vendredi 4 mai 2012

Méli-mélo made in Mali | Slate Afrique

Méli-mélo made in Mali | Slate Afrique
Le Mali est en train de devenir un cas d’école de divisionnite aiguë. Qui est qui? Texte et dessin de Damien Glez.
Les baroudeurs de l’info africaine se sont fait les dents sur le sac de nœud ex-zaïrois avec ses kabilo-mobutistes, ses tshisekedo-olengankistes, ses gizengo-lumumbistes et parfois des anguilles politiciennes dont les discours les faisaient ressembler à des néo-rétro-kabilo-tschisekedo-mobuto-lumumbistes. De quoi donner une céphalalgie au plus averti des géopolitologues.
Les plumes des auto-bombardés “spécialistes de l’Afrique” ont navigué entre les
 sempiternelles mutineries qui, d’un pays à l’autre, ne prennent le pouvoir que pour –promis, craché, juré– le remettre dare-dare et qui finissent par s’éterniser sous la forme de faction nord-est de la mouvance sud-ouest de la rébellion nord-ouest du territoire oriental de la zone occidentale de la contrée septentrionale de la région sud-est. Un stage au Liban n’était jamais de trop…
Les observateurs de l’actualité africaine seraient donc vaccinés contre l’absconse divisionnite des Etats africains contemporains. En matière de partition, le Mali semble pourtant renouveler patiemment le genre de l’imbroglio politico-militaire.
Depuis quelques décennies, il y avait des Maliens. Un point c’est tout. Même si les Touareg se rappelaient de temps en temps au bon souvenir de la colline (de Koulouba) et des colonnes (des journaux), on réussissait à unifier, autant que faire se peut, les Bambara, les Peul, les Sénoufo, les Sarakolés, les Dogons, les Songhay, les Khassonkés et autres Malinké. Des Maliens. Un point c’est tout.

«Maliens-un-point-c’est-tout»

Mais ne voilà-t-il pas qu’on entend, début 2012, qu’il y a désormais des Maliens-du-nord et des Maliens-du-Sud…
Et voilà qu’on entend qu’il y a des Maliens-touareg-du-nord et des Maliens-islamistes-du-nord. Avec, sans doute, quelques Maliens-touareg-islamistes-du-nord, mais aussi des islamistes-pas-touareg-même-pas-maliens-du-nord. Et voilà qu’on entend qu’il y a des Maliens-touareg-noir-du-nord et donc, censément, des Maliens-touareg-blanc-du-nord. Allez-y comprendre quelque chose à des hommes “bleus” noirs et blancs…
Les âmes insensibles pourraient se retourner vers la zone sud, où ils pourraient espérer retrouver une population composée de “Maliens-un-point-c’est-tout”. Mais voilà qu’on entend, en mars 2012, qu’il y a des Maliens-loyalistes-du-sud et des Maliens-mutins-du-sud-anti-rebelles-du-nord? Adeptes de la simplification, les médias seraient tentés de se limiter à la distinction Maliens-politiciens-du-sud et Maliens-militaires-du-sud. Ouf ! Cravate contre treillis, ça c’est lisible!
Sauf qu’à entendre le parti Sadi, on comprend qu’il y a des Maliens-politiciens-pro-putschistes-du-sud et des Maliens-politiciens-pro-ordre-constitutionnel-du-sud.  Tout en n’oubliant pas qu’il y a les Maliens-politiciens-pro-ordre-constitutionnel-Amadou-toumanistes-du-sud et les Maliens-politiciens-pro-ordre-constitutionnel-anti-Amadou-toumanistes-du-sud, devenus par realpolitik Malien-politiciens-pro-dioncoundistes-du-sud, sans être pourtant d’originaux Malien-politiciens-dioncoundistes-du-sud (qui existent, contre toute apparence; évitons de fâcher le président par intérim). Nuance. Nuance dans laquelle se sont glissés les Maliens-technocrates-astrophysiciens-politiciens-amateurs-du-sud qui ne tarderont pas à se demander ce qu’ils font là, au milieu de ces mouvances aussi nombreuses que les étoiles observées par Cheick Modibo Diarra à l’époque où il travaillait à la NASA.
Bleus, noirs, blancs, mais aussi rouges et verts: voilà que ça se complique encore quand soudain se chamaillent les Maliens-militaires-à-béret-vert-du-sud et les Maliens-militaires-à-béret-rouge-du-sud. Les premiers, capitaine Sanogo en tête, seraient des Maliens-fidèles-aux-infidèles-du-sud quand les seconds seraient des Maliens-loyalistes-mais-pas-vraiment-favorables-au-retour-d’ATT. Une sorte de putschistes-anti-putschistes qui emploieraient les bonnes vieilles méthodes qu’ils condamnent: la prise des médias publics. Bref, les seconds appelleraient de leurs vœux le retour d’un ordre constitutionnel dont ils semblent ignorer qu’il est théoriquement déjà revenu, quand les premiers -bien au contraire?- appelleraient de leurs vœux le retour d’un ordre constitutionnel qu’ils ont été les premiers à contrarier. Et les voilà devenus des ex-putschistes mateurs de putschistes-anti-putschistes.
Concentrés sur leurs prises de bec, les ferrailleurs du sud n’ont-ils pas fini par oublier que le thème sur lequel ils se chamaillaient était, originellement, la situation du Nord-Mali? Les doigts de pied en éventail, les “Azawais” s’amusent sans doute de cet embrouillamini qui leur laisse tout le loisir de regarder leur barbe pousser et de déployer leur police islamique. 
Faudra-t-il aller à Montreuil, deuxième ville malienne du monde en nombre de ressortissants, pour trouver des “Maliens-un-point-c’est-tout”? Au milieu de ce panier de crabes politico-militaro-régionalo-religieux du Sahel, il y a pourtant bien des Maliens-un-point-c’est-tout qui ne demandent qu’à vivre indifféremment au nord ou au sud, côte à côte avec d’autres Maliens-un-point-c’est-tout venus indifféremment d’autres régions, militants d’autres partis politiques, pratiquants d’autres confessions et issus d’autres ethnies.
Histoire de s’attarder moins sur les ambitions politicardes ou les convictions rétrogrades, que sur la meilleure manière d’endiguer la crise alimentaire qui progresse aussi sûrement qu’une vague de rebelles. Mais peut-être les “charcutiers” du Mali l’ont-ils oubliée, cette famine annoncée, occupés qu’ils sont à se compter.
Difficile de distinguer les Maliens? Pour les Maliennes, ça risque de se simplifier bientôt: elles seront strictement identiques sous leur burka. Tiens, il y a «Mali» dans «Somalie»….
Damien Glez
Damien Glez est un dessinateur burkinabé. Il dirige le Journal du Jeudi, le plus connu des hebdomadaires satiriques d'Afrique de l'Ouest.
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