Touaregs, les rébellions
Bilal Ag Achérif, chef de la rébellion touarègue du MNLA, reçu à Paris le 23 novembre 2012.AFP PHOTO/AHMED OUOBA
Les populations touarègues ont toujours affirmé une indépendance et une liberté de mouvement sur le Sahara et une partie du Sahel, mais l’histoire va diviser cet espace en pays avec lesquels les Touaregs vont se retrouver en difficulté. Après Touaregs : les origines de la révolte, ce deuxième chapitre intitulé Touaregs, les rébellions se consacre aux revendications identitaires et territoriales qui vont marquer l’histoire contemporaine.
Les peuples touaregs nomadisent depuis toujours dans le Sahara central et dans une partie du Sahel. Ils y ont prospéré pendant des siècles grâce au contrôle des routes et du commerce reliant le Maghreb au Soudan. Mais la colonisation du Sahara et la fin de l’activité caravanière entraînent le déclin des grandes confédérations touarègues traditionnelles. La société touarègue, condamnée à se transformer et à se sédentariser, se retrouve souvent marginalisée au sein des nouveaux Etats-nations (l’Algérie, la Libye, le Mali, le Niger et le Burkina Faso) dont les frontières divisent les communautés. Face aux conditions difficiles de survie, les Touaregs du Mali tentent en 1963-1964 de se rebeller contre le pouvoir du président Modibo Keïta, mais la très dure répression qui s'ensuit entraîne l’exode d’une partie de la population touarègue vers l’Algérie et la Libye.
Les grandes sécheresses de 1973-1974 et de 1984-1986 déciment les troupeaux de ceux qui sont restés, les obligeant à partir. Beaucoup cherchent refuge dans les pays voisins, créant deux autres grandes vagues d’émigration vers le Niger, le Burkina Faso, l’Algérie, la Mauritanie, la Libye et même l’Arabie saoudite. Ces exodes donnent naissance à une nouvelle génération de rebelles touaregs qui se réorganisent dès 1986 au Mali et au Niger.
→ A (re)lire : Touaregs: les origines de la révolte
La rébellion de 1990 à 1996
A la fin de 1987, le président du Niger, le général Ali Saïbou, propose une amnistie politique et une aide à la réinsertion pour tous les exilés. Cette ouverture entraîne le retour de nombreux réfugiés touaregs qui acceptent de revenir au Niger, mais les conditions d’accueil et d’aide se révèlent insuffisantes et le retour se passe mal.
Au Mali où les Touaregs n’ont jamais été intégrés à la vie institutionnelle, le contexte est hostile et un ancien de l’armée libyenne, le Touareg Iyad Ag Ghali, crée en 1988 un mouvement armé, le Mouvement populaire de l’Azawad (MPLA) pour défendre sa communauté. En avril 1990, le Mali autorise le retour dans l’Adrar de 300 familles exilées en Algérie. Les familles touarègues qui reviennent se retrouvent dans des camps contrôlés par l’armée . Au Mali comme au Niger, la cohabitation entre les Touaregs du nord et les populations du sud est extrêmement difficile et les dérapages se multiplient. Au Niger le 7 mai 1990, un incident à la prison de Tchin Tabaraden va mettre le feu aux poudres. De jeunes Touaregs tentent de libérer des prisonniers mais l’opération tourne mal et l’armée s’en prend à toute la communauté touarègue, entraînant des combats qui feront, suivant les sources, entre 700 et 1 500 victimes.
Le 29 juin 1990, l’attaque du poste de gendarmerie de Menaka au Mali par le Mouvement populaire de l’Azawad marque le déclenchement de la deuxième rébellion touarègue contre le Mali. L’Adrar des Iforas et l’Azaouad s’embrasent.… plus de 100 000 réfugiés affluent de nouveau en Algérie et en Mauritanie.
Pour tenter de mettre fin au conflit, le 6 janvier 1991, Iyad Ag Ghali signe en Algérie les accords de Tamanrasset avec le gouvernement malien, représenté par le colonel Ousmane Coulibaly, en présence du ministre algérien de l’Intérieur. Mais pour les Touaregs, l’accord n’est pas respecté par les autorités, et les hostilités reprennent.
Le MPLA change de nom et devient le Mouvement populaire de l'Azawad (MPA) mais, comme il est trop fortement dominé par la tribu des Ifoghas, des rebelles issus d’autres tribus décident de le quitter et créent leur propre mouvement. Les Chamanamas fondent le Front populaire de libération de l’Azawad (FPLA) et les Imghads l’Armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (ARLA).
Un nouvel accord de paix nommé le Pacte national entre le gouvernement de transition du Mali et la coordination du Mouvement et Fronts Unifiés de l’Azawad (MFUA) qui représente l’ensemble des mouvements touaregs (MPA, FIAA, FPLA, ARLA, FULA, FNLA) est signé le 11 avril 1992. Le Pacte national prévoit de nombreuses dispositions qui ne seront que très partiellement réalisées et les conflits se raniment.
En 1993, les Imghads de l'ARLA enlèvent Intalla Ag Attaher l’Amenokal (le chef) des Ifoghas. Le MPA de Iyad Ag Ghali affronte l’ARLA et les chassent de l’Adrar Tigharghar et de la région de Kidal. En mai 1994, une contre-insurrection menée par le mouvement patriotique Sonraï Ganda Koy attaque le Front islamique de l’Azawad (FIAA). Les combats meurtriers relancent la guerre et les exactions interethniques.
Il faudra attendre les accords de Ouagadougou le 15 avril 1995 pour que le gouvernement de la République du Niger signe un accord de paix avec les Organisations de la résistance armée (ORA). Au Mali, la guerre prendra fin avec « la cérémonie de la flamme de la paix » à Tombouctou le 27 mars 1996, en présence du président malien Alpha Oumar Konaré et du président ghanéen Jerry Rawlings, à cette occasion le MPA est dissous et 3 600 armes rebelles sont brûlées.
La rébellion de 2006
Dix ans après les accords de paix, en 2006, des personnalités touarègess, Iyad Ag Ghali, Hassan Fagaga, Ibrahim Ag Bahanga et Amada Ag Bibi, estiment que le Pacte national qui a mis fin à la rébellion de 1990-1996 et qui prévoyait l’intégration des Touaregs dans la société malienne, n’a pas fonctionné. Ils créent l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC). Ils demandent un statut particulier pour la région de Kidal, attaquent simultanément les villes de Kidal et de Ménaka et se retirent dans l’Adrar Tigharghar.
Des pourparlers sont immédiatement entrepris par le président malien Amadou Toumani Touré et une médiation algérienne est engagée qui aboutira aux accords d’Alger du 4 juillet 2006.
La rébellion de 2007 à 2009
Le 7 février 2007, l’attaque de la caserne d’Iferouāne dans le nord du Niger et l’attaque de l’aéroport d’Agadez le 17 juin 2007, en réaction à des exactions, plongent le Niger et le Mali dans une nouvelle rébellion qui va durer jusqu’en octobre 2009, et qui fera près de 420 morts. Face aux forces armées du Niger et du Mali, et indépendamment des jihadistes d’AQMI, les principaux protagonistes touaregs qui participent à la rébellion, dite « de 2007 », sont le Mouvement des Nigériens pour la justice, l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement et l’Alliance Touareg du Nord-Mali pour le changement. Des accords de paix sont signés le 7 octobre 2009 entre les groupes rebelles et les gouvernements du Niger et du Mali.
L'insurrection de 2012
Mi-octobre 2011 dans le nord du Mali, le gouverneur de la région de Kidal, le colonel major Salifou Koné et le colonel major Elhadji Gamou (un Touareg Imghad) organisent une petite cérémonie pour accueillir près de 400 combattants touaregs qui rentrent de Libye avec des dizaines de véhicules armés. Mais seuls les Touaregs de la tribu Imghad ont accepté l’invitation; les autres, les Ifoghas et les Chamanamasse, qui n’accepteront jamais de se soumettre à un Imghad, font défection et s’engagent pour la plupart dans le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) qui est créé le 16 octobre 2011.
Le MNLA, dont le secrétaire général est Bilal Ag Cherif, qui est aussi président du Conseil transitoire de l'Etat de l'Azawad (CTEA), et qui comptera jusqu'à 10 000 combattants, veut œuvrer pour l’indépendance de l’Azawad (un territoire correspondant aux zones de vie des Touaregs et qui comprend les trois régions maliennes de Tombouctou, de Gao et de Kidal).
A partir du 17 janvier 2012, le MNLA prend l’initiative de l’insurrection touarègue du Nord-Mali, chasse l’armée et prend le contrôle des villes de Kidal, de Gao et de Tombouctou. La déclaration de l’indépendance de l’Azawad proclamée le 6 avril 2012 est unanimement rejetée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et par toute la communauté internationale (y compris la France et les Etats-Unis) le même jour. Fin juin 2012, le MNLA perd totalement le contrôle de ses territoires qui, après de violentes batailles, sont pris par les organisations salafistes que sont Ansar Dine, Aqmi et le Mujao.
Cette dernière insurrection a engagé le Mali dans une guerre toujours en cours contre les organisations salafistes malgré des accords de paix entre l’Etat et les organisations touarègues, accords qui ont toujours de la peine à être appliqués
Les grandes sécheresses de 1973-1974 et de 1984-1986 déciment les troupeaux de ceux qui sont restés, les obligeant à partir. Beaucoup cherchent refuge dans les pays voisins, créant deux autres grandes vagues d’émigration vers le Niger, le Burkina Faso, l’Algérie, la Mauritanie, la Libye et même l’Arabie saoudite. Ces exodes donnent naissance à une nouvelle génération de rebelles touaregs qui se réorganisent dès 1986 au Mali et au Niger.
→ A (re)lire : Touaregs: les origines de la révolte
La rébellion de 1990 à 1996
A la fin de 1987, le président du Niger, le général Ali Saïbou, propose une amnistie politique et une aide à la réinsertion pour tous les exilés. Cette ouverture entraîne le retour de nombreux réfugiés touaregs qui acceptent de revenir au Niger, mais les conditions d’accueil et d’aide se révèlent insuffisantes et le retour se passe mal.
Au Mali où les Touaregs n’ont jamais été intégrés à la vie institutionnelle, le contexte est hostile et un ancien de l’armée libyenne, le Touareg Iyad Ag Ghali, crée en 1988 un mouvement armé, le Mouvement populaire de l’Azawad (MPLA) pour défendre sa communauté. En avril 1990, le Mali autorise le retour dans l’Adrar de 300 familles exilées en Algérie. Les familles touarègues qui reviennent se retrouvent dans des camps contrôlés par l’armée . Au Mali comme au Niger, la cohabitation entre les Touaregs du nord et les populations du sud est extrêmement difficile et les dérapages se multiplient. Au Niger le 7 mai 1990, un incident à la prison de Tchin Tabaraden va mettre le feu aux poudres. De jeunes Touaregs tentent de libérer des prisonniers mais l’opération tourne mal et l’armée s’en prend à toute la communauté touarègue, entraînant des combats qui feront, suivant les sources, entre 700 et 1 500 victimes.
Le 29 juin 1990, l’attaque du poste de gendarmerie de Menaka au Mali par le Mouvement populaire de l’Azawad marque le déclenchement de la deuxième rébellion touarègue contre le Mali. L’Adrar des Iforas et l’Azaouad s’embrasent.… plus de 100 000 réfugiés affluent de nouveau en Algérie et en Mauritanie.
Pour tenter de mettre fin au conflit, le 6 janvier 1991, Iyad Ag Ghali signe en Algérie les accords de Tamanrasset avec le gouvernement malien, représenté par le colonel Ousmane Coulibaly, en présence du ministre algérien de l’Intérieur. Mais pour les Touaregs, l’accord n’est pas respecté par les autorités, et les hostilités reprennent.
Le MPLA change de nom et devient le Mouvement populaire de l'Azawad (MPA) mais, comme il est trop fortement dominé par la tribu des Ifoghas, des rebelles issus d’autres tribus décident de le quitter et créent leur propre mouvement. Les Chamanamas fondent le Front populaire de libération de l’Azawad (FPLA) et les Imghads l’Armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (ARLA).
Un nouvel accord de paix nommé le Pacte national entre le gouvernement de transition du Mali et la coordination du Mouvement et Fronts Unifiés de l’Azawad (MFUA) qui représente l’ensemble des mouvements touaregs (MPA, FIAA, FPLA, ARLA, FULA, FNLA) est signé le 11 avril 1992. Le Pacte national prévoit de nombreuses dispositions qui ne seront que très partiellement réalisées et les conflits se raniment.
En 1993, les Imghads de l'ARLA enlèvent Intalla Ag Attaher l’Amenokal (le chef) des Ifoghas. Le MPA de Iyad Ag Ghali affronte l’ARLA et les chassent de l’Adrar Tigharghar et de la région de Kidal. En mai 1994, une contre-insurrection menée par le mouvement patriotique Sonraï Ganda Koy attaque le Front islamique de l’Azawad (FIAA). Les combats meurtriers relancent la guerre et les exactions interethniques.
Il faudra attendre les accords de Ouagadougou le 15 avril 1995 pour que le gouvernement de la République du Niger signe un accord de paix avec les Organisations de la résistance armée (ORA). Au Mali, la guerre prendra fin avec « la cérémonie de la flamme de la paix » à Tombouctou le 27 mars 1996, en présence du président malien Alpha Oumar Konaré et du président ghanéen Jerry Rawlings, à cette occasion le MPA est dissous et 3 600 armes rebelles sont brûlées.
La rébellion de 2006
Dix ans après les accords de paix, en 2006, des personnalités touarègess, Iyad Ag Ghali, Hassan Fagaga, Ibrahim Ag Bahanga et Amada Ag Bibi, estiment que le Pacte national qui a mis fin à la rébellion de 1990-1996 et qui prévoyait l’intégration des Touaregs dans la société malienne, n’a pas fonctionné. Ils créent l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC). Ils demandent un statut particulier pour la région de Kidal, attaquent simultanément les villes de Kidal et de Ménaka et se retirent dans l’Adrar Tigharghar.
Des pourparlers sont immédiatement entrepris par le président malien Amadou Toumani Touré et une médiation algérienne est engagée qui aboutira aux accords d’Alger du 4 juillet 2006.
La rébellion de 2007 à 2009
Le 7 février 2007, l’attaque de la caserne d’Iferouāne dans le nord du Niger et l’attaque de l’aéroport d’Agadez le 17 juin 2007, en réaction à des exactions, plongent le Niger et le Mali dans une nouvelle rébellion qui va durer jusqu’en octobre 2009, et qui fera près de 420 morts. Face aux forces armées du Niger et du Mali, et indépendamment des jihadistes d’AQMI, les principaux protagonistes touaregs qui participent à la rébellion, dite « de 2007 », sont le Mouvement des Nigériens pour la justice, l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement et l’Alliance Touareg du Nord-Mali pour le changement. Des accords de paix sont signés le 7 octobre 2009 entre les groupes rebelles et les gouvernements du Niger et du Mali.
L'insurrection de 2012
Mi-octobre 2011 dans le nord du Mali, le gouverneur de la région de Kidal, le colonel major Salifou Koné et le colonel major Elhadji Gamou (un Touareg Imghad) organisent une petite cérémonie pour accueillir près de 400 combattants touaregs qui rentrent de Libye avec des dizaines de véhicules armés. Mais seuls les Touaregs de la tribu Imghad ont accepté l’invitation; les autres, les Ifoghas et les Chamanamasse, qui n’accepteront jamais de se soumettre à un Imghad, font défection et s’engagent pour la plupart dans le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) qui est créé le 16 octobre 2011.
Le MNLA, dont le secrétaire général est Bilal Ag Cherif, qui est aussi président du Conseil transitoire de l'Etat de l'Azawad (CTEA), et qui comptera jusqu'à 10 000 combattants, veut œuvrer pour l’indépendance de l’Azawad (un territoire correspondant aux zones de vie des Touaregs et qui comprend les trois régions maliennes de Tombouctou, de Gao et de Kidal).
A partir du 17 janvier 2012, le MNLA prend l’initiative de l’insurrection touarègue du Nord-Mali, chasse l’armée et prend le contrôle des villes de Kidal, de Gao et de Tombouctou. La déclaration de l’indépendance de l’Azawad proclamée le 6 avril 2012 est unanimement rejetée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et par toute la communauté internationale (y compris la France et les Etats-Unis) le même jour. Fin juin 2012, le MNLA perd totalement le contrôle de ses territoires qui, après de violentes batailles, sont pris par les organisations salafistes que sont Ansar Dine, Aqmi et le Mujao.
Cette dernière insurrection a engagé le Mali dans une guerre toujours en cours contre les organisations salafistes malgré des accords de paix entre l’Etat et les organisations touarègues, accords qui ont toujours de la peine à être appliqués
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