Le politique dans l’histoire touarègue
Hélène Claudot-Hawad
Un document inédit à propos du massacre de la mission Flatters en 1881
p. 49-56
Texte intégral
1Vers la mi-avril 1890, c’est-à-dire neuf ans après le massacre de la mission Flatters au puits d’In Ohahen, une rencontre discrète a lieu à Biskra entre le général de la Roque, commandant militaire de ces territoires et un envoyé de l’amenoûkal de l’Ahaggar : Abderrahmane ben Meklaoui, Afaris (Afaghis) par son père et Kel Rela (Kel Ghela) par sa mère (âgé d’environ 38 ans). C’est un neveu du Cheikh Othman ag el hadj Ahmed qui connut Henri Barth et Henri Duveyrier, et que le même général de la Roque avait ramené du sud de Metlili à Laghouat en 1859 pour des entretiens pacifiques. Abderrahmane dit avoir été désigné avec deux autres personnes par quatre tribus qui sollicitaient la paix avec les Français : les Kel Rela, les Iforas, les Taitoq, les Iménan. “Ces quatre tribus représentent la force et la prépondérance, elles peuvent s’imposer aux autres”, dit-il. Mais arrivés à Ghadamès, ses deux autres compagnons se sont laissé convaincre par les commerçants de cette ville d’abandonner le projet de se rendre jusqu’à El-Oued pour rencontrer les Français. Les Ghadamésiens, d’après Abderrahmane, avaient peur qu’il en résulte un détournement de leur commerce vers El-Oued. En outre, trois Chaânba sont venus spécialement de Ouargla pour empêcher aussi cette démarche.
2Abderrahmane échappant à la surveillance de tous est tout de même arrivé à El- Oued. Averti de sa présence, le général de la Roque le fait venir à Biskra pour s’entretenir avec lui au cours de quatre entretiens transmis au gouverneur général de l’Algérie, dans une note confidentielle manuscrite, en date du 4 mai 1890, par le général commandant la division de Constantine.
- 1 Voir annexe 1
3Ce document d’archive (découvert aux Archives d’Outre Mer, série H)1 dont personne n’a jamais fait état à notre connaissance, nous a paru extrêmement intéressant à étudier pour comprendre aujourd’hui, avec ce que nous savons des populations locales et de la politique de la France, les origines et les conséquences des erreurs et des incompréhensions réciproques. L’on peut mesurer aussi combien la littérature sur les raisons profondes de la défaite de la mission Flatters, est encore lacunaire et erronée sur bien des points. Enfin, ce document nous éclaire aussi sur la politique d’opposition de certains groupes touaregs à la colonisation française, politique qui ne pouvait être maintenue que par le changement du chef suprême (Amenoûkal) de l’Ahaggar.
4Le document comporte une lettre du général de la division de Constantine (de quatre pages) au gouverneur général, une note sur Abderrahmane ben Meklaoui et la minute des quatre entretiens manuscrite sur 32 feuillets. La lecture de ces entretiens est riche d’enseignements de différentes natures.
- Des deux côtés le ton est ferme, parfois dur, en particulier chez le général qui représente l’agressé. Mais l’ensemble apparaît d’une haute tenue morale, d’une grande franchise et d’une grande élégance. Le texte est vraisemblablement remanié pour la nécessité du rapport mais ne semble pas avoir été ni tronqué, ni édulcoré. Les interlocuteurs se respectent et aucun n’essaie la moindre séduction, la moindre roublardise dans ses raisonnements. Cependant, si le discours d’Abderrahmane Ben Meklaoui est clair et direct, il ne convainc pas tout à fait le général de la Roque qui soupçonne, à juste raison, des zones d’ombres dûes à sa méconnaissance de la société touarègue et de son fonctionnement interne.
- Le personnage d’Abderrahmane exprime par son intelligence, son caractère réfléchi, posé, l’élégance de son discours, une culture qui forçait le respect et qui exigeait une grande attention de son interlocuteur. Il ne cache pas la faiblesse des siens, le manque de cohésion du commandement touareg, mais défend l’autorité du consensus obtenu à travers l’assemblée appelée mihad dans le texte, mot qui devrait s’écrire micad qui signifie “assemblée” en arabe ou délégation ; il se dit tediut en tamâhaq ou emeni, assemblée politique des guerriers avec leur chef traditionnel. Abderrahmane relate avec précision les circonstances du massacre en corrigeant quelques détails, circonstances que contrôle le général sur les documents qu’il détient. Par exemple, Flatters a d’abord été transpercé d’un javelot, on a tenté ensuite de l’assommer avec un vase en cuivre, puis il a été achevé d’un coup de feu par Sghir, son guide.
- Abderrahmane dit la vérité, mais pas toute la vérité, car ses intentions sont claires : reprendre une politique de bonnes relations avec les Français comme l’avait engagée Cheikh Othman ag el hadj Ahmed son oncle, rejeter toute la responsabilité du massacre de la mission Flatters sur les Ouled Messaoud appelés dans le Hoggar Tédjéhé Mellet. Il dit notamment :
“Partout où nous allons... nous nous heurtons à vous, chez les Oudema du Sud tunisien, aux portes de Ghadamès, c’est à vous que nous avons affaire ; au Nefzaoua c’est à vous aussi, et dans le Sahara jusqu’à Figuig, nous vous trouvons partout ; avec vous ces contrées-là nous sont fermées, et nous sommes comme murés chez nous”.
5C’est dire aussi l’énorme latitude des relations commerciales des nomades du Sahara central sans compter celles avec le Niger et le Soudan en général.
6C’est à propos de la grande insistance que met Abderrahmane à rejeter la responsabilité de cette affaire sur les Ouled Messaoud, alias Tédjéhé Mellet, qu’il convient de nous interroger pour comprendre ce qui s’est passé.
7Il faut tout d’abord relever les erreurs grossières et fatales de Flatters qu’explique très bien Abderrahmane.
- Aïtarel attendait la mission sur son territoire et s’était engagé à la protéger. Il attendait aussi avec impatience des cadeaux promis, entre autre une jument baie, une tente et beaucoup d’autres menus présents. Il savait que le but de cette mission était de rejoindre le Soudan.
- Or, la mission ne va pas directement sur le territoire des Kel Rela que commandait Aïtarel, pas plus sur celui des Kel Ajjer ; elle louvoie entre les deux et se trouve sans le savoir sur les terres des Tédjéhé Mellet. A partir de ce moment, la protection politique ne jouait plus ni pour les uns, ni pour les autres (c’est-à-dire ni pour Ikhenoukhen, ni pour Aïtarel) ; la colonne était une proie à prendre. Pendant ce temps, Aïtarel revient d’In Salah et il est à plusieurs jours de marche de l’Amadror que contourne la mission.
- Outre le manque de vigilance autour de la colonne qui se laisse envahir par des Touaregs étrangers lesquels supputent ses forces et analysent les moindres détails, Flatters commet l’erreur de renvoyer les guides qu’il avait depuis Ouargla et ce, sur le conseil de Chikat chef des Tédjéhé Mellet qui lui en propose d’autres de son choix. Celui-ci apparaît dès que la colonne entre dans son territoire, mais ne dit pas vraiment qui il est ; il annonce sans vergogne qu’il remplace Aïtarel et qu’il est son envoyé. Abderrahmane raconte :
“C’est alors que le colonel a congédié ouan Tidi, ould Abdelkena et Hamoun ben Djebbour des Iforas. Ce sont ces deux guides qui nous ont appris qu’ils avaient été renvoyés, et nous n’avons pas douté alors que la colonne n’eût été entraînée dans un piège. En effet, dès le surlendemain nous avons appris le désastre...”.
8Sur tous ces points, l’envoyé d’Aïtarel a entièrement raison. Mais il n’affranchit pas son interlocuteur sur l’imbroglio véritable de la situation. Son interlocuteur n’aurait pu le suivre quand bien même il eût été capable d’expliquer les modes de fonctionnement de la société touarègue. C’est seulement aujourd’hui, après des années d’études sur la parenté et les généalogies des Touaregs, que l’on peut enfin avoir connaissance des clés qui nous permettent de comprendre les différences fondamentales qui expliquent les distorsions de jugement et d’appréciation dans une pareille affaire.
9D’un point de vue des stratégies géopolitiques et commerciales il est certain que les Ouled Sidi Cheikh, marabouts et maîtres à penser des Chaânba, ont soutenu et favorisé la trahison de Sghrir ben Cheikh, le principal guide de Flatters pour faire échouer la mission dans une stratégie globale contre l’hégémonie française. Les objectifs politiques et commerciaux de la colonne contrariaient leurs intérêts et allaient perturber tous les réseaux de leur clientèle. Or, les Chaânba, ennemis jurés des Kel Ahaggar sur le plan politique et commercial, avaient des alliés et parents en Ahaggar même ; c’était ces fameux Ouled Messaoud, appelés Tédjéhé Mellet en pays touareg. Rien ne distinguait apparemment les Tédjéhé Mellet en Ahaggar des autres Touaregs, sinon qu’ils se réclamaient d’une double filiation et d’une double culture : “arabe” Ouled Messaoud par leurs pères, “touarègue” Tédjéhé Mellet par leurs mères, lesquelles étaient aussi souvent Kel Rela. C’est en reconstituant minutieusement les généalogies des uns et des autres que l’on peut seulement juger à quel point les lignages patri- et matrilinéaires se croisent et s’entremêlent comme la chaîne et la trame d’un tissu.
Liens généalogiques d’Aïtarel et de ses successeurs
Aïtarel succède à El Hadj Akhmed (son cousin parallèle) qui était le fils de Zahra, première fille de Kella
Mohamed ag Ourzig était le fils aîné de la sœur cadette d’Aïtarel, donc son successeur le mieux placé
Attici ag Amellal était le fils aîné de la deuxième sœur cadette d’Aïtarel mais il venait après Mohamed et Cheikh ag Ourzig, parmi les prétendants à la succession
Mohamed ag Ourzig était le fils aîné de la sœur cadette d’Aïtarel, donc son successeur le mieux placé
Attici ag Amellal était le fils aîné de la deuxième sœur cadette d’Aïtarel mais il venait après Mohamed et Cheikh ag Ourzig, parmi les prétendants à la succession
10Qui étaient ces Tédjéhé Mellet de l’Ahaggar ?
11Ce sont des Berbères qui se disent originaires du Tidikelt et qui ont guerroyé contre les Kel Ahaggar. Ils ont obtenu au xviiie siècle, de l’amenoûkal Sidi ag Mohamed el Kheir deux tribus “vassales” (les Kel Ohet et Kel Terourit, issus des Isseqqamaren) et un territoire se situant sur la frontière est entre l’Ahaggar et l’Ajjer. Ils ont toujours refusé la tutelle des Kel Ahaggar et ont proclamé l’indépendance de leur commandement (ettebel), malgré leur faiblesse démographique. Pour s’opposer aux Kel Ahaggar ils ont constamment cherché des alliances comme celle des Kel Ahen Mellen du Tidikelt au xviiie siècle ou des Chaânba au xixe siècle. Leurs terrains de parcours se situent autour d’Amguid, dans l’Ounane, l’Egéré, le Gharis et le Tiramar.
12Quand Abderrahmane déclare à propos du groupe de 200 hommes qui ont attaqué la colonne Flatters :
“.. il n’y a qu’un seul homme de famille noble qui ait assisté au massacre, cet homme se nomme Amgadi, et il est de la tribu des Bou Bellel”
13Il faut comprendre ce qu’il dit. Mohamed, dit Wangadi, est fils de Ag Entouan et de Amehis, descendante directe de Kella et de Sidi Malek, donc héritier du droit au commandement des Kel Rela. Quant à la référence à cette tribu des Bou Bellel qui pouvait être celle de son père nous ne pouvons l’éclaircir. Parlant en arabe à des interlocuteurs qui pensaient en arabe, avec les catégories de classement qui leur sont propres, Abderrahmane fait constamment référence à la patrilinéarité des gens qu’il cite. Apparemment il ne ment pas.
14Mais les réalités étaient plus complexes. D’une part, un certain nombre de ces Tédjéhé Mellet/Ouled Messaoud par leur père, étaient Kel Rela par leur mère et donc, dans les catégories socio-politiques des Kel Ahaggar considérés comme Kel Rela ; par ailleurs les deux guerriers les plus combatifs et les plus cruels à l’égard des survivants de la mission furent Attici et Anaba ag Amellal, fils de la sœur cadette de Aïtarel appelée Khawila (fille de Amenna et de Mohamed Biska), donc ses neveux utérins. Il convient de rappeler que les fils de la sœur d’un homme pourvu du commandement, sont les héritiers directs de cette homme (voir Le fils et le neveu, jeux et enjeux de la parenté touarègue, 1986). Pour sauvegarder ces héritiers, un certain nombre de règles de relations parentales, économiques, socio-politiques régissent leurs rapports avec l’oncle. Celui-ci doit subvenir aux besoins de ses neveux, subir leurs prédations, voire leurs exactions sans s’en offenser ; il doit les protéger en toutes circonstances ; il transmet à sa mort son épée au fils aîné de sa sœur ; sa fille est promise à ce dernier ; celle-ci ne peut se marier avec un autre homme qu’en dédommageant son cousin croisé d’une paire de sandales remise lors de la cérémonie du mariage sur le trajet durant lequel elle se rend chez son futur époux (voir M. Gast et J.-P. Jacob, 1978).
15Il faut connaître la force de ces règles et la situation d’impuissance dans laquelle se trouve un oncle à l’égard de ses turbulents neveux, même s’il est le chef suprême. Aïtarel ne pouvait ni réprimer, ni sanctionner Attici et Anaba qui, avec la complicité du chef des Tédjéhé Mellet, le mettait impunément en fâcheuse posture. L’on peut se permettre d’aller plus loin dans ce raisonnement. Attici, bien qu’encore jeune, était à l’époque l’un des prétendants à la succession d’Aïtarel. Son concurrent et aîné, Mohamed ag Ourzig fils aîné de la sœur aînée de sa mère (Katouh, sœur d’Aïtarel et de Khawila) était mieux placé que lui. Attici par cette action voulait très certainement précipiter la succession d’Aïtarel en se présentant comme le champion de l’indépendance touarègue, exaltant son courage et ses valeurs guerrières. On sait ce qu’il advint à la mort d’Aïtarel en 1900 : Attici réclamant la chefferie en même temps que Mohamed ag Ourzig, est consacré am enoûkal au même moment que ce dernier par un marabout maladroit (voir Benhazera 1908 : 127). En suscitant l’animosité entre Aïtarel et les Français, ces derniers risquaient fort dans leur vengeance de se débarrasser du chef des Kel Ahaggar considéré comme principal responsable du massacre. Si la succession avait été ouverte, Attici était prêt à s’imposer déjà en 1881 comme chef suprême, héritier du commandement, et à barrer la route aux Français (ce qu’il s’efforça encore de faire après la mort d’Aïtarel). Cependant pour un observateur étranger, l’attitude d’Attici, du vivant d’Aïtarel peut apparaître ambiguë car il se réclamait alors de l’appartenance aux Tédjéhé Mellet par son père en s’opposant ouvertement à son oncle maternel Kel Rela. Benhazera (1908 : p. 133) écrit sans se poser de problème :
“A l’époque de la mission Flatters ils [Attici et Anaba] étaient Tédjéhé Mellet. Aujourd’hui, depuis la mort de leur père, ils ont suivi leur mère et sont devenus Kel Rela”.
16Ce changement de références parentales en fonction de la force des clans et de l’intérêt des individus n’est pas nouveau, car Attici n’avait plus l’obstacle de son oncle pour accéder au commandement. Cette récurrence de la bilatéralité est l’un des aspects les plus déconcertants chez les Touaregs. Elle est la source de bien des confusions et peut apparaître de l’extérieur comme un imbroglio politique. Or, du point de vue “touareg” tout cela est cohérent et conséquent. Attici, selon les circonstances politiques, jouait sa meilleure carte. Les règles de fonctionnement de la parenté et d’accès au pouvoir le lui permettaient. Mais ces subtilités ne pouvaient qu’échapper au général de la Roque, et Abderrahmane ne pouvaient les lui traduire intellectuellement parlant. L’angoisse des Kel Ahaggar qui attendaient une vengeance dura plus de vingt ans. Aïtarel déconsidéré par cet événement qu’il n’avait pu maîtriser, enfermé avec les siens, géographiquement et économiquement, n’arriva pas à sortir son peuple de cette asphyxie. La tentative dAbderrahmane était, malgré les difficultés signalées plus haut, l’un des moyens qu’il mettait en œuvre pour trouver une solution honorable.
17Mais du côté français, bien que localement la situation fut jugée favorable, les conditions politiques internationales (relations de tension et de concurrence avec la Turquie, l’Allemagne et l’Angleterre à propos du partage d’influence au Maghreb, en Afrique et au Proche-Orient) imposaient une grande prudence au gouvernement français. Par ailleurs, la politique coloniale subissait des critiques acerbes à Paris, une conquête du Sahara central ne pouvait pas être envisagée à cette époque.
18Or, la même stratégie d’exaspération de l’ennemi pour le pousser à réagir est utilisé par Mohamed ag Ourzig afin de mettre en difficulté son rival Attici. Il envoie en mars 1902 l’un des siens (Baba ag Tamoklast) razzier sévèrement le campement de M’hammed ben Messis et de sa sœur Fatma qui nomadisaient aux frontières de l’Ahaggar. Celle-ci est dépouillée de ses bijoux et cravachée comme une vulgaire esclave, attitude barbare que jamais les Touaregs n’avaient ordinairement à l’égard de leurs victimes et encore moins à l’égard d’aristocrates. Ici, la provocation était flagrante, car on appliquait à une femme touarègue les règles de guerre qu’on ne réservait qu’aux étrangers que l’on méprisait et que définit le terme akafal (voir Claudot et Hawad, 1982, et Idem, 1986). Or, ce M’hammed ben Messis est un auxiliaire du commandant français à In Salah et celui-ci a toute l’opinion publique de cette oasis pour le soutenir dans l’organisation d’un contre-rezzou pour punir ces insupportables Touaregs du Hoggar. Le lieutenant Cottenest part immédiatement avec cent guerriers pour la plupart Mrabtines et Chaânba d’In Salah, prêts à se venger une fois pour toutes et surtout forts des armes et munitions dont les avait dotés le commandant Cauvet en poste à In Salah. L’on connaît la suite avec la défaite de Tit en avril 1902 et l’écrasement moral des Kel Ahaggar, puis en 1904 la démarche de Moussa ag Amestane à In Salah pour demander la paix. Attici était marginalisé auprès de l’opinion des Touaregs puis surclassé par la démarche de Moussa.
19Il faut donc reconsidérer l’histoire du massacre de la mission Flatters à travers les rivalités internes des Kel Ahaggar et de ceux-ci à l’égard des Kel Ajjer. Mais du côté français les choses n’allaient guère mieux. C’est le ministre français des Travaux Publics, M. Freycinet qui avait dressé le plan de la politique saharienne et imposé à Flatters un itinéraire (voir Valette, 1973) conçu par lui-même et ses collègues polytechniciens et ingénieurs comme Duponchel et F. Jacquemin (ardents défenseurs du chemin de fer transsaharien). D’où probablement aussi, malgré l’émotion publique, le peu d’empressement du gouvernement à s’engager politiquement après cette affaire.
20Pourrait-on dire qu’une politique de respect réciproque comme l’avait menée Othman ag el hadj Ahmed et Abderrahmane ben Meklaoui, tous deux “marabouts” iforas par leur père et pourvus d’une double culture, pouvait aboutir à un statut privilégié au Sahara central ? Il eut fallu de part et d’autre une volonté exceptionnelle et des interlocuteurs d’une grande envergure morale et politique pour imaginer le statut utopique d’un territoire perméable, mais sous contrôle de gens du pays qui auraient pu garder l’arbitrage des circuits d’échanges nord-sud.
21Cependant, Un siècle après ces événements et celui de l’aventure coloniale, le même type de problèmes se posent avec cette fois une gravité, une urgence et une globalité bien plus complexe du fait du maintien des frontières territoriales et d’une conception étatique jacobine, complètement aberrante en pays désertique.
Bibliographie
Bibliographie
BENHAZERA M.
1908 Six mois chez les Touareg du Ahaggar, Alger, A. Jourdan, 234 p.
BERNARD F.
1986 Deux missions françaises chez les Touareg en 1880-81, Alger, A. Jourdan, 326 p.
BERNUS S., BONTE P., BROCK L., CLAUDOT H., édit.
1986 Le fils et le neveu, jeux et enjeux de la parenté touarègue, Cambridge Université Press, Edit. Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 344 p.
DUVEYRIER H.
1881 Le désastre de la mission Flatters. Bulletin de la société de géographie, Paris, Ch. Delagrave, p. 364-374.
CLAUDOT H. et HAWAD M.
1984 Coups et contre-coups : l’honneur en jeu chez les Touaregs. Annuaire de l’A.A.N.1982, Paris, CNRS, XXI, p. 793-808.
1986 Akafal, Encyclopédie berbère, A 316, III, Aix-en-Provence, Edisud, p. 398-399.
GAST M.
1973 Le don des sandales dans la cérémonie du mariage des Kel Ahaggar. Actes du 1er congrès d’études des cultures méditerranéennes d’influence arabo-berbère. Malte 3-6 avril 1972, Alger, SNED, p. 522-527.
GAST M. et JACOB J.-P.
1978 Le don des sandales dans la cérémonie du mariage en Ahaggar : une symbolique juridique, Libyca, XXVI-XXVII, p. 223-233.
VALLETTE J.
1973 Quelques aspects nouveaux de l’expédition Flatters, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 15-16, p. 375-390.
Notes
1 Voir annexe 1
Table des illustrations
Titre | Liens généalogiques d’Aïtarel et de ses successeurs |
---|---|
Légende | Aïtarel succède à El Hadj Akhmed (son cousin parallèle) qui était le fils de Zahra, première fille de KellaMohamed ag Ourzig était le fils aîné de la sœur cadette d’Aïtarel, donc son successeur le mieux placéAttici ag Amellal était le fils aîné de la deuxième sœur cadette d’Aïtarel mais il venait après Mohamed et Cheikh ag Ourzig, parmi les prétendants à la succession |
URL | http://books.openedition.org/iremam/docannexe/image/2788/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 384k |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire