S'il fallait encore une preuve que le Mali n'a toujours pas retrouvé son intégrité territoriale, on l'a eue jeudi : parce que des centaines de manifestants sont entrés dans l'aéroport de Kidal pour protester contre une visite du Premier ministre de ce pays, Oumar Tatam Ly, son avion a dû faire demi-tour ; provoquant la colère du président IBK, qui
n'a pas manqué de remonter les bretelles au patron de la mission onusienne, Bert Kœnders, pour la passivité des casques bleus face à cet affront fait au chef du gouvernement.
Ces manifestants ayant, dit-on, été violemment dispersés par l'armée de Bamako, le MNLA, qui a fait état d'un mort et de cinq blessés dans leurs rangs, a déclaré :"Ce qui s'est passé est une déclaration de guerre, nous allons leur livrer cