vendredi 25 mai 2012

Mali : une nouvelle Somalie - Le Point

Mali : une nouvelle Somalie - Le Point

Les islamistes font désormais régner l'ordre à Tombouctou et à Gao. Le pire peut être craint.

Affrontements à Bamako, le 21 mai. Affrontements à Bamako, le 21 mai. © Habibou Kouzate / AFP
Curieuse façon de sanctionner les putschistes ! Ce week-end, le capitaine Amadou Haya Sanogo, prétorien qui s'est emparé du pouvoir au Mali le 22 mars dernier, s'est vu attribuer par la Cedeao (Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest) le statut d'ancien chef d'État. Et donc les émoluments, le logement, la garde, la voiture et le chauffeur qui vont de pair. Pourtant le capitaine et
ses amis galonnés ont renversé un président faible mais régulièrement élu, Amadou Toumani Touré, et ont mis fin à près de vingt ans de système démocratique au Mali.
Certes, la Cedeao plaide qu'en contrepartie des avantages extravagants attribués au capitaine Sanogo elle a obtenu, non sans peine, que le chef de la junte accepte le prolongement pour un an du mandat de Dioncounda Traoré, un civil, ancien président de l'Assemblée nationale, qui lui a été imposé pour assurer, officiellement, l'intérim du pouvoir. Car le capitaine Sanogo se voyait assurer lui-même la transition ! Pourtant, rien n'indique que dans un an le capitaine Sanogo sera plus enclin qu'aujourd'hui à remettre le pouvoir à des civils élus. Il peut décider de se présenter lui-même aux élections pour se légitimer.

Zone grise

Quoi qu'il en soit, lundi, jour de la signature de l'accord entre la junte et la Cedeao, des sympathisants des militaires putschistes, furieux, ont agressé physiquement dans son bureau le président Traoré et l'ont envoyé à l'hôpital. Mauvais présage. Pour la Cedeao, ces derniers développements prennent des allures d'échec. Celui-ci est d'autant plus cuisant que dans la moitié nord du Mali, abandonnée par Bamako, l'ordre islamiste règne. 350 000 personnes ont fui en Mauritanie et au Niger depuis que trois mouvements armés, les rebelles indépendantistes touareg de l'Azawad, le mouvement islamiste Ansar Eddine (les défenseurs de la religion) et Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) se partagent le territoire.
Ansar Eddine et Aqmi font régner l'ordre à Tombouctou et à Gao. Dans les deux villes, des jeunes ont manifesté ces dernières semaines contre leurs nouveaux maîtres qui leur interdisent la musique, l'alcool, les promenades avec une personne du sexe opposé qui ne serait pas un conjoint. Ils obligent aussi les femmes à se voiler. Début mai, à Tombouctou, ils ont brûlé le mausolée de Sidi Amar, saint vénéré dans la région dont le monument est inscrit au patrimoine de l'Unesco, car les salafistes récusent le culte des saints.
Bamako, occupée à ses querelles politiques, semble bien incapable de récupérer le nord du Mali, alors qu'Aqmi aurait reçu, en avril, le soutien de combattants marocains, libyens et tunisiens, et pourrait utiliser l'aéroport de Tessalit, à l'extrême nord du pays. Le risque est grand de voir le nord du Mali devenir une immense zone grise, nouvelle Somalie livrée à des groupes armés concurrents, qui s'enrichissent de tous les trafics (otages, armes, drogue) et peuvent contaminer l'ensemble du Sahel

Aucun commentaire: