Où va l’Azawad?
Le 6 Avril 2012, il y a deux ans jours pour jours, porté par la légitime attente populaire, le MNLA proclamait «irrévocablement» l'indépendance de l'Azawad. Cette proclamation était, pour les azawadiens, le point d'orgue de la recherche d'une liberté, jadis si précieusement conservée, volée pour la première fois durant la colonisation française au début du 20ème siècle.
Cependant, alors que les azawadiens se lançaient fièrement sur les sentiers de la construction nationale, et que la Communauté Internationale les observaient pour prendre parti, le MNLA avec à sa tête son Secrétaire Général Bilal Ag Acherif décidait de leur couper l'herbe sous les pieds. Au lieu de porter la voix du peuple de l'Azawad dans le monde, le MNLA ne trouvait rien d'autres à faire que de tenter de s'allier avec les islamistes d'Ansar Adine qui deviendront officiellement terroristes quelques mois plus tard.
Ayant dès lors perdu en crédibilité aux yeux de la Communauté Internationale qui décida alors d'appuyer fortement le Mali, la direction politique du MNLA continua à s'enfoncer dans ses erreurs quitte à ignorer les aspirations de la population de l'Azawad. Fermé à huit-clos dans un hôtel du Burkina Faso, le leadership du MNLA signe un accord qui lui a été imposé et dont il ignore en grande partie le sens. Dans cet accord, le MNLA reconnait l'intégrité territoriale du Mali et par ricochet, revient sur sa déclaration, pourtant "irrévocable", de l'indépendance de l'Azawad.
Les porte-paroles du MNLA qui ventaient la République Laïque de l'Azawad ou encore la République Islamique de l'Azawad devenaient subitement des supporteurs de l'intégrité territoriale du Mali et ventaient désormais l'édification d'un "Mali nouveau". Il faut dire que les biens mal acquis à vitesse exponentielle sont de fortes motivations pour tout groupe d'hommes aux faibles convictions.
La direction politique du MNLA a abandonné la notion même d'indépendance de l'Azawad. Alors, aujourd'hui, en ce deuxième anniversaire de la déclaration du 6 Avril 2012, que reste-t-il de l'Azawad enfin libre et indépendant?
Nous serons tentés de dire personne à part les femmes, les jeunes et les combattants du MNLA.
Lorsque les combattants ont presque failli face à l'avancée terroriste en fin 2012, ce sont les femmes, dont l'Association des Femmes de l'Azawad, qui ont porté et fort les couleurs de l'Azawad jusqu'à dans les maisons du terroriste Iyad Ag Ghaly à Kidal et de son ex-chef militaire Cheikh Ag Aoussa.
Si les politiques ont transformés leur quête de liberté en quête de retombées financière, les femmes, elles n'ont fait que redoubler d'efforts depuis le début de l'intervention française en Janvier 2013. A l'image de Nina Walet Intalou, ces femmes qui ont réussi à la sueur de leurs fronts, ne sont pas prêtes à monnayer leurs convictions contre des espèces sonnantes et trébuchantes. A l'image d'Assi Walet Hitta, Présidente de l'Association des Femmes de l'Azawad, ces femmes qui ont fait face à toutes les adversités ne sont pas prête d'abandonner leurs convictions contre des intimidations. Mais pour véritablement peser sur le devenir de l'Azawad, les femmes doivent encore plus s'imposer et encore plus s'opposer à des décisions contraires à leurs visions.
Quant aux jeunes, ils commencent timidement à montrer leur mécontentement à la direction politique du MNLA. Ainsi, des slogans comme «Bahou Imda » (fini le mensonge, en langue tamasheq) sont utilisés dans les causeries et sur les réseaux sociaux pour "faire pression" sur des "dirigeants dirigés " du MNLA. Malheureusement, tout comme la direction politique du MNLA, la jeunesse azawadienne manque un véritable leadership lui permettant d'aller au bout de ses actions. Au Burkina Faso, le leadership du MNLA lui a interdit de fêter l'anniversaire de l'indépendance de l'Azawad, conformément à l'Accord Préliminaire de Ouagadougou. Se pliera-t-elle, en permanence, aux directives du bureau politique du MNLA? S'érigera-t-elle enfin en actrice censée préserver les acquis de la révolution au lieu de la spectatrice qu'elle est actuellement? Les prochaines semaines diront si la jeunesse azawadienne est enfin prête à jouer pleinement son rôle d'arbitre dans la révolution azawadienne.
Enfin, les combattants du MNLA continuent d'être les oubliés de la révolution actuelle. Pendant que de nombreux leaders politiques du MNLA s'enrichissent illicitement, les combattants, eux, n'arrivent souvent pas à manger trois repas par jour. Mais pour préserver leur idéal, ils continuent d'accepter leur situation et même à avoir indéfectible confiance, souvent aveugle, en leurs dirigeants politiques. Contrairement aux femmes et aux jeunes, pour maintenir l'ordre et la hiérarchie au sein du MNLA, ils ne peuvent directement s'opposer à leur leaders. Mais pour le devenir de la révolution de l'Azawad, ils devront inlassablement trouver la meilleure formule pour tenir la direction politique responsable de ses actions tout en préservant la cohésion interne de leur organisation.
Malgré le boycott d'une importante partie du bureau politique du MNLA, aux yeux des azawadiens, l'Azawad fête aujourd'hui le deuxième anniversaire de son "irrévocable" indépendance. Ces deux années sont une source de motivation pour de nombreux azawadiens qui se disent que le futur de l'Azawad ne peut-être que meilleur après les difficultés passées.
Par Acheick Ag Mohamed,
Directeur de Toumast Press
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