François Hollande et son homologue malien se sont entretenus hier à l’Elysée. Ils ont abordé l’épineuse question de la sécurité et de la réconciliation dans le nord du Mali
Ibrahim Boubacar Keita Reuters
Les faits - A peine élu, le président malien doit faire face à un regain de tensions dans le nord de son pays. L’armée française, qui souhaite progressivement se désengager, a dû se rendre sur les lieux des combats à Kidal pour ramener le calme.
280 millions d’euros
C’est l’aide promise par la France à la reconstruction du Mali. Son processus d'attribution se veut exemplaire. Le 18 septembre, Pascal Canfin, le ministre délégué au Développement, a lancé un site internet, transparence.ambafrance-ml.org, qui permet de suivre les projets financés. A l’Elysée, on tient à clarifier les choses. La France a vocation à lutter contre les terroristes mais pas à faire de l’interposition au Mali. Ce rôle incombe à la police, à la gendarmerie et, in fine, à l’armée malienne. Mais sur le terrain, c’est toujours les Français que l’on appelle pour « éteindre le feu ». Trois mois après la signature de l’accord de paix de Ouagadougou entre les représentants des groupes armés et les autorités maliennes, le processus piétine. Le nouveau gouvernement a mis en place un canevas d’actions (Assises du nord, programme d’urgence pour la relance des activités, états généraux de la décentralisation) mais les Touaregs et les Arabes, regroupés dans les différents mouvements de libération de l’Azawad (MNLA, HCUA et MAA), ont suspendu, le 26 septembre, leur participation aux structures de mise en œuvre de l'accord. Le MNLA n’est pas satisfait du nouvel exécutif.
Le ministre de la Défense, Soumeylou Boubéye Maïga, est accusé d’avoir mené la répression contre les Touaregs dans les années 1990 et d’être proche de Ganda Koy, une milice du sud du Mali qui rêve d’en découdre avec les groupes armés du nord. Le MNLA rejette aussi les propositions du gouvernement. « Nous avions appelé à l’indépendance du nord, explique Moussa Ag Assarid, son porte parole pour l’Europe. Pour satisfaire la communauté internationale, nous avons fait machine arrière en revendiquant une large autonomie. La décentralisation ne nous intéresse pas. Elle existe déjà et a montré ses limites ». Le mouvement autonomiste demande une réunion d‘urgence avec les deux médiateurs de la crise malienne, les présidents Blaise Compaoré (Burkina Faso) et Goodluck Jonathan (Nigeria). « S’ils ne répondent pas à notre appel, les hostilités pourraient reprendre de plus belle. Et si la France et les forces onusiennes s’en mêlent, nos hommes sont prêts à mourir en martyrs », menace Ag Assarid.
La radicalisation du discours s’accompagne d’un durcissement de la situation sur le terrain. A Kidal, un nouveau gouverneur, des préfets et sous préfets se sont installés. Mais tous restent cantonnés à la mairie (bureau et logement) sous bonne escorte. Le MNLA occupe le gouvernorat et ses hommes ne sont pas cantonnés. Mi septembre, le mouvement a perturbé la mission de trois ministres (manifestation à l’aéroport, caillassage de leur véhicules…) dans la ville. Plus inquiétant, on assiste à une recomposition des alliances entre combattants arabes, du MNLA et d’Ançar dine, un groupe anciennement allié à Aqmi. Une rencontre aurait eu lieu en fin de semaine dernière à Agharous Kayoune (à 42 km de Kidal) entre Alghabass Ag Intallah, le fils cadet du chef des Ifoghas (une communauté touareg), Iyad Ag Ghali, l’ancien chef d’Ançar dine et des responsables du MNLA. Certains lieutenants de Ag Ghali (Ibrahim Ag Anawalene et Malick Ag Wanesnat) seraient de retour à Kidal avec leurs hommes.
Selon l’hebdomadaire Jeune Afrique, une importante délégation autonomiste du MNLA s’est aussi réunie récemment avec des membres d’Aqmi afin de négocier la gestion du nord Mali et de ses trafics (cigarettes, drogue, armes, ravitaillement) . Le mouvement serait en proie à des divisions internes entre partisans et opposants de ce rapprochement.
Ce regain de tensions arrive au plus mauvais moment. Le pays sort à peine d'une crise politico-militaire qui s'est prolongée durant 18 mois. Et l’élection présidentielle, reconnu par les Maliens et la communauté internationale, devait permettre de lancer la reconstruction. « Il faut encourager au plus vite le processus de réconciliation nationale et renforcer la coopération sécuritaire entre les pays de la sous région », plaide Mohamed Bazoum, le ministre nigérien des Affaires étrangères. Après avoir gagné la guerre au Mali, il sera difficile d’y faire la paix.
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