vendredi 25 septembre 2015

Rébellion touarègue et question saharienne au Niger - Cairn.info

Rébellion touarègue et question saharienne au Niger - Cairn.info

parMamoudou Djibodu même auteur     

 
    Comme le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Tchad, le Niger est un pays en grande partie saharien. Chacun de ces États, anciennement dominé par la France, a connu, à un moment de son histoire moderne, des problèmes dans ses régions sahariennes. Ce fut le cas du Maroc (à propos de la Mauritanie) et de l’Algérie (par rapport à ses territoires du Sud), à la veille de leur accession à l’indépendance. Après le Tchad et le Mali (au début des années soixante et quatre-vingt), c’est au tour du Niger d’être confronté à une rébellion armée dans sa partie saharienne au début des années quatre-vingt-dix.
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Il devient dès lors intéressant de chercher à comprendre ce qui sous-tend ces crises ayant pour théâtre le grand désert africain : existe-t-il un problème saharien commun à tous ces pays ? Si oui, quel pourrait être son fondement historique au Niger ?
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Dans ce cas précis, le mouvement de rébellion qui y a sévi de 1990 à 1998 a revêtu, au départ, un caractère particulariste, au plan ethnique : il a, en effet, concerné, à ses débuts, le seul groupe touareg au nom duquel un problème touareg a été posé, ce qui a permis de le dénommer rébellion touarègue. Les Touaregs étant présentés comme les principaux habitants des régions concernées par le conflit, est-il permis de faire un rapprochement entre la question saharienne posée plus haut et ce problème touareg ainsi révélé ? Le déclenchement du mouvement de rébellion armée résulte-t-il simplement d’une situation conjoncturelle dont la gestion a pu dégénérer ou découle-t-il de problèmes structurels plus complexes ?
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Pour tenter de répondre à ces interrogations, il serait pertinent de jeter un regard historique sur la question saharienne qui a fortement marqué l’évolution politique du Niger, à la veille de l’indépendance, et d’analyser le problème de la rébellion (revendications posées) pour une meilleure compréhension des événements.

Le problème de la rébellion armée

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Mano Dayak [1992], un des premiers leaders de la rébellion, soutient que la situation de rébellion armée qui sévissait dans le nord du Niger depuis 1990 résulte d’un mauvais règlement du dossier dit de l’« affaire de Tchintabaraden » par les animateurs de la Conférence nationale [1][1] Conférence ayant réuni du 29 juillet au 30 novembre.... Pourtant, l’attaque meurtrière, menée le 7 mai 1990 contre la localité de Tchintabaraden, dont les conséquences ont servi de prélude au déclenchement de la rébellion armée, a été chronologiquement précédée par d’autres événements, dont :
  • l’arrestation, près d’Arlit, en avril 1982, d’un commando de 15 hommes (parmi lesquels 13 Maliens), qui se préparaient à commettre des actes de sabotage sur les installations minières, à prendre en otage des expatriés et à s’emparer d’un dépôt d’armes ;
  • le brusque départ en exil en Libye, en 1983, d’un Touareg, Khamed Moussa, « emportant avec lui, selon la rumeur, d’importants documents militaires » [Grégoire, 1999 :45] ;
  • l’attaque de la localité de Tchintabaraden, les 29 et 30 mai 1985, par un groupe de 14 personnes, qui voulaient s’emparer des fonds de l’agence spéciale du bureau de poste ; cette attaque s’est soldée par la mort de deux gardes républicains et un gendarme blessé ;
  • l’arrestation de 36 personnes, le 14 mars 1990, dans la région d’Iférouane, pour la plupart des rapatriés de Libye suspectés d’appartenir à un mouvement d’opposition appelé Groupe 215 ;
  • l’interception et l’arrestation d’un groupe de 13 rapatriés de Libye qui auraient tenté d’attaquer le poste du peloton nomade de la Garde républicaine de Toufaminir dans la nuit du 21 avril 1990, « en vue de reprendre possession d’un véhicule saisi par les autorités administratives et mis à la disposition dudit poste » [Conférence nationale, rapport de synthèse] ;
  • l’assassinat, dans l’après-midi du 3 mai 1990, d’un garde forestier et de deux civils l’accompagnant dans l’arrondissement de Tchintabaraden [ibidem] ;
  • l’interception et l’arrestation, le 6 mai 1990, par une patrouille militaire, d’un groupe de 13 personnes, à bord d’une Toyota, « parties, selon des témoignages concordants, de Tchintabaraden pour attaquer Tillia » [ibidem].
Mais c’est particulièrement l’attaque du 7 mai 1990 contre Tchintabaraden qui a servi de détonateur à la rébellion car l’armée, dans son intervention, a commis des exactions sur des civils innocents : on a alors parlé de plusieurs centaines de victimes dont des exécutions sommaires. De tels événements sont suffisamment graves pour envenimer les rapports entre les autorités politiques et administratives et les populations qui les ont vécus.
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Au lieu de rechercher les causes profondes qui ont pu conduire à de telles initiatives guerrières, la Conférence nationale a plutôt cherché à jeter le blâme à la fois sur les autorités politiques et sur l’armée. On lit par exemple, dans le Rapport de synthèse sur l’examen de l’affaire dite de Tchintabaraden [Conférence nationale, 3-7 septembre 1991], que « le drame du 7 mai 1990 est survenu lorsque des citoyens excédés par le reniement des engagements, les tracasseries, l’arbitraire, se sentant menacés et traqués, ont cru devoir recourir à la méthode de défense de leur dignité ».

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