Monsieur Marsaud,
J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt votre intervention du 05 novembre 2013 lors du débat organisé par Vanessa Burggraf sur France24 entre vous, M. André Bourgeot, Ramata Maïga Coulibaly et Anne Giudicelli sur la situation au Mali.
Le point saillant de votre argumentation a été de mettre en avant la différence entre les ressortissants du nord Mali et ceux du sud pour ensuite amener l’idée qu’il y a au moins deux Mali.
M. Bourgeot a apporté certaines réponses pertinentes à vos arguments. Ses réponses mettaient en lumière la différence énorme entre un homme du terrain qui maîtrise son sujet et un néophyte qui tonitrue, pontifie sur des sujets qu’il ne maîtrise pas mais qui, du haut de son statut de député de la dixième circonscription des français établis à l’étranger et de membre de la commission des affaires étrangères, se croit légitime à faire des différences pigmentaires un antagonisme ethnique.
Mais analysons un peu les tenants de votre discours sur le fait qu’il y a au moins deux Mali. Vers le XIIème siècle Soundiata Keïta a unifié plusieurs royaumes pour former l’empire du Mali. Cet empire englobait tout le Mali actuel, la Guinée, le Burkina, le Liberia etc..
Depuis cette date il y a toujours eu une continuité territoriale entre le nord et le sud du Mali ainsi qu’un brassage racial qui fait qu’aucune ethnie ne peut légitimement revendiquer une partie du territoire comme sa propriété ou son patrimoine.
Et cela m’impose une interrogation relative aux mêmes données en France.
Monsieur Marsaud je vous demande de m’entretenir de la continuité territoriale et des similitudes culturelles entre l’Hexagone et les Antilles ; l’Hexagone et la Guyane française ; l’Hexagone et l’ile de la Réunion ; l’Hexagone et Saint Pierre et Miquelon ; l’Hexagone et la Nouvelle Calédonie……
De la même façon comme vous avez induit une différence culturelle entre les habitants du nord Mali et ceux du sud ; parlez moi des ressemblances entre vous et un kanak ; entre vous et un antillais ; entre vous et un mahorais ; entre un corse et un alsacien ; entre un jurassien et un breton.
Les dialectes alsacien et lorrain ne sont-ils pas plus proches de l’allemand que du français ? Un corse n’est-il pas sociologiquement plus proche d’un italien que d’un parisien? Quand on écoute la musique bretonne, ne sent-on pas une certaine appartenance celtique ? Pourtant ces peuples sont et restent des français.
Monsieur Marsaud, vous avez été magistrat, mais vous brillez par une telle vision binaire à vouloir réduire ce drame que vit tout un peuple, oui tout un peuple n’en déplaise à certains, à une dissensio n raciale que je me demande comment vous exerciez vos fonctions de magistrat.
Il serait peut être temps que le Mali reconnaisse le FLNC canal historique et canal habituel et qu’il applaudisse à tout rompre à l’assassinat du Préfet Claude Erignac, de façon inversement proportionnelle au silence assourdissant de la communauté internationale qui a salué l’assassinat, le 25 janvier 2012, des dizaines de militaires maliens désarmés et prisonniers à Aguel’hoc. Sur la même lancée le Mali pourrait reconnaître Herri Batasuna dans le pays basque, le mouvement indépendantiste breton et pousser les bourguignons à se remettre avec les anglais contre le reste de la France comme au bon vieux temps.
Monsieur vous ne vous grandissez pas et vous ne grandissez pas la France avec de tels propos même si c’est avec cette illusion de travailler pour la grandeur de la France. Il me semble très difficile de grandir un pays avec une vision si étroite.
L’écrasante majorité des Touareg et des autres habitants du nord veulent un Mali unique. Ce groupuscule qui a pris en otage le nom Touareg, et ne représente que lui-même et ses intérêts mafieux est une minorité de la minorité.
A ce propos je vous laisse lire les propos d’un député Touareg, Assarid Ag Imbarcawane en réponse à la question des journalistes Chahana Takiou et Youssouf Diallo:
« Vous êtes un Touareg bon teint. Certains vous attendaient aux côtés du Mnla et d’Ançardine, mais vous êtes restés fidèle à la République. Comment expliquer votre attitude?
Je ne sais pas ce que vous appelez Touareg bon teint. Je suis un Touareg tout court. Je suis de père et de mère touareg. Je suis républicain, je suis Malien. J’ai opté pour mon pays, pour défendre ma patrie et la République. J’ai opté pour défendre la devise «Un peuple, Un but, Une foi». Si des gens décident de prendre des armes pour aller faire valoir des revendications qui ne me concernent pas et auxquelles je n’ai pas participé, je pense que je ne suis pas concerné. Je suis concerné par la défense de mon pays et, ça, je vais continuer à le faire. Je ne le fais pour personne. Je ne le fais pas pour avoir des galons ou pour que les gens m’envoient des félicitations. Je le fais parce que j’y crois, et il y a beaucoup de cadres touaregs comme moi. »
Vous entendez cet homme qui appartient à l’autre Mali selon votre phraséologie?
Monsieur Marsaud, vous êtes un député français, un pays respectable à cause de son peuple mais surtout pas à cause de certains de ses dirigeants dont vous êtes un exemple. De pauvres sbires qui piaffent d’arrogance, des êtres certes bardés de diplôme mais d’une inculture crasse et qui commettent des abominations entachant tous les français. Je peux dire la même chose des dirigeants francophones d’Afrique, des bouffons flamboyants, des rognures, corrompus ou couards qui forment le duo de fossoyeurs des peuples d’Afrique francophone avec leurs alter egos de France depuis les années 1950.
Alors vous pouvez continuer à parader sur les chaînes françaises pour raconter des inepties sur le Mali, vous pouvez proférer à satiété vos rodomontades sur le Mali. Mais les maliens savent qu’au-delà de tous ces effets de manche, l’enjeu, c’est seulement le désir de captation sur les richesses du sous-sol du nord Mali. Et pour cela, malgré tout ce que les autorités françaises savent du MNLA, mouvement mafieux composé de narcotrafiquants, de criminels, elles lui ont cédé la ville de Kidal. Ce mouvement était militairement fini, on lui a donné un nouvel élan afin qu’il serve d’épouvantail contre le Mali. Ce nom salit les touareg qui sont majoritairement opposés à ses manigances.
Malheureusement la France officielle aime et a toujours aimé les supplétifs qui font le sale boulot : Des miliciens sous Vichy qui ont arrêté et fait déporter des milliers de juifs ; des Harkis en Algérie, algériens qui ont combattu d’autres algériens pour la France; des Hutu au Rwanda ; des touareg au Mali……
Et il est fort dommage que le peuple français ignore tout de ces errements effectués en son nom pour son soi-disant bien. Et c’est bien dommage pour tous.
Autant j’adore la France des hommes comme Robert Badinter, du Général Philippe Leclerc de Hautecloque, Stéphane Hessel, entre autres, autant j’abhorre la France que vous nous servez, cette France politicarde à la petite semaine obnubilée par les intérêts mercantiles. Cette France qui passe d’un crime à un autre sans jamais se regarder en face, qui crée la zizanie pour mieux imposer son emprise. Visions de court terme à l’image de ceux qui les manigancent, de ceux qui estiment que l’homme africain n’est pas rentré dans l’histoire.
Par Yamadou Traoré
Professeur d’histoire.
SOURCE: L'Indicateur du Renouveau du 28 fév 2014.
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