Le Mouvement national de libération de l’Azawad* (MNLA), contrôle depuis quelques jours tout le nord du pays. Dans cette interview que nous avions publiée début mars, son porte-parole, Moussa Ag Assarid, explique les motivations des rebelles.
- L'Evénement
- | Interview réalisée par Germain B. Nama
- 1 mars 2012
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MNLA - Le site web du mouvement national de libération de l’Azawad
L'ÉVÉNEMENT Présentez-nous votre mouvement.
MOUSSA AG ASSARID Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) est une organisation politique. Mais nous avons vu les limites du politique. Cela nous a conduits à ajouter une composante militaire. C’est une suite d’événements qui a fait du MNLA un mouvement politique révolutionnaire. Il comprend tous les déçus de la mouvance politique, des intellectuels, de jeunes diplômés chômeurs. Il ne comprend pas que des Touaregs mais des gens d’autres communautés : Arabes, Peuls, Songhaïs. Nous nous battons pour la reconnaissance de l’autodétermination et pour l’indépendance de l’Azawad. Le 1er novembre 2010, il y a eu la naissance d’une association politique, le Mouvement national de l’Azawad, qui regroupait de jeunes ressortissants du nord du Mali. Ces jeunes voulaient se battre sur le terrain démocratique, mais ils ont subi la répression des services secrets maliens. Si nous remontons plus loin dans l’histoire, le premier mouvement qui prônait l’indépendance, baptisé Mouvement populaire de l’Azawad, a été réprimé dans le sang. Accusé de complicité avec cette rébellion, mon père a été arrêté et emprisonné durant six ans en tout, entre 1963 et 1972. En 1990 naquit la deuxième rébellion. Elle fut également matée dans le sang. Ce qui a mis fin à cette rébellion, ce sont les massacres des populations par l’armée malienne. Celle-ci a monté le mouvement Gandakoye [mouvement d’autodéfense formée par les ethnies non touaregs], qu’elle a utilisé pour frapper les populations touaregs. Les accords obtenus à l’époque ont été littéralement arrachés par le pouvoir malien. C’est ainsi que les armes ont été rendues. En 2006, éclate le soulèvement d’Ag Bahanga et apparaissent d’autres petits mouvements nés du non-respect de l’accord national. Cette rébellion a aussi accouché des accords d’Alger, et chaque fois c’est la même chose. Nous avons tiré la leçon de tout cela et nous avons fédéré toutes les communautés du Nord en faveur de notre lutte. La répression de l’armée malienne contre les Touaregs avait poussé nombre d’entre eux à s’installer en Libye et en Algérie. Il y en a qui ont intégré l’armée de Kadhafi. Le MNLA a accueilli ces anciens combattants de l’armée libyenne, mais aussi de nombreux déserteurs de l’armée malienne.
Le Mali n’a pas de frontière avec la Libye. Comment ces combattants ont-ils pu rentrer sans être inquiétés ?
Les peuples du désert ne connaissent pas les frontières. Impossible de mettre des barbelés au milieu du sable. Comment les combattants d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), qui sont des Algériens, ont-ils pu s’établir au Mali ?
Quelle est la situation sur le terrain ?
La stratégie du MNLA est, primo, d’éviter autant que faire se peut les pertes humaines et, secondo, d’épargner les populations civiles. Nous occupons à 100 % quatre localités situées aux frontières du Niger, de la Mauritanie et de l’Algérie. Notre objectif est de remonter vers les métropoles régionales, Tombouctou, Gao et Kidal. Il y a un front autonome dans chacune de ces régions qui remonte vers la capitale régionale.
J’ai personnellement visité des camps mobiles récemment et j’ai pu constater que les prisonniers sont bien traités. Si, lors des attaques des casernes, des militaires prennent la fuite, nos combattants ne les poursuivent pas. Notre cible, c’est l’armée d’occupation du Mali. Le MNLA installe une administration dans chaque territoire conquis.
Quelles sont vos relations avecAl-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) ?
Nous n’avons aucun rapport avec Aqmi. Nous n’avons pas d’idéologie religieuse. Nous souhaitons mettre en place une république laïque, la république laïque de l’Azawad. Nous entendons mettre fin à la criminalité qui sévit dans l’Azawad et nous invitons tous ceux qui veulent lutter contre la violence transfrontalière à s’adresser au MNLA. Nous considérons les pays frontaliers comme des pays amis et frères. Les citoyens maliens sont nos frères. Nous ne revendiquons que le droit de vivre sur notre territoire. Nous avons perdu tellement de parents du fait des répressions successives de l’armée malienne que nous n’avons plus rien à perdre. Les combattants du MNLA n’ont pas de salaire, mais ils tiennent grâce à leur idéal. Les soldats maliens n’ont que des salaires à défendre. Voilà pourquoi ils fuient. Le MNLA ne se bat plus pour des accords qui ne mènent nulle part. Ou nous sommes enterrés sur notre terre, ou nous vivons libres et dignes sur notre terre.
Etes-vous en contact avec le gouvernement malien ?
Non. Nous sommes d’accord pour des contacts uniquement sur deux points : l’autodétermination et l’indépendance. La classe politique malienne est en train d’organiser un forum de la paix, mais c’est une mascarade. D’ailleurs, comment les membres du MNLA pourraient-ils s’y rendre ?
Note : * Azawad signifie “territoire de la transhumance”. Cette zone correspond au Nord-Mali (voir carte).
CHRONOLOGIE — Touaregs : un demi-siècle de conflit
1960 Indépendance. Modibo Keïta président.
1962-1964 Rébellion touareg. Répression violente.
1968 Coup d’Etat militaire. Début de la dictature de Moussa Traoré.
1990 Rébellion touareg.
1991 Fin de la dictature. Signature d’un accord de paix à Tamanrasset (Algérie) le 6 janvier 1991. Sa non-application entraîne la reprise du soulèvement, suivie d’une intense répression et d’exactions militaires provoquant un exode vers les pays voisins.
1992 Signature d’un Pacte national de paix avec les Touaregs.
1996 Dissolution du mouvement de rébellion touareg malien, le MFUA (Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad).
2002 Alternance démocratique avec l’élection d’Amadou Toumani Traoré (ATT).
2006 Attaque des garnisons de Kidal et de Ménaka par l’Alliance démocratique pour le changement du 23 mai (ADC), qui marque le début d’une nouvelle rébellion touareg. Le 4 juillet 2006, signaturedes accords d’Alger.
Mai 2007 Reprise du conflit touareg : affrontements, attaques de dépôts d’armes, enlèvements, nouvel accord… Une situation qui perdure aujourd’hui dans un environnement où sont présents des membres d’Al-Qaida.
Janvier 2012 Création du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Reprise de la guerre.
1962-1964 Rébellion touareg. Répression violente.
1968 Coup d’Etat militaire. Début de la dictature de Moussa Traoré.
1990 Rébellion touareg.
1991 Fin de la dictature. Signature d’un accord de paix à Tamanrasset (Algérie) le 6 janvier 1991. Sa non-application entraîne la reprise du soulèvement, suivie d’une intense répression et d’exactions militaires provoquant un exode vers les pays voisins.
1992 Signature d’un Pacte national de paix avec les Touaregs.
1996 Dissolution du mouvement de rébellion touareg malien, le MFUA (Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad).
2002 Alternance démocratique avec l’élection d’Amadou Toumani Traoré (ATT).
2006 Attaque des garnisons de Kidal et de Ménaka par l’Alliance démocratique pour le changement du 23 mai (ADC), qui marque le début d’une nouvelle rébellion touareg. Le 4 juillet 2006, signaturedes accords d’Alger.
Mai 2007 Reprise du conflit touareg : affrontements, attaques de dépôts d’armes, enlèvements, nouvel accord… Une situation qui perdure aujourd’hui dans un environnement où sont présents des membres d’Al-Qaida.
Janvier 2012 Création du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Reprise de la guerre.
REPÈRE — Qui sont les Touaregs ?
Ceux sont des populations berbères nomades musulmanes. Bergers, ils vivent essentiellement au Niger, au Mali, en Algérie et en Libye. Les Touaregs sont organisés en tribus. Les hommes portent un voile indigo (tagelmust), d’où leur surnom d’“hommes bleus”. Ce sont des musulmans sunnites et ils parlent une langue berbère : le tamacheq.
Nomades dans l’âme, les Touaregs se nomment eux-mêmes Imajeren (hommes libres). Ce peuple compte de 1 à 3 millions d’individus, d’après l’Unesco ; 85 % d’entre eux vivent au Mali, où ils représentent 10 % de la population. Dans la société touareg, les femmes bénéficient d’un statut inégalé : détentrices des savoirs et des richesses, elles sont les gardiennes des traditions.
Nomades dans l’âme, les Touaregs se nomment eux-mêmes Imajeren (hommes libres). Ce peuple compte de 1 à 3 millions d’individus, d’après l’Unesco ; 85 % d’entre eux vivent au Mali, où ils représentent 10 % de la population. Dans la société touareg, les femmes bénéficient d’un statut inégalé : détentrices des savoirs et des richesses, elles sont les gardiennes des traditions.
PROFIL — Un intellectuel dans la guerre
“Je suis né berger nomade, de parents touaregs, dans le nord du Mali entre Tombouctou et Gao, le sable dans les yeux en regardant les étoiles”, peut-on lire sur son blog. Moussa Ag Assarid est poète, écrivain, aujourd’hui révolutionnaire par la force des choses. “Beaucoup d’amis m’ont envoyé des textos pour me dire qu’ils avaient été choqués par mon engagement au MNLA. Je veux leur dire que je reste un homme épris de paix et de liberté. C’est au nom de ces valeurs que j’ai adhéré à ce mouvement.”
Titulaire d’un master en management du développement et communication acquis en France, ce trentenaire qui est aussi journaliste est chargé de la communication et des affaires humanitaires au sein du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). “Je ne peux pas rester passif face à la destruction de mon peuple sous prétexte que je suis un pacifiste.” Moussa Ag Assarid vit entre le désert malien et la capitale française
Titulaire d’un master en management du développement et communication acquis en France, ce trentenaire qui est aussi journaliste est chargé de la communication et des affaires humanitaires au sein du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). “Je ne peux pas rester passif face à la destruction de mon peuple sous prétexte que je suis un pacifiste.” Moussa Ag Assarid vit entre le désert malien et la capitale française
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