Soumis par agellid le dim, 11/09/2014 - 21:41
Des négociations pour le retour à la paix entre le Mali et l’Azawad se déroulent à Alger depuis de longs mois sous les auspices du gouvernement algérien. Selon nos informations, un accord dit de paix serait sur le point d’être signé entre les mouvements politico-militaires de l’Azawad et le gouvernement malien.
Nous serions naturellement très heureux qu’un accord qui reconnaîtrait la nécessité des procédures et des moyens politiques, humains, techniques et financiers, destinés à être mis en œuvre pour lutter efficacement contre les causes profondes qui provoquent depuis plus d’un demi-siècle des révoltes populaires à répétition, soit signé le plus rapidement possible. Hélas, nous devons admettre que le document proposé à la signature des parties prenantes est le plus mauvais « accord de paix » qui ait été jamais proposé aux mouvements de résistance de l’Azawad. Ce document ne satisfait même pas aux exigences de forme et n’apporte aucune réponse sérieuse aux graves problèmes très explicitement développés par les représentants des populations de l’Azawad. Il est même en net recul par rapport aux accords précédents.
La médiation internationale, riche d’une expérience de plus de deux décennies sur cette question, devrait pourtant pouvoir proposer autre chose que des petits arrangements de circonstance qui risquent de raviver les tensions et d’entamer définitivement la confiance des populations locales.
Le nom même de l’Azawad, qui désigne pourtant les trois régions du Nord (Kidal, Tombouctou et Gao), n’est pas accepté par cet « accord », qui mentionne de manière méprisante dans son préambule « les régions du nord Mali appelées par certains (sic) Azawad ». Au nom de quel principe ou de quel droit peut-on refuser aux populations locales de dénommer le territoire de leurs ancêtres, le berceau de leur histoire et leur lieu de vie, comme elles l’entendent ? On observe également que la spécificité historique, géographique, humaine et culturelle de l’Azawad n’est pas mentionnée, donc forcément pas reconnue. Un comble si l’on se réfère à l‘incroyable crispation que l’évocation du nom Azawad génère dans la tête de ceux qui nient farouchement son existence, faisant disparaitre comme par magie une réalité humaine très ancienne et bien palpable. C’est une forme de négationnisme qui ne saurait être accepté.
Egalement dans le préambule, il est indiqué que « la situation dans les régions du nord, marquées par une violence cyclique (sic) qui a causé des souffrances, exacerbé l’incompréhension et engendré une très grande pauvreté … », laissant ainsi entendre que les graves conséquences de cette crise incombent aux populations locales, ce qui est naturellement une falsification des réalités locales et des faits historiques, en faisant croire que les populations sont responsables de leur propre malheur. En revanche, la lourde responsabilité de l’Etat malien dans la marginalisation des territoires du nord et même leur abandon aux terroristes et aux narco-trafiquants, n’est nulle part évoquée.
Nous demandons que la communauté internationale, qui facilite l’élaboration de l’accord, soit beaucoup plus attentive à ce qui constitue les raisons de vivre des populations du Nord, en particulier leur exigence de dignité. Il faut reconnaitre aux populations de ces territoires d’avoir construit une manière de vivre au cours des temps, en toute autonomie, sans intervention d’aucune sorte et que c’est à partir de la prise en main brutale du monde extérieur dans leurs affaires que leurs conditions d’existence et leur liberté ont commencé à se dégrader.
Il est également important d’affirmer avec conviction que la satisfaction des revendications des populations de l’Azawad ne porterait en aucun cas préjudice aux populations du sud. Au contraire, celles-ci seraient tout autant bénéficiaires des exigences de justice, de démocratie, de liberté et de répartition équitable des richesses du pays. Par conséquent il est nécessaire de dénoncer et de combattre les idées de certains « nationalistes » maliens qui proclament de manière irresponsable que les droits accordés à l’un, le Nord, le seraient au détriment de l’autre, le Sud, ce qui est porteur du germe de la discorde et du malheur du pays.
Par ailleurs, le texte ne fait aucune référence aux souffrances des populations touarègues, pas plus qu’il n’y a l’ombre d’une analyse même sommaire sur les raisons qui les poussent à se révolter régulièrement depuis l’indépendance du Mali. Rien n’est mentionné non plus sur les anciens accords signés entre l’Azawad et le Mali ni pour quelles raisons ces accords passés n’ont pas été respectés par les gouvernements maliens.
Dans la partie la plus importante de ce projet d’accord de paix, qui concerne « le cadre institutionnel et la réorganisation territoriale », il n’y a aucun changement significatif par rapport à l’organisation administrative et institutionnelle actuelle. On se demande pourquoi il n’est plus question du statut politique pour l’Azawad ? Les mouvements de résistance de l’Azawad, en particulier le MNLA, ont accepté de renoncer au projet d’indépendance au profit d’un système fédéral. Pourquoi n’est-il plus question de cela ? Pourquoi le statut de large autonomie pour l’Azawad, seule solution susceptible de mettre un terme au conflit politique qui oppose l’Azawad à l’Etat malien n’est pas retenu ? Ce statut politique pour l’Azawad ne devrait souffrir d’aucune ambiguïté, car il constitue l’épine dorsale de la solution au conflit. Focaliser l’attention uniquement sur des considérations sécuritaires ou de développement constitue une diversion coupable qui risque d’hypothéquer toute possibilité d’accord durable.
Nous mettons fermement en garde toutes les parties prenantes contre tout rafistolage négocié ou imposé entre le Mali et l’Azawad qui aurait pour conséquence de ruiner les espoirs de paix et de radicaliser une partie des communautés. Ce qui se profile à Alger est dangereux pour l’ensemble de la sous-région et contient les germes d'une instabilité encore plus importante que celle que nous avons connue ces dernières années. Les méthodes qui ont échoué depuis plus de vingt ans ne sauraient être remises d’actualité, sauf si la communauté internationale souhaite entretenir un foyer d’instabilité ad vitam aeternam au cœur de la bande sahélo-saharienne. Les expériences du passé doivent impérativement servir de leçons à la médiation internationale pour construire des solutions réalistes et durables de sortie de ce conflit. Le Mali et l’Azawad ont besoin d’être sérieusement accompagnés dans la conception et la mise en œuvre d’une feuille de route qui leur permettra de cohabiter pacifiquement dans des frontières intangibles et respectueuses des intérêts de chaque partie.
L’instabilité politique vient souvent de l’incapacité des Etats à imaginer des institutions capables de pratiquer une gouvernance adaptée aux réalités et aux aspirations de leurs populations. Une redéfinition des méthodes d’administration des Etats devient aujourd’hui un impératif vital pour les pays de la sous-région. Le respect des peuples et des équilibres de ces régions est une exigence stratégique afin de faire face aux nouveaux défis. Le glissement d’un sentiment national, qui a longtemps été le moteur de la résistance, vers une appartenance religieuse, qui transcende et domine les autres aspects identitaires, constitue un signe frappant de l’échec des systèmes politiques issus de la colonisation.
En tout état de cause, si cet accord devait demeurer en l’état, nous sommes convaincus, qu’il n’apporterait aucune évolution positive et serait largement rejeté par les populations de l’Azawad. Il discréditerait pour longtemps toutes les parties signataires et nous ramènerait directement à la case départ.
Nous appelons donc tout un chacun, y compris et en premier lieu l’Algérie, qui porte une lourde responsabilité morale en tant que facilitateur, de revoir ce document dans le sens d’une réelle prise en compte des aspirations des Azawadiens à prendre leur destin en main, tout en respectant les frontières internationales actuelles de l’Etat malien.
Paris, 9 novembre 2014
Abdoulahi ATTAYOUB
Président de Survie Touarègue-Temoust
Khalid ZERRARI
Président du Congrès Mondial Amazigh
La médiation internationale, riche d’une expérience de plus de deux décennies sur cette question, devrait pourtant pouvoir proposer autre chose que des petits arrangements de circonstance qui risquent de raviver les tensions et d’entamer définitivement la confiance des populations locales.
Le nom même de l’Azawad, qui désigne pourtant les trois régions du Nord (Kidal, Tombouctou et Gao), n’est pas accepté par cet « accord », qui mentionne de manière méprisante dans son préambule « les régions du nord Mali appelées par certains (sic) Azawad ». Au nom de quel principe ou de quel droit peut-on refuser aux populations locales de dénommer le territoire de leurs ancêtres, le berceau de leur histoire et leur lieu de vie, comme elles l’entendent ? On observe également que la spécificité historique, géographique, humaine et culturelle de l’Azawad n’est pas mentionnée, donc forcément pas reconnue. Un comble si l’on se réfère à l‘incroyable crispation que l’évocation du nom Azawad génère dans la tête de ceux qui nient farouchement son existence, faisant disparaitre comme par magie une réalité humaine très ancienne et bien palpable. C’est une forme de négationnisme qui ne saurait être accepté.
Egalement dans le préambule, il est indiqué que « la situation dans les régions du nord, marquées par une violence cyclique (sic) qui a causé des souffrances, exacerbé l’incompréhension et engendré une très grande pauvreté … », laissant ainsi entendre que les graves conséquences de cette crise incombent aux populations locales, ce qui est naturellement une falsification des réalités locales et des faits historiques, en faisant croire que les populations sont responsables de leur propre malheur. En revanche, la lourde responsabilité de l’Etat malien dans la marginalisation des territoires du nord et même leur abandon aux terroristes et aux narco-trafiquants, n’est nulle part évoquée.
Nous demandons que la communauté internationale, qui facilite l’élaboration de l’accord, soit beaucoup plus attentive à ce qui constitue les raisons de vivre des populations du Nord, en particulier leur exigence de dignité. Il faut reconnaitre aux populations de ces territoires d’avoir construit une manière de vivre au cours des temps, en toute autonomie, sans intervention d’aucune sorte et que c’est à partir de la prise en main brutale du monde extérieur dans leurs affaires que leurs conditions d’existence et leur liberté ont commencé à se dégrader.
Il est également important d’affirmer avec conviction que la satisfaction des revendications des populations de l’Azawad ne porterait en aucun cas préjudice aux populations du sud. Au contraire, celles-ci seraient tout autant bénéficiaires des exigences de justice, de démocratie, de liberté et de répartition équitable des richesses du pays. Par conséquent il est nécessaire de dénoncer et de combattre les idées de certains « nationalistes » maliens qui proclament de manière irresponsable que les droits accordés à l’un, le Nord, le seraient au détriment de l’autre, le Sud, ce qui est porteur du germe de la discorde et du malheur du pays.
Par ailleurs, le texte ne fait aucune référence aux souffrances des populations touarègues, pas plus qu’il n’y a l’ombre d’une analyse même sommaire sur les raisons qui les poussent à se révolter régulièrement depuis l’indépendance du Mali. Rien n’est mentionné non plus sur les anciens accords signés entre l’Azawad et le Mali ni pour quelles raisons ces accords passés n’ont pas été respectés par les gouvernements maliens.
Dans la partie la plus importante de ce projet d’accord de paix, qui concerne « le cadre institutionnel et la réorganisation territoriale », il n’y a aucun changement significatif par rapport à l’organisation administrative et institutionnelle actuelle. On se demande pourquoi il n’est plus question du statut politique pour l’Azawad ? Les mouvements de résistance de l’Azawad, en particulier le MNLA, ont accepté de renoncer au projet d’indépendance au profit d’un système fédéral. Pourquoi n’est-il plus question de cela ? Pourquoi le statut de large autonomie pour l’Azawad, seule solution susceptible de mettre un terme au conflit politique qui oppose l’Azawad à l’Etat malien n’est pas retenu ? Ce statut politique pour l’Azawad ne devrait souffrir d’aucune ambiguïté, car il constitue l’épine dorsale de la solution au conflit. Focaliser l’attention uniquement sur des considérations sécuritaires ou de développement constitue une diversion coupable qui risque d’hypothéquer toute possibilité d’accord durable.
Nous mettons fermement en garde toutes les parties prenantes contre tout rafistolage négocié ou imposé entre le Mali et l’Azawad qui aurait pour conséquence de ruiner les espoirs de paix et de radicaliser une partie des communautés. Ce qui se profile à Alger est dangereux pour l’ensemble de la sous-région et contient les germes d'une instabilité encore plus importante que celle que nous avons connue ces dernières années. Les méthodes qui ont échoué depuis plus de vingt ans ne sauraient être remises d’actualité, sauf si la communauté internationale souhaite entretenir un foyer d’instabilité ad vitam aeternam au cœur de la bande sahélo-saharienne. Les expériences du passé doivent impérativement servir de leçons à la médiation internationale pour construire des solutions réalistes et durables de sortie de ce conflit. Le Mali et l’Azawad ont besoin d’être sérieusement accompagnés dans la conception et la mise en œuvre d’une feuille de route qui leur permettra de cohabiter pacifiquement dans des frontières intangibles et respectueuses des intérêts de chaque partie.
L’instabilité politique vient souvent de l’incapacité des Etats à imaginer des institutions capables de pratiquer une gouvernance adaptée aux réalités et aux aspirations de leurs populations. Une redéfinition des méthodes d’administration des Etats devient aujourd’hui un impératif vital pour les pays de la sous-région. Le respect des peuples et des équilibres de ces régions est une exigence stratégique afin de faire face aux nouveaux défis. Le glissement d’un sentiment national, qui a longtemps été le moteur de la résistance, vers une appartenance religieuse, qui transcende et domine les autres aspects identitaires, constitue un signe frappant de l’échec des systèmes politiques issus de la colonisation.
En tout état de cause, si cet accord devait demeurer en l’état, nous sommes convaincus, qu’il n’apporterait aucune évolution positive et serait largement rejeté par les populations de l’Azawad. Il discréditerait pour longtemps toutes les parties signataires et nous ramènerait directement à la case départ.
Nous appelons donc tout un chacun, y compris et en premier lieu l’Algérie, qui porte une lourde responsabilité morale en tant que facilitateur, de revoir ce document dans le sens d’une réelle prise en compte des aspirations des Azawadiens à prendre leur destin en main, tout en respectant les frontières internationales actuelles de l’Etat malien.
Paris, 9 novembre 2014
Abdoulahi ATTAYOUB
Président de Survie Touarègue-Temoust
Khalid ZERRARI
Président du Congrès Mondial Amazigh
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