L’accord de paix crée les conditions du dialogue
Conjurer la fragmentation au Mali
Plus de deux ans après l’intervention militaire française, le Mali peine à renouer avec la paix. Porteur d’espoir, l’accord d’Alger du 1er mars 2015 ouvre un espace pour le dialogue entre des communautés fragmentées dans un Etat en déshérence. Mais la volonté de négocier l’emportera-t-elle sur les dynamiques de conflit qu’attisent les trafics en tout genre et la raréfaction des ressources ?
Obtenu après huit mois et cinq rounds de négociations, l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali du 1er mars 2015 semble bien fragile. Sous l’égide de l’Algérie, la médiation internationale a mobilisé l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Union européenne, l’Union africaine, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’Organisation de la conférence islamique, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Pourtant, seuls le gouvernement malien et le Mouvement de la plate-forme du Nord-Mali, réunissant divers mouvements favorables à Bamako (1), ont, dans un premier temps, apposé leur signature. Il a fallu attendre jusqu’au 15 mai pour obtenir le paraphe de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), regroupant les mouvements rebelles qui plaident en faveur de l’autonomie de l’Azawad (2), et une négociation supplémentaire pour qu’elle finisse par signer l’accord d’Alger à Bamako le 20 juin. Depuis le début de 2015, les attaques des mouvements djihadistes — à Gao, mais aussi à Diabali, dans le centre du pays — ont fait une quarantaine de morts parmi les civils et les militaires maliens appuyés par les forces françaises de l’opération « Barkhane » (3).
Ces difficultés s’expliquent par les multiples dimensions de la crise malienne. Celle-ci ne concerne pas seulement la définition de nouveaux équilibres entre le Sud et le Nord, d’autant plus difficiles à atteindre que les violences de 2012-2013 ont laissé des traces profondes au sein des communautés. Elle révèle également les défis auxquels sont confrontées les populations du Nord.
Par le passé, les soulèvements réguliers emmenés par des chefs touaregs se terminaient par un accord de paix qui ne faisait qu’effleurer les problèmes, au risque d’entretenir, voire d’aggraver, les causes du malaise : on procédait à des cooptations-réintégrations au sein des structures nationales, auxquelles s’ajoutaient des promesses de subsides et de reconversions pour les troupes démobilisées (4).
Mais l’apparition d’un trafic de drogue générant d’importants revenus (5) et l’importation du djihadisme contribuent à transformer, à travers les prises d’otages et les rançons, les rapports de forces socio-économiques. Par ailleurs, grâce aux flux humains et commerciaux établis avec les Etats du Golfe, des associations caritatives diffusent des courants de pensée islamistes radicaux qui pénètrent peu à peu les sociétés sahéliennes. On assiste ainsi à une collusion d’intérêts et de convictions entre certaines élites du nord du Mali et les mouvements fondamentalistes terroristes : présence d’Ifoghas au sein d’Al-Mourabitoun et de Peuls dans le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Le tout sur fond d’Etat central affaibli — voire inexistant.
Les générations montantes ont capté les revenus illicites. Une classe de nouveaux riches proches des lignages dirigeants, mais impliquant des jeunes dépourvus de pouvoir politique, est rapidement apparue. Cela modifie les équilibres inter- et intracommunautaires et aiguise les tensions entre générations pour le contrôle du pouvoir. Une partie de la jeunesse du Nord échappe de plus en plus au contrôle social exercé par les chefs des tribus et des autres communautés qui composent le tissu social. Cette remise en question de l’aura des aînés résulte d’un long processus. Dès le début des années 1990, des jeunes arabes et touaregs se sont lancés dans des activités illicites dont les profits leur ont permis d’investir dans des compagnies de transport routier, d’acheter un nombreux cheptel, voire d’acquérir de riches propriétés. Ce bouleversement de l’ordre social engendre une inversion des valeurs comme le respect des aînés et de la pyramide sociale traditionnelle chère aux Touaregs.
La plupart des rébellions dans le nord du Mali ont été impulsées et dirigées depuis Kidal, où les clivages entre communautés s’accentuent. La classe guerrière des Ifoghas, qui domine la pyramide sociale touarègue (7), est aujourd’hui affectée par une double fracture. D’une part, l’aristocratie traditionnelle s’affronte à ses vassaux, les Imghads. De l’autre, de fortes tensions sont apparues au sein même des Ifoghas, après l’élection fin décembre d’un nouveau chef traditionnel, l’amenokal. Choisi par les sages pour succéder à son père, M. Mohamed Ag Intalla a pris position contre l’autonomie de la région, contrairement à son frère cadet et rival pour le poste, M. Alghabass Ag Intalla, ancien lieutenant de M. Iyad Ag Ghali, le chef rebelle islamiste d’Ansar Dine. Le nouvel amenokal, par ailleurs député du parti présidentiel, tente de concilier les aspirations autonomistes de certains chefs traditionnels avec le maintien du Nord dans l’ensemble malien, sans nécessairement se rallier ouvertement à l’accord d’Alger. Son frère cadet alterne pressions et séduction auprès des communautés locales afin d’obtenir leur ralliement à une option dure dans le cadre du processus d’Alger : convaincre la médiation de la nécessité de renégocier le texte issu dudit processus.
Sur le terrain, la compétition entre Ifoghas et Imghads pour le contrôle de l’espace touareg s’exprime par des violences opposant les membres de la CMA, qui défend les intérêts des Ifoghas, et le Groupe d’autodéfense touareg Imghads et alliés (Gatia), proche de la plate-forme qui a signé les accords. Cette milice bénéficierait du soutien tacite de certains cercles militaires maliens, notamment du général Ag Gamou, un Imghad connu pour son inimitié à l’égard de M. Ghali.
Une fragmentation analogue caractérise la région de Gao, où l’aristocratie arabe des Kountas combat la contestation de ses vassaux lamhars du Tilemsi pour le contrôle de la communauté. Cet affrontement se double, à l’instar de la lutte entre Ifoghas et Imghads, d’une concurrence pour la captation des trafics illicites. Les Lamhars du Tilemsi forment ainsi une partie des forces du Mujao, groupe islamiste radical qui attire également des Peuls, tant de Gao que d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest, en particulier le Nigeria et la Guinée — deux plaques tournantes du trafic de drogue. Le Mujao serait financé notamment par le commerce de la drogue avec l’Algérie, ce qui le met en concurrence avec certains mouvements touaregs et arabes.
Désemparé devant la fragmentation du Nord et déterminé à restaurer l’unité nationale, Bamako tente d’exploiter cette situation à son profit, ce qui complique les efforts visant à rétablir la paix. Depuis l’indépendance, en 1960, les deux parties du pays sont structurellement liées, non par une identité ethnique ou un dessein commun, mais par les flux qui les traversent, des confins de la Guinée à ceux de l’Algérie et de la Libye. Dans ce contexte mouvant, la revendication d’un Etat — concept jusqu’alors étranger à la tradition nomade — « azawadien » traduit surtout un processus de territorialisation qui transforme certaines parcelles utiles du nord du Mali en zones de convoitise. L’identité territoriale des « gens du Nord » se transforme, passant d’une conception libertaire (les grandes étendues du désert appartiennent à tous) à une approche patrimoniale.
En conséquence, pour surmonter les blocages et pacifier le Nord malien, les communautés doivent trouver de nouvelles dynamiques, soit par elles-mêmes, soit, si elles y consentent, avec un appui extérieur. Les Touaregs sont traditionnellement des éleveurs, des commerçants et des guerriers. Leur société a montré une forte résilience pendant la période coloniale et durant les premières décennies de l’indépendance. Leurs valeurs ancestrales et leur identité sont aujourd’hui mises à mal par les effets conjugués de la mondialisation et du changement climatique. Dès lors, comment ces communautés doivent-elles se transformer pour retrouver l’équilibre vital sans lequel toute paix est illusoire ?
Par ailleurs, les liens entre les Touaregs et les autres communautés du Nord sont en recomposition. Traditionnellement, ils étaient déjà complexes, en particulier entre nomades et sédentaires. Les Peuls, les Arabes et les Songhaïs nourrissent une certaine méfiance envers les tentations hégémoniques des Touaregs. Loin de représenter la majorité, ces derniers se trouvent cependant aux avant-postes de la revendication autonomiste au sein de la Coordination. Comment ces liens pourront-ils s’adapter au nouvel environnement afin de créer une société apte à produire un compromis national ? En d’autres termes, comment les communautés du Nord pourront-elles sceller leur unité autour d’un projet acceptable pour Bamako ?
La crise requiert une thérapie en deux temps : d’abord, une clarification de la scène nord-malienne, ce qui permettra l’arrivée à la table des négociations de figures représentatives, munies de revendications claires et reflétant un consensus ; ensuite, la recherche d’un règlement inclusif et durable. L’accord d’Alger tente de mener simultanément ces deux séquences. Cette innovation constitue l’originalité du texte, qui apparaît comme le meilleur point de départ possible d’un processus de réconciliation durable.
En tout état de cause, la conclusion de l’accord d’Alger ne constitue qu’une étape d’un long processus de réconciliation nationale. Entamé durant l’été 2014, ce processus s’est assigné l’objectif de s’attaquer aux causes profondes du conflit, démarche indispensable si l’on veut mettre fin au cycle perpétuel rébellion-réconciliation-rébellion en cours depuis l’indépendance du Mali. Le fait qu’il confie l’examen de ces causes à une conférence d’entente nationale (CEN) organisée durant la période intérimaire (dans un délai de dix-huit à vingt-quatre mois après la signature de l’accord) et composée « sur la base d’une représentation équitable des parties » confirme la complexité de la crise malienne, qui ne peut être résolue à court terme.
L’accord d’Alger crée le cadre idoine pour le travail de recomposition nationale. A terme, la CEN doit adopter une charte pour la paix censée entériner une réconciliation durable. Par ailleurs, sont prévues la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, une commission de lutte contre la corruption, ainsi qu’une commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur tous les crimes (atteintes au droit de la guerre, génocide, viols, crimes contre l’humanité), et autres violations graves du droit international commises sur le territoire malien.
Tout en faisant preuve de patience, la médiation internationale doit entretenir une dynamique de dialogue, non seulement entre les communautés du Nord et les autorités de Bamako, mais aussi et surtout entre ces communautés, en veillant à ce que toutes les composantes de la population soient parties prenantes. Elle doit également jeter des ponts entre les acteurs qui se disputent l’autorité au sein des communautés.
Ces difficultés s’expliquent par les multiples dimensions de la crise malienne. Celle-ci ne concerne pas seulement la définition de nouveaux équilibres entre le Sud et le Nord, d’autant plus difficiles à atteindre que les violences de 2012-2013 ont laissé des traces profondes au sein des communautés. Elle révèle également les défis auxquels sont confrontées les populations du Nord.
Par le passé, les soulèvements réguliers emmenés par des chefs touaregs se terminaient par un accord de paix qui ne faisait qu’effleurer les problèmes, au risque d’entretenir, voire d’aggraver, les causes du malaise : on procédait à des cooptations-réintégrations au sein des structures nationales, auxquelles s’ajoutaient des promesses de subsides et de reconversions pour les troupes démobilisées (4).
Mais l’apparition d’un trafic de drogue générant d’importants revenus (5) et l’importation du djihadisme contribuent à transformer, à travers les prises d’otages et les rançons, les rapports de forces socio-économiques. Par ailleurs, grâce aux flux humains et commerciaux établis avec les Etats du Golfe, des associations caritatives diffusent des courants de pensée islamistes radicaux qui pénètrent peu à peu les sociétés sahéliennes. On assiste ainsi à une collusion d’intérêts et de convictions entre certaines élites du nord du Mali et les mouvements fondamentalistes terroristes : présence d’Ifoghas au sein d’Al-Mourabitoun et de Peuls dans le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Le tout sur fond d’Etat central affaibli — voire inexistant.
Les générations montantes ont capté les revenus illicites. Une classe de nouveaux riches proches des lignages dirigeants, mais impliquant des jeunes dépourvus de pouvoir politique, est rapidement apparue. Cela modifie les équilibres inter- et intracommunautaires et aiguise les tensions entre générations pour le contrôle du pouvoir. Une partie de la jeunesse du Nord échappe de plus en plus au contrôle social exercé par les chefs des tribus et des autres communautés qui composent le tissu social. Cette remise en question de l’aura des aînés résulte d’un long processus. Dès le début des années 1990, des jeunes arabes et touaregs se sont lancés dans des activités illicites dont les profits leur ont permis d’investir dans des compagnies de transport routier, d’acheter un nombreux cheptel, voire d’acquérir de riches propriétés. Ce bouleversement de l’ordre social engendre une inversion des valeurs comme le respect des aînés et de la pyramide sociale traditionnelle chère aux Touaregs.
Classe de nouveaux riches
Trafic de drogue, d’êtres humains, de cigarettes, d’essence : l’argent arrose donc plutôt bien le nord du Mali. Détenteurs de rentes de situation, les acteurs manifestent une certaine réticence quant à un accord avec Bamako susceptible de mettre en péril la répartition des profits. S’ajoute à cela l’accentuation du changement climatique, qui raréfie les ressources. On assiste par exemple à une compétition accrue pour l’accès à des points d’eau de moins en moins nombreux, alors que la croissance démographique est l’une des plus élevées du monde : 3,6 % par an (6).La plupart des rébellions dans le nord du Mali ont été impulsées et dirigées depuis Kidal, où les clivages entre communautés s’accentuent. La classe guerrière des Ifoghas, qui domine la pyramide sociale touarègue (7), est aujourd’hui affectée par une double fracture. D’une part, l’aristocratie traditionnelle s’affronte à ses vassaux, les Imghads. De l’autre, de fortes tensions sont apparues au sein même des Ifoghas, après l’élection fin décembre d’un nouveau chef traditionnel, l’amenokal. Choisi par les sages pour succéder à son père, M. Mohamed Ag Intalla a pris position contre l’autonomie de la région, contrairement à son frère cadet et rival pour le poste, M. Alghabass Ag Intalla, ancien lieutenant de M. Iyad Ag Ghali, le chef rebelle islamiste d’Ansar Dine. Le nouvel amenokal, par ailleurs député du parti présidentiel, tente de concilier les aspirations autonomistes de certains chefs traditionnels avec le maintien du Nord dans l’ensemble malien, sans nécessairement se rallier ouvertement à l’accord d’Alger. Son frère cadet alterne pressions et séduction auprès des communautés locales afin d’obtenir leur ralliement à une option dure dans le cadre du processus d’Alger : convaincre la médiation de la nécessité de renégocier le texte issu dudit processus.
Sur le terrain, la compétition entre Ifoghas et Imghads pour le contrôle de l’espace touareg s’exprime par des violences opposant les membres de la CMA, qui défend les intérêts des Ifoghas, et le Groupe d’autodéfense touareg Imghads et alliés (Gatia), proche de la plate-forme qui a signé les accords. Cette milice bénéficierait du soutien tacite de certains cercles militaires maliens, notamment du général Ag Gamou, un Imghad connu pour son inimitié à l’égard de M. Ghali.
Une fragmentation analogue caractérise la région de Gao, où l’aristocratie arabe des Kountas combat la contestation de ses vassaux lamhars du Tilemsi pour le contrôle de la communauté. Cet affrontement se double, à l’instar de la lutte entre Ifoghas et Imghads, d’une concurrence pour la captation des trafics illicites. Les Lamhars du Tilemsi forment ainsi une partie des forces du Mujao, groupe islamiste radical qui attire également des Peuls, tant de Gao que d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest, en particulier le Nigeria et la Guinée — deux plaques tournantes du trafic de drogue. Le Mujao serait financé notamment par le commerce de la drogue avec l’Algérie, ce qui le met en concurrence avec certains mouvements touaregs et arabes.
Désemparé devant la fragmentation du Nord et déterminé à restaurer l’unité nationale, Bamako tente d’exploiter cette situation à son profit, ce qui complique les efforts visant à rétablir la paix. Depuis l’indépendance, en 1960, les deux parties du pays sont structurellement liées, non par une identité ethnique ou un dessein commun, mais par les flux qui les traversent, des confins de la Guinée à ceux de l’Algérie et de la Libye. Dans ce contexte mouvant, la revendication d’un Etat — concept jusqu’alors étranger à la tradition nomade — « azawadien » traduit surtout un processus de territorialisation qui transforme certaines parcelles utiles du nord du Mali en zones de convoitise. L’identité territoriale des « gens du Nord » se transforme, passant d’une conception libertaire (les grandes étendues du désert appartiennent à tous) à une approche patrimoniale.
En conséquence, pour surmonter les blocages et pacifier le Nord malien, les communautés doivent trouver de nouvelles dynamiques, soit par elles-mêmes, soit, si elles y consentent, avec un appui extérieur. Les Touaregs sont traditionnellement des éleveurs, des commerçants et des guerriers. Leur société a montré une forte résilience pendant la période coloniale et durant les premières décennies de l’indépendance. Leurs valeurs ancestrales et leur identité sont aujourd’hui mises à mal par les effets conjugués de la mondialisation et du changement climatique. Dès lors, comment ces communautés doivent-elles se transformer pour retrouver l’équilibre vital sans lequel toute paix est illusoire ?
Par ailleurs, les liens entre les Touaregs et les autres communautés du Nord sont en recomposition. Traditionnellement, ils étaient déjà complexes, en particulier entre nomades et sédentaires. Les Peuls, les Arabes et les Songhaïs nourrissent une certaine méfiance envers les tentations hégémoniques des Touaregs. Loin de représenter la majorité, ces derniers se trouvent cependant aux avant-postes de la revendication autonomiste au sein de la Coordination. Comment ces liens pourront-ils s’adapter au nouvel environnement afin de créer une société apte à produire un compromis national ? En d’autres termes, comment les communautés du Nord pourront-elles sceller leur unité autour d’un projet acceptable pour Bamako ?
La crise requiert une thérapie en deux temps : d’abord, une clarification de la scène nord-malienne, ce qui permettra l’arrivée à la table des négociations de figures représentatives, munies de revendications claires et reflétant un consensus ; ensuite, la recherche d’un règlement inclusif et durable. L’accord d’Alger tente de mener simultanément ces deux séquences. Cette innovation constitue l’originalité du texte, qui apparaît comme le meilleur point de départ possible d’un processus de réconciliation durable.
En tout état de cause, la conclusion de l’accord d’Alger ne constitue qu’une étape d’un long processus de réconciliation nationale. Entamé durant l’été 2014, ce processus s’est assigné l’objectif de s’attaquer aux causes profondes du conflit, démarche indispensable si l’on veut mettre fin au cycle perpétuel rébellion-réconciliation-rébellion en cours depuis l’indépendance du Mali. Le fait qu’il confie l’examen de ces causes à une conférence d’entente nationale (CEN) organisée durant la période intérimaire (dans un délai de dix-huit à vingt-quatre mois après la signature de l’accord) et composée « sur la base d’une représentation équitable des parties » confirme la complexité de la crise malienne, qui ne peut être résolue à court terme.
L’accord d’Alger crée le cadre idoine pour le travail de recomposition nationale. A terme, la CEN doit adopter une charte pour la paix censée entériner une réconciliation durable. Par ailleurs, sont prévues la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, une commission de lutte contre la corruption, ainsi qu’une commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur tous les crimes (atteintes au droit de la guerre, génocide, viols, crimes contre l’humanité), et autres violations graves du droit international commises sur le territoire malien.
Tout en faisant preuve de patience, la médiation internationale doit entretenir une dynamique de dialogue, non seulement entre les communautés du Nord et les autorités de Bamako, mais aussi et surtout entre ces communautés, en veillant à ce que toutes les composantes de la population soient parties prenantes. Elle doit également jeter des ponts entre les acteurs qui se disputent l’autorité au sein des communautés.
Daniel Bertrand
Ambassadeur, responsable Sahel au ministère des affaires étrangères belge. Cet article ne reflète que l’analyse personnelle de l’auteur, sans engager son autorité de tutelle
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