Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)
Son opinion : la « politique française n’est pas claire ». Pis, la France commet à ses yeux une « erreur » stratégique en pariant sur de mauvais partenaires dans son combat contre les groupes djihadistes de la région, objectif proclamé de sa base de Madama dans l’extrême nord du Niger, non loin de la frontière avec la Libye.
De Madama, l’armée française cherche à prévenir les infiltrations vers le Niger de noyaux extrémistes venant de la Libye, soit la réédition du scénario qui avait abouti in fine à la déstabilisation du nord du Mali en 2012.
Pour comprendre les interrogations critiques à l’égard de Paris du chef des Touaregs libyens, qui fut durant dix-sept ans ambassadeur du régime de Kadhafi à Niamey (Niger), il faut les resituer dans le contexte des troubles interethniques qui ensanglantent le sud libyen depuis la chute du pouvoir kadhafiste à l’automne 2011. Avec l’effondrement de la Jamahiriya, le réveil des identités communautaires sur fond de montée de l’insécurité et de l’exacerbation des rivalités autour de l’appropriation des ressources (pétrole, contrebande, trafics humains…) a fragmenté et militarisé le paysage tribal de la Libye méridionale.
Le principal conflit oppose dans la ville d’Oubari les Touaregs, qui estiment être les propriétaires historiques du lieu, aux Toubous, communauté dont la couleur de la peau (noire) lui a longtemps valu d’être discriminée en Libye. Un second conflit met aux prises à Sebha, le chef-lieu du Fezzan (région du sud-ouest libyen), les mêmes Toubous à la tribu arabe des Ouled- Slimane.
A ces deux théâtres majeurs s’ajoutent des antagonismes armés plus secondaires. Or tout ce qui touche au sud libyen a nécessairement un impact sur les Etats sahéliens voisins – et réciproquement – en raison du caractère frontalier des communautés qui peuplent la région.
Ainsi les Touaregs libyens dénoncent-ils l’infiltration à partir du Niger ou du Tchad de « mercenaires toubous » venant prêter main-forte à leurs frères (les Toubous de Libye) sur les différents fronts militaires où ils sont engagés. Et ils s’interrogent sur l’attitude à Madama de l’armée française, qui semble à leurs yeux davantage intéressée à contrôler le flux Libye-Niger que celui dans l’autre sens : Niger-Libye.
« Les Touaregs de Libye sont attaqués par des Toubous arrivant du Niger ou du Tchad », dénonce Hussein Al-Koni. Que fait la France ? A partir de Madama, elle sait très bien ce qui se passe à la frontière. » Le chef du Conseil suprême des Touaregs poursuit : « Nous attendons de la France qu’elle joue un rôle en faveur de la paix dans la région. Or sa politique n’est pas claire. Si elle n’est pas en mesure de contribuer à la paix, sa présence à Madama ne sert à rien. » Hussein Al-Koni affirme que « le peuple touareg accuse la France de soutenir les Toubous, ces forces extérieures qui nous attaquent. »
Le dépit des Touaregs libyens est d’autant plus vif que la France a une connaissance historique du Fezzan libyen, région qu’elle a administrée entre 1943 et 1951 (avec une présence militaire prolongée jusqu’à 1956). Aussi aurait-elle dû, explique en somme Hussein Al-Koni, faire preuve de plus de clairvoyance, plutôt que de s’appuyer sur les seuls Toubous pour sécuriser la frontière.
Fins politiques, les Toubous ont su s’attirer les sympathies de la France et d’autres puissances engagées dans le combat anti-djihadiste en offrant leurs services « contre le terrorisme » . Ainsi sont-ils affiliés dans le puzzle libyen au camp « anti-islamiste » de Tobrouk, soutenu par l’Egypte et les Emirats arabes unis, et ils ne cessent de dénoncer leurs rivaux touaregs – liés, eux, au camp de Tripoli à inclination islamiste – comme des « extrémistes » .
Dans ce contexte, la politique française jugée pro-Toubous passe mal auprès des Touaregs libyens. « La France commet une erreur en confiant aux Toubous le rôle de garde-frontières, déplore Hussein Al- Koni. Car elle légitime leurs ambitions territoriales. Les Touaregs, eux aussi, sont en mesure de garder la frontière libyenne. Or la France nous a négligés. » Hussein Al-Koni ajuste son chèche et son boubou et prend poliment congé. Son avion pour Tripoli l’attend.
