lundi 3 février 2014

Que peut le Conseil de sécurité ?

MALI  Que peut le Conseil de sécurité ?
- Les Editions Le Pays

Une mission des Nations unies séjourne actuellement au Mali. Au menu des travaux de ces experts du Conseil de sécurité dépêchés au chevet du Mali, il y a le mauvais état de la situation humanitaire, les problèmes de sécurité, mais aussi et surtout la situation du dialogue concernant le nord du pays que se
disputent Bamako et les rebelles, notamment le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). C’est dire que cette mission de 48 heures n’est pas une promenade de santé. En effet, ces questions sont complexes et difficiles à régler. Tant et si bien qu’on se demande ce que peut vraiment le Conseil de sécurité dans cette situation.
Il y a plusieurs points d’achoppement
On ne le sait que trop bien, l’embellie de la situation humanitaire et le
retour de la sécurité dans le pays sont largement tributaires de l’aboutissement
du processus de paix dans le pays. Une solution pacifique et consensuelle à la
situation du Nord-Mali aura un impact non négligeable sur la sécurité et le
règlement des questions humanitaires. Unis, les Maliens pourront faire front
contre les terroristes dans le pays et le retour de cette sécurité pourra
permettre de mieux prendre en charge les victimes du conflit, de sécuriser le
retour des personnes qui ont dû fuir leurs terres à cause du conflit et
d’améliorer leurs conditions de vie. La reprise des négociations entre les
autorités maliennes et les groupes rebelles en vue de parvenir à une solution
sur la question du Nord-Mali est de ce fait d’une impérieuse nécessité.
Seulement, ces négociations prévues par les Accords de Ouagadougou ont du
plomb dans l’aile. Le MNLA a fait sa part de chemin en acceptant le cantonnement
pour permettre aux élections de se tenir sans problème majeur et en libérant des
prisonniers. Mais, on ne sent visiblement pas d’enthousiasme à mettre en œuvre
ces accords de Ouagadougou du côté des autorités maliennes. Prévues pour
reprendre 60 jours après l’installation du gouvernement à la suite des
élections, ces négociations n’ont pas encore vraiment repris. Certes,
entre-temps, il y a eu les assises sur la décentralisation initiées par IBK, qui
étaient censées constituer un cadre de discussions pour tous les acteurs, mais
qui n’ont pas réussi à emballer le MNLA. L’une des dernières tentatives en date,
les négociations à Alger, n’ont pas non plus reçu l’onction nécessaire des
groupes rebelles qui ont contesté la pertinence et la validité de leurs
représentants.
Il faut dire qu’il y a plusieurs points d’achoppement à propos de ces négociations. Tout d’abord, les protagonistes ne parlent pas le même langage au sujet du lieu devant abriter ces pourparlers.
Pour les autorités maliennes, la question du Nord-Mali est un problème
domestique qui doit se résoudre entre Maliens et à l’intérieur du pays,
notamment à Bamako, tandis que les groupes rebelles estiment que Bamako n’est
pas un endroit neutre et préfèrent de ce fait que ces discussions se tiennent
ailleurs. Pour le MNLA, Ouagadougou est le lieu tout indiqué. Bamako, qui voit
d’un mauvais œil les accointances entre Paris et le MNLA, trouve également que
les rapports entre ce mouvement et le médiateur de la CEDEAO, le président
Blaise Compaoré, sont tels qu’on ne peut pas parler de neutralité dans cette
médiation. Ouagadougou dès lors, ne fait plus l’unanimité. Et le malheur ne
venant jamais seul, le médiateur lui-même n’a certainement pas la tête ces
temps-ci à la crise malienne. Depuis la démission de ténors de son parti et les
remous qui s’en sont suivis, il s’emploie à gérer sa propre crise et s’apprête
lui-même à bénéficier de l’expertise d’une équipe de médiateurs. Et la charité
bien ordonnée commençant par soi-même, il est bien compréhensible qu’il soit
plus préoccupé par ses problèmes internes que par la situation du Mali. Chacun
essaie de régler ses propres ennuis en priorité. Ne dit-on pas chez nous que
quand une pierre tombe du ciel, chacun se préoccupe de couvrir d’abord sa propre
tête avant de s’enquérir après, s’il y a lieu, des nouvelles des autres ? Des
négociations à Ouagadougou, ces temps-ci, pourraient être handicapées par le
fait que le médiateur a la tête ailleurs.
Le vrai blocage réside dans le déficit de confiance entre les
différents acteurs de la crise

Une autre difficulté de ces négociations réside dans la diversité des
interlocuteurs de Bamako. En effet, malgré leur tentative d’union dans le cadre
du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), les groupes rebelles ne parlent pas d’une
même voix. Sinon comment comprendre que leurs représentants aux négociations
d’Alger soient contestés en leur sein ? Cette difficulté est de nature à
compliquer la situation. Il aurait été plus facile pour Bamako d’avoir affaire à
un groupe unique, parlant le même langage, pouvant faire les mêmes concessions,
prendre les mêmes engagements. A défaut, on aboutirait à des conclusions qui
seraient plus ou moins remises en cause par telle ou telle mouvance rebelle ; ce
qui n’est pas, selon toute vraisemblance, de nature à ramener la paix.
Enfin, les autorités maliennes, avec au premier chef le président
IBK qui a fait de l’unité du pays son credo, ne font pas mystère de leur refus
de dialoguer avec des groupes armés. Certes, les Accords de Ouagadougou
prévoient le cantonnement et non le désarmement comme préalable aux
négociations. Mais, il faut craindre que les nouvelles autorités maliennes ne
soient pas vraiment en phase avec ces accords qui, on le sait, ont d’ailleurs
été arrachés au forceps à un gouvernement de transition. Bien entendu, la
continuité est un principe pour l’Etat et les nouvelles autorités ne doivent pas
balayer du revers de la main ce que leurs prédécesseurs ont pris comme
engagements. Toutefois, on sait que le MNLA n’est pas bien perçu au sein de
l’opinion malienne. Il lui est notamment reproché d’avoir ouvert la brèche qui a
permis aux islamistes de s’emparer du Nord du pays avec toutes les exactions que
cette occupation a occasionnées. IBK pour qui l’unité du pays n’est pas un point
négociable et qui tient à son image de « Kankélétigui », c’est-à-dire d’homme
qui n’a qu’une seule parole, n’est certainement pas prêt à passer pour quelqu’un
qui trahirait sa parole en ouvrant des discussions avec un groupe armé détesté
qui réclame la partition du pays. Ce serait s’aliéner l’opinion nationale.
C’est ainsi une lapalissade de dire qu’arriver à amener les Maliens
autour d’une table de négociations ne sera pas une partie de plaisir pour la
délégation onusienne. Le vrai blocage résidant dans le déficit de confiance
entre les différents acteurs de la crise. Le climat de méfiance et de suspicion
rend difficile toute solution. L’instauration d’un minimum de confiance entre
tous les protagonistes est le préalable indispensable au succès de toute
tentative de résolution pacifique de cette crise du Nord-Mali. C’est un défi
immense, mais pas impossible à relever si les Maliens, toutes tendances
confondues, en prennent conscience.

« Le Pays »

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