Les touaregs en pâtissent (Enquête)
La crise de 2012 ayant conduit à l’occupation des régions septentrionales du Mali a fortement impacté le tissu social. Les maliens se méfient désormais les uns des autres.
Lundi nous vous livrions les résultats de l’enquête d’Afrobaromètre sur l’attachement des maliens à l’unité du pays. Dans la présente livraison, nous nous intéresserons à la perception des touaregs par les autres ethnies (et vice-versa) et aux relations de confiance entre les maliens.Toujours tiré du rapport « Les Maliens veulent un pays uni et que justice soit faite au lendemain du conflit », ce nouvel aspect de l’enquête d’Afrobaromètre est intéressant dans la mesure où la réconciliation nationale passe nécessairement par la capacité de chaque citoyen à s’identifier à son compatriote, à lui accorder sa confiance et à le considérer comme « son frère ».
Malheureusement, les chiffres démontrent que le travail pour le rétablissement de la confiance mutuel entre les maliens reste encore immense. L’étude a révélé par exemple une grande méfiance des bambaras à l’égard des touaregs.
Ceci pourrait s’expliquer par la marque « révolution du peuple touareg » donnée de manière erronée à la rébellion des tribus irrédentistes qui ne représentent nullement cette communauté, laquelle, et les chiffres le prouvent, reste dans son ensemble attachée à l’unité et à la cohésion nationales. Toute chose qui a, hélas, fortement contribué à ternir l’image de cette communauté auprès des autres groupes ethniques.
Une grande méfiance entre les maliens
Pour mesurer la confiance interpersonnelle des maliens, l’enquête a procédé au simple questionnement : « D’une façon générale, diriez-vous que la plupart des personnes sont dignes de confiance ou au contraire, que vous devriez faire preuve de prudence dans vos relations avec autrui ? ».Les résultats révèlent une grande méfiance chez les maliens. Hormis la région de Gao (39 %) et Kidal (46 %), toutes les autres régions révèlent un taux de méfiance au dessus de 50 %. Les kayesiens (81 %) et les sikassois (76 %) sont les plus méfiants. Il est important de noter qu’une région de brassage culturel comme Mopti affiche l’un des taux de méfiance les plus élevés, 64 %. Par ailleurs, on constate que les habitants des trois régions du nord, pourtant éprouvés par une année passée sous le joug du terrorisme islamiste, font preuve de plus de confiance (52 %) que ceux du reste du pays (32 %).
« Cela signifie peut-être, selon les hypothèses développées dans le rapport, que les personnes qui continuent de vivre dans ces régions clés du Nord sont pressées de conclure une entente avec leurs concitoyens du Sud qui les protègerait d’éventuels troubles futurs. Ou peut-être les participants à l’enquête ont-ils interprété la question sur la confiance par rapport à leur propre communauté, où la confiance pourrait être plus élevée dans les communautés étroitement soudées du Nord. Une autre possibilité envisageable est que le climat de confiance était si prévalent dans le Nord que cela a même facilité l’acceptation des insurgés étrangers ».
Une cohabitation difficile
Un autre aspect intéressant de l’enquête d’Afrobaromètre : la tolérance sociale entre les maliens. En fait, il s’agit surtout de la tolérance entre les bambaras, ethnies majoritaire, et touareg, la minorité à laquelle appartient la majeure partie des rebelles séparatistes. L’étude a démontré que les bambaras ont une appréhension à avoir un(e) touareg comme voisin(e). Seulement 37 % y sont favorables, contre 77 % de touaregs favorables à avoir un(e) voisin(e) bambara.La méfiance grandit encore plus quand il s’agit pour les bambaras de se marier avec un(e) malien(ne) de l’ethnie touareg. Seuls 26 % des bambaras consentiraient à une telle union, contre 68 % de touaregs qui n’y voit aucun inconvénient d’avoir un(e) bambara comme conjoint(e).
Les commentaires du rapport suggèrent que ceci soit dû au fait que « les Bambaras ont peut-être moins l’habitude de vivre aux côtés des Touaregs, alors que ces derniers sont familiers avec de nombreux autres groupes ethniques outre le leur. La méfiance des Bambaras procède donc peut-être tout simplement d’un manque de familiarité ».Ces données doivent servir dans la recherche de plan de sortie de crise. En effet, si au demeurant le conflit n’opposait que les groupes armés au gouvernement, ses impacts sur les populations prouvent à suffisance qu’il y a indéniablement un clivage qui s’est installé entre les maliens. De ce fait, il parait plus que nécessaire que le processus de paix et de réconciliation soit vu sous angle plus global, intégrant toutes les couches de la société malienne.
Le schéma actuel de réconciliation nationale prôné par les protagonistes a d’ores et déjà montré ses limites. Il s’impose une franche remise en question.
© Par maliatu.net
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