De Madama, l’armée française cherche à prévenir les infiltrations vers le Niger de noyaux extrémistes venant de la Libye, soit la réédition du scénario qui avait abouti in fine à la déstabilisation du nord du Mali en 2012.
Pour comprendre les interrogations critiques à l’égard de Paris du chef des Touaregs libyens, qui fut durant dix-sept ans ambassadeur du régime de Kadhafi à Niamey (Niger), il faut les resituer dans le contexte des troubles interethniques qui ensanglantent le sud libyen depuis la chute du pouvoir kadhafiste à l’automne 2011. Avec l’effondrement de la Jamahiriya, le réveil des identités communautaires sur fond de montée de l’insécurité et de l’exacerbation des rivalités autour de l’appropriation des ressources (pétrole, contrebande, trafics humains…) a fragmenté et militarisé le paysage tribal de la Libye méridionale.
Le principal conflit oppose dans la ville d’Oubari les Touaregs, qui estiment être les propriétaires historiques du lieu, aux Toubous, communauté dont la couleur de la peau (noire) lui a longtemps valu d’être discriminée en Libye. Un second conflit met aux prises à Sebha, le chef-lieu du Fezzan (région du sud-ouest libyen), les mêmes Toubous à la tribu arabe des Ouled- Slimane.
A ces deux théâtres majeurs s’ajoutent des antagonismes armés plus secondaires. Or tout ce qui touche au sud libyen a nécessairement un impact sur les Etats sahéliens voisins – et réciproquement – en raison du caractère frontalier des communautés qui peuplent la région.
Ainsi les Touaregs libyens dénoncent-ils l’infiltration à partir du Niger ou du Tchad de « mercenaires toubous » venant prêter main-forte à leurs frères (les Toubous de Libye) sur les différents fronts militaires où ils sont engagés. Et ils s’interrogent sur l’attitude à Madama de l’armée française, qui semble à leurs yeux davantage intéressée à contrôler le flux Libye-Niger que celui dans l’autre sens : Niger-Libye.
« Les Touaregs de Libye sont attaqués par des Toubous arrivant du Niger ou du Tchad », dénonce Hussein Al-Koni. Que fait la France ? A partir de Madama, elle sait très bien ce qui se passe à la frontière. » Le chef du Conseil suprême des Touaregs poursuit : « Nous attendons de la France qu’elle joue un rôle en faveur de la paix dans la région. Or sa politique n’est pas claire. Si elle n’est pas en mesure de contribuer à la paix, sa présence à Madama ne sert à rien. » Hussein Al-Koni affirme que « le peuple touareg accuse la France de soutenir les Toubous, ces forces extérieures qui nous attaquent. »
Le dépit des Touaregs libyens est d’autant plus vif que la France a une connaissance historique du Fezzan libyen, région qu’elle a administrée entre 1943 et 1951 (avec une présence militaire prolongée jusqu’à 1956). Aussi aurait-elle dû, explique en somme Hussein Al-Koni, faire preuve de plus de clairvoyance, plutôt que de s’appuyer sur les seuls Toubous pour sécuriser la frontière.
Fins politiques, les Toubous ont su s’attirer les sympathies de la France et d’autres puissances engagées dans le combat anti-djihadiste en offrant leurs services « contre le terrorisme » . Ainsi sont-ils affiliés dans le puzzle libyen au camp « anti-islamiste » de Tobrouk, soutenu par l’Egypte et les Emirats arabes unis, et ils ne cessent de dénoncer leurs rivaux touaregs – liés, eux, au camp de Tripoli à inclination islamiste – comme des « extrémistes » .
Dans ce contexte, la politique française jugée pro-Toubous passe mal auprès des Touaregs libyens. « La France commet une erreur en confiant aux Toubous le rôle de garde-frontières, déplore Hussein Al- Koni. Car elle légitime leurs ambitions territoriales. Les Touaregs, eux aussi, sont en mesure de garder la frontière libyenne. Or la France nous a négligés. » Hussein Al-Koni ajuste son chèche et son boubou et prend poliment congé. Son avion pour Tripoli l’attend.
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