Verra-t-on le bout du tunnel ?
22 mai 2012, parLes vieux démons se sont véritablement emparés du Mali, à tel point que l’on s’interroge sur l’issue de la crise sociopolitique en cours dans ce pays. Avec l’agression du président intérimaire, Dioncounda Traoré, le lundi 21 mai 2012 dans son bureau, à Bamako, par des manifestants, le Mali a complètement perdu la face pour ne pas dire le Nord. On savait déjà les esprits instables, mais de là à imaginer un tel scénario, pas du tout. Remontés à bloc, les manifestants hostiles à la prolongation du mandat du président intérimaire pour une période d’un an, conformément à l’accord signé la veille, entre le Comité national de redressement de la démocratie et de la restauration de l’Etat (CNRDRE) et la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), s’en sont violement pris à Dioncounda Traoré. Débordée, dit-on, la garde présidentielle n’a pas pu prendre le dessus sur les manifestants qui ont molesté le président par intérim. Lequel a été transporté d’urgence à l’hôpital où il a reçu des soins, avant de regagner un lieu sécurisé. Quel gâchis pour la démocratie malienne en perte de vitesse depuis le coup d’Etat du 22 mars ! Comme il fallait s’y attendre, cette agression a suscité des condamnations de part et d’autre. « Le Mali ne mérite pas ça », a déclaré le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, sur les antennes de l’ORTM, la télévision publique. L’ex-junte a également diffusé un communiqué où elle prend largement ses distances avec les agresseurs. « Qu’on n’aime ou pas le personnage, déplore un diplomate à la retraite, s’en prendre physiquement au chef de l’État, fût-il intérimaire ou transitoire, c’est comme si des Maliens brûlaient leur drapeau ». Au sein de la CEDEAO, les médiateurs sont consternés. « L’agression du président Traoré donne une image désastreuse du Mali », a affirmé le chef de la diplomatie burkinabè, Djibrill Bassolé, sur les antennes d’une radio. Le ministre ivoirien de l’Intégration africaine, Adama Bictogo, qui a participé à toutes les négociations de sortie de crise, estime que pour sa part « les acteurs ont, eux-mêmes, rédigé un accord permettant le maintien de Dioncounda Traoré conformément à la décision des chefs d’Etat. On ne peut pas comprendre que le chef de l’Etat ait été agressé devant les forces de sécurité. C’est inacceptable ». Au-delà des condamnations, l’agression de Dioncounda Traoré suscite beaucoup d’interrogations. Comment des manifestants, même en surnombre, ont pu atteindre le bureau du président de la République ? Y a-t-il des commanditaires tapis dans l’ombre ? Rien que ces deux questions donnent à réfléchir sur l’attitude trouble supposée ou réelle de l’ex-junte. Impliqués à plus d’un titre dans la résolution de la crise, le capitaine Amadou Sanogo, désormais ex-chef d’Etat, et ses hommes ont incontestablement une part de responsabilité dans ce qui arrive au président intérimaire. En ce sens que la sécurité de Dioucounda Traoré leur incombe et que les manifestants se disent proches de l’ex-junte qu’ils estiment « mieux placée » pour gérer la transition. Et quand on sait que l’ex-junte n’est pas totalement en odeur de sainteté avec le président intérimaire (elle ne voulait pas son maintien pour la transition), l’on est conforté dans cette position. Que l’on se trompe ou pas sur la responsabilité de l’ex-junte dans cette affaire, le fond est que le Mali est dans une situation critique. Tout semble indiquer que les intérêts des Maliens, comme le disait un opposant burkinabè, ont été sacrifiés sur l’hôtel des ambitions politiques. Le retour à l’ordre constitutionnel était en passe d’être définitivement réglé, avant que la situation au Nord du Mali, partie détenue par des groupes armés, retienne l’attention des autorités. Hélas ! La situation a encore basculé. Certes, la CEDEAO a jusque là pesé de tout son poids, alliant dialogue et fermeté, mais le vécu est tout autre sur le terrain. Quand la médiation progresse, il y a toujours un volte-face à l’intérieur du pays. Et le dernier en date, l’agression du président intérimaire, est révélateur de ces pas en avant et en arrière qui n’augurent pas de lendemains meilleurs. Il est donc à craindre que la transition vole en éclats et que le processus se bloque. La CEDEAO n’est pas ou bout de ses peines, le Mali non plus !
Kader Patrick KARANTAOstkaderonline@yahoo.f
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