenu un délai pour expliquer le texte à leurs populations. Il est évident que s’ils avaient paraphé, ils n’auraient pu regagner leur domicile et l’accord n’aurait par conséquent produit aucun effet.
2.Convaincre la base : Difficile épreuve et espoir
La CMA a demandé un délai supplémentaire à la médiation pour aller expliquer le texte aux militants et aux responsables militaires. Samedi soir, des officiels algériens confirmaient la tenue de la cérémonie de clôture des négociations pour dimanche matin. Dès le 02 mars, les délégués de la CMA devaient retourner dans leurs fiefs du nord malien pour tenter de convaincre une société civile opposée à un projet qui ne parle ni d'autonomie ni de fédéralisme. Malgré cette épée de Damoclès suspendue au-dessus du nouvel accord, les discours se veulent rassurants, tant du côté de la médiation algérienne que dans les rangs de la Coordination. Selon Ramtane Lamamra, le texte sera paraphé "par toutes les parties" et le délai demandé exprime "l'ambition d'obtenir le maximum de soutien" au texte et non une volonté de s'en "désolidariser". De son côté, Mohamed Ousmane Ag Mouhamedoun, un des porte-paroles de la Coordination, a expliqué que les non-signataires n'excluaient pas de parapher le texte en cas d'approbation de la population, se disant même "optimiste quant à une signature dans quelques semaines au Mali".
3. Introduction d’une partition implicite du pays
A Bamako, des organisations de la société civile, comme le Collectif des ressortissants du nord, l’Association des ressortissants de Goundam, des politiques à l’instar de la Cnas-FH de l’ancien Premier ministre Soumana Sako et des Maliens qui ont pris d’assaut les réseaux sociaux ont dénoncé l’accord issu des pourparlers comme étant une mise en œuvre du projet de partition du Mali. Ainsi pour Soumana Sako dont le parti rejette l’accord, il s’agit d’un instrument qui viole la Constitution du 12 janvier 1992, proposant un système confédéral sous le couvert délibérément trompeur de « régionalisation » dans un pays qui n’a pas pu réussir la décentralisation, sapant l’unité nationale ainsi que le caractère républicain, laïc et unitaire de notre Etat, affaiblissant davantage l’Etat central, n’organisant pas le désarmement des groupes armés et la sanction des graves crimes de guerre commis dans le Nord, cautionnant la vassalisation et la perte de souveraineté de notre pays, déstructurant nos Forces Armées et de Sécurité et créant les conditions d’une mise en cause de l’intégrité territoriale du Mali. A titre d’illustration, dit-il, « autoriser les cadis dans la distribution de la justice est une claire violation de la laïcité de l’Etat, tandis qu’amener les soit disant autorités traditionnelles, institutions sociales à légitimité variable, à siéger dans les institutions de l’Etat est une attaque frontale contre la République et une tentative de ramener l’ordre colonial dont notre Peuple a tant souffert ».
Selon des observateurs, l’accord introduit une inégalité entre nord et sud, entre les régions, des considérations contraires à la constitution dans son article 2 qui stipule: « tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ». Ce document d’Alger comme les 4 autres précédents consacrent la suprématie de certaines régions (et ethnies) par rapport à d’autres. Le manque d’infrastructures (sanitaires, scolaires, routières, etc.) est une réalité partout au Mali; et ne peut être réglé que dans une approche globale; pas favoriser une partie du pays par rapport à une autre. « Si cet accord est paraphé alors je suis convaincu que Sikasso, Kayes ou Ségou se rappelleront aussi qu’ils ont un besoin accru d’infrastructures. Si on donne 30% des recettes budgétaires à 10% des Maliens, alors quelle part doit être réclamée par les 50% de la population que ces 3 régions représentent? », indique un internaute. « Mais contrairement aux rebelles, le gouvernement n’arrive toujours pas à faire sa propre proposition écrite, claire et nette. Quand l’opposition a proposé de l’aider à écrire ce document, le gouvernement a tout fait pour saboter ce processus qui aurait au minimum mit sur la table un plan Malien pour résoudre le problème. Il est temps de remercier les Algériens pour le travail qu’ils ont fait, pour l’esprit de fraternité dont ils ont fait preuve; mais il faut à tout prix éviter un ‘Alger 6′. Il faut commencer d’abord par consolider l’accord de cessez-le-feu et éviter d’autres conflits (ou sources de conflits) dans les mois qui viennent, ajoutent des internautes.
4.Vers la signature du texte à la fin du mois ?
Une cérémonie de signature officielle de cet accord de paix est prévue fin mars à Bamako. Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, chef de la délégation gouvernementale à Alger, s'est dit convaincu "que la signature aura lieu dans quelques semaines". Le Premier ministre, Modibo Keïta, a pour sa part appelé les groupes rebelles à franchir le pas pour "construire l'édifice de la paix, du développement juste équilibré". "Le projet d'accord soumis aux parties n'est certes pas parfait, mais il constitue un compromis que nous pouvons accepter tout en restant vigilants quant à sa mise en œuvre", a-t-il indiqué. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, chef de file de la médiation internationale, a qualifié cet accord, dont l'accouchement a nécessité huit mois de laborieux pourparlers, de "boussole crédible et efficace vers la paix". Après cinq rounds de négociations, entamés en juillet 2014 à Alger, "les négociations sont terminées", a déclaré le porte-parole de la médiation algérienne. Un échec serait synonyme d'une nouvelle impasse, et donc d'une nouvelle crise dans un Nord du Mali de plus en plus en proie aux divisions tribales inter-touarègues et aux trafics de toutes sortes.
B. Insécurité grandissante et présence de nombreux acteurs non signataires de l’accord
Il règne dans le nord Mali une insécurité qui ne permet à personne d’être à l’abri d’une éventuelle attaque. Atomisé en groupes armés aux allégeances mouvantes, toujours à la merci de la menace jihadiste, gangréné par le narcotrafic, le nord du Mali ne connaîtra la paix que par la réconciliation entre toutes ses composantes et un accord avec Bamako, selon des spécialistes. Le Conseil de sécurité de l'ONU a exhorté la rébellion à dominante touareg à imiter le gouvernement malien et ses alliés en paraphant l'accord de paix annoncé le 1er mars à Alger, sur lequel elle a demandé un délai pour consulter sa base.
1.Une mosaïque de groupes armés
Les négociations d’Alger n’intégraient que quelques groupes armés du nord Mali. L’accord paraphé le 1er mars 2015 parle d’ailleurs de la République du Mali et Mouvements signataires de la Feuille de route du 24 juillet 2014. Or il en existe plusieurs cependant. En effet, depuis 2012, incapable de tenir le septentrion, l'armée a déserté les villes de la zone et a laissé milices et trafiquants faire régner leur loi. Une multiplication d'acteurs qui complique les négociations entre les partisans d'un pays unifié et les irrédentistes. Il ne se passe une semaine au Mali sans que des exactions soient commises dans le nord du pays. Si en 2012, il était possible d’identifier les groupes armés actifs dans le nord du pays, il est de plus en plus difficile d’attribuer un acte à un quelconque groupe, ce d’autant plus que les membres des mouvements comme le MNLA sont assassinés. Les Forces armées du Mali (Fama) sont absentes d'une grande partie du septentrion. Elles ont déserté Kidal, le fief des rebelles, ainsi qu'un grand nombre de localités situées au nord du fleuve Niger et dont certaines revêtent une importance stratégique : Ber, Djebock, Anéfis, Aguelhok, Tabankort... À Tessalit et à Ménaka, les soldats maliens sont là, mais ils ne peuvent sortir du camp où ils sont cantonnés. Les seules villes du Nord dans lesquelles l'armée est en mesure de jouer un rôle sont Tombouctou, Gao, Ansongo et Bourem. Quant aux immenses étendues désertiques, elle n'y a toujours pas mis les pieds. "La drogue a complètement gangréné cette zone", souligne-t-il, attribuant un poids essentiel dans les scissions et les fortunes guerrières des différents groupes à l'appui des narcotrafiquants qui contrôlent les routes de transit de la cocaïne, fluctuant au gré des calculs d'opportunité. Selon lui, les récents combats meurtriers autour de Tabankort, à mi-chemin entre le fief rebelle de Kidal et Gao, contrôlé par des forces favorables à Bamako, qui ont même éclipsé les attaques jihadistes, visaient essentiellement à contrôler ce point de passage dans la vallée stratégique du Tilemsi, convoité par tous les trafiquants.
S'y ajoute une "question tribale" entre clans rivaux, le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) constituant le gros des troupes progouvernementales, précise Mohamed Ag Mahamoud, directeur général de l'Agence gouvernementale de développement du Nord-Mali(ADN), et ancien rebelle. Entre communautés, les tensions sont importantes, comme entre les groupes qui affirment les représenter (on ne dispose d’aucun outil pour mesurer le degré exact de soutien aux groupes armés).
2. Émiettement orchestré des groupes armés
L’absence de contrôle du territoire du nord par l’armée malienne a profité aux rebelles et aux trafiquants qui, après avoir réduit la voilure, sont réapparus et auxquels "le Nord est abandonné", admet une source sécuritaire. Des Peuls ont annoncé à leur tour la création du Front de libération du Macina, un groupe armé aux objectifs flous. Pour ne pas laisser les groupes rebelles imposer leur loi dans les territoires abandonnés par ses troupes, le Gouvernement malien a orchestré l'émergence du Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia). Le pouvoir de Bamako a également oeuvré à la scission du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), aujourd'hui disloqué en deux branches. La première, baptisée MAA-Bamako, soutient l'intégrité territoriale du pays. Elle est dirigée par des hommes qui ont leurs entrées dans les ministères et se bat aux côtés du Gatia et des milices dites sédentaires (Ganda Koy et Ganda Izo). La seconde, surnommée MAA-MNLA, défend l'autonomie de l'Azawad et a passé une alliance avec les rebelles touaregs. Cette politique de division est pourtant dangereuse car elle émiette les groupes armés et favorise une incontrôlable dissémination des armes. Depuis plusieurs mois d’ailleurs, des combats opposent ces deux camps dans le Nord. D'un côté, la Plateforme des mouvements d'autodéfense - qui regroupe le Gatia, le MAA-Bamako et les "sédentaires" - souvent qualifiée de "loyaliste". De l'autre, la Coordination des mouvements de l'Azawad, irrédentiste - qui réunit le MNLA, le MAA-MNLA et le Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA). Depuis le mois de juillet, la Coordination et la Plateforme se disputent dans le sang des localités stratégiques. L’accord d’Alger ne fait pas allusion à cette situation qui, pourtant le fragilise à plusieurs égards.
Un accord trouvé ne signifie pas une paix retrouvée au nord Mali. La route vers une paix durable est encore longue et parsemée d'embûches.
- Connectez-vous [2] ou inscrivez-vous [3] pour publier un commentaire
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire