mercredi 17 février 2016

Mali : La CMA conditionne la signature de l’Accord d’Alger du 1er mars 2015 | sentinelle-droit-international.fr

Mali : La CMA conditionne la signature de l’Accord d’Alger du 1er mars 2015 | sentinelle-droit-international.fr

5e round des négociations inter-maliennes à Alger- Accord paraphé le 1er mars 2015 par le gouvernement malien et certains groupes du nord Mali- moratoire demandé par la CMA pour aller prendre l’avis de la «base» - Après consultation, refus de signer l’accord malgré la pression internationale- revendications multiples- incertitudes sur le retour à la paix au Mali-

« La coordination des mouvements de l’Azawad /CMA, après une large consultation des différents organes des mouvements, de l’aile militaire, des organisations des cadres et des populations de l’Azawad informe la médiation, le conseil de sécurité [des Nations-Unies, ndlr] ainsi que l’opinion internationale, qu’elle ne paraphera pas, en l’état actuel, le projet de texte d’accord issu du 5ème round d’Alger du 1er mars 2015″,  a informé le texte rendu public dans la nuit du 19 mars 2015. La Coordination des mouvements de l’Azawad, s’était donnée jusqu’au 10 mars pour réfléchir. La Coordination des Mouvements de l' Azawad (CMA), qui regroupe le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et ses alliés, a finalement refusé de parapher le projet d'accord de paix, signé le 1er mars à Alger entre le gouvernement malien et certains autres groupes du nord du Mali. Dès l’adoption de cet accord, les réticences des membres de la CMA se faisaient ressentir, et il n’est pas surprenant qu’ils aient exigé des amendements à apporter à cet accord. L’accord d’Alger qu’ont déjà paraphé le gouvernement malien et d’autres groupes armés qui le soutiennent a pour objectif la création des conditions d’une paix durable dans le nord du Mali où les évènements actuels ne sont que les derniers troubles d’une longue période d’agitations qui a commencé depuis les premières années d’indépendance du pays en 1960. Le texte prévoit la création d’Assemblées régionales dotées de pouvoirs importants, élues au suffrage universel direct, mais, comme, le souhaitait Bamako, ni autonomie, ni fédéralisme. Pour les rebelles Touaregs, qui dénoncent le fait de n’avoir jamais rencontré le gouvernement du Mali pour un face-à-face, ce document est vide, ne tient pas compte des desiderata de leur peuple et l’accord qu’il propose n’a aucune chance de tenir sur la durée. Mais pour la communauté internationale c’est un pas dans la bonne direction et les pressions se multiplient sur les rebelles Touaregs pour qu’ils paraphent le document. Après l’attentat anti-occidental du 7 mars à Bamako, la France a redoublé ses appels aux Touaregs. Et selon une source diplomatique malienne, des diplomates de plusieurs pays européens envisageraient de se rendre à Kidal si la situation le permet pour encourager à la signature de l’accord.

La signature par toutes les parties étant prévues à la fin du mois en cours, une importante délégation internationale s’est rendue à Kidal pour convaincre la CMA. Sans illusion, l'équipe de médiation internationale emmenée par Mongi Hamdi, le patron de la Minusma (Mission de l'ONU au Mali), est donc repartie bredouille de Kidal. Elle était composée de représentants des pays voisins, de l'Union africaine (UA), de l'Union européenne (UE), ainsi que de l'ambassadeur de France et du directeur Afrique du quai d'Orsay. Pouvait-on s’attendre à un autre résultat, compte tenu de la situation au Mali ?  Les revendications des membres de la CMA font peser des incertitudes sur le retour à la paix au Mali.



I.Les revendications

La première revendication de la CMA porte sur le statut politique qu’elle réclame pour l’ensemble des régions du nord. ‘’Nos revendications sont très claires et elles ne sont un secret pour personne aujourd’hui. Nous voulons tout simplement vivre sur notre terre en toute liberté. Cela peut se faire par un système fédéral de deux entités, celle de l’Azawad et celle du Mali. C’est la seule solution qui peut ramener la paix et la stabilité durable dont tous ceux impliqués doivent se soucier’’. A avoué le porte – parole du MNLA sur RFI.

L’autonomie prévue à l’échelle régionale par l’accord d’Alger ne satisfait pas la rébellion qui souhaite que celle-ci couvre un ensemble plus grand réunissant toutes les régions du nord  (Tombouctou, Gao et Kidal) administrées par un exécutif commun.  Les raisons de ce refus s’expliquent, selon le communiqué, par la nécessité de procéder à « des amendements indispensables » pour « aboutir à (…) un texte viable, assorti de garanties concrètes et d’un calendrier effectif », sans plus de précision. Ce refus, notifié après une concertation avec les populations du Nord, à Kidal (Nord-Est), ne se veut pas, toutefois, une fin de non-recevoir puisque « la CMA réaffirme (…) son ferme engagement à privilégier le dialogue et invite le gouvernement malien à poursuivre les négociations ».

Les membres de la CMA refusent de signer l’accord tant que "l'Azawad n'est pas reconnue comme une entité politique avec une certaine autonomie". L'Azawad est l'appellation donnée aux régions du nord du Mali par la rébellion.



II. Persistance des incertitudes

Dès l’adoption de l’accord du 1er mars 2015, des voix se sont élevées pour affirmer que les membres de la CMA n’avaient d’autres choix que de signer l’accord. La pression a été exercée sur les leaders de la CMA, qui n’ont pas plié d’un seul pouce.  "Un accord de paix n'est bon ou mauvais que dans l'application. Et on ne parvient pas à la paix dans la contrainte et sous la pression", a fait remarquer pour sa part Oumar Chérif Haïdara. Certains analystes restent cependant optimistes, soulignant que la CMA n'a pas définitivement fermé la porte à un compromis, puisque qu'elle a sollicité des discussions avec le gouvernement malien pour aboutir à un texte consensuel.  Mais, si le projet d'accord est considéré comme un tremplin vers une paix définitive, des doutes persistent sur la fiabilité du document. Selon certains analystes, le texte comporte de " nombreuses dispositions constituant des voies détournées pour aboutir à la création d'une entité autonome dans le nord".  C'est l'avis de l'opposition politique qui pense que ce projet comporte "des risques majeurs pour l'unité et la stabilité du Mali ".  Le Collectif des Ressortissants du Nord (COREN) considère, tout comme l'opposition, que la mention de l'Azawad comme "une réalité socio-culturelle, mémorielle et symbolique..", constitue "une véritable imposture politique et est porteuse de germes réels de séparatisme qu'aucun Malien ne doit sous-estimer".

Au finish, estime Oumar Chérif Haïdara, diplomate à la retraite, "cet accord divise plus qu'il ne rassemble autour de l'idéal de paix". Autant dire qu'il est déjà dans l'impasse avec cette exigence de la CMA de l'amender pour inclure "l'Azawad" comme entité politique avec plus d'autonomie administrative et budgétaire.

Faut-il alors retourner à Alger pour le 6e round des négociations ?  Le gouvernement du Mali, par la voix de son porte-parole a rejeté l’ouverture de nouvelles négociations souhaitées par les groupes armés de la Coordination des mouvements de l’ Azawad (CMA) à l’issue d’une rencontre entre ces derniers et la médiation internationale à Kidal. Face à la presse, le ministre Choguel Kokala Maïga, a exprimé la position du gouvernement malien, "en attendant sa signature, exclut toute idée d’ouvrir de nouvelles négociations sur le contenu de l’ accord de paix paraphé le 1er mars dernier" et "appelle la médiation internationale à ses responsabilités en tant que garant du processus de paix". Face à ce que des observateurs qualifient d'impasse, les autorités de Bamako indiquent qu'il est important que toutes les parties fassent des compromis pour que la paix revienne au Mali. On revient au point de départ: il n'y a pas eu d'accord au bout du compte; il y a eu un texte qui a été adopté par les parties.

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Mali : Un accord de paix et de réconciliation trouvé sur fond de désaccord

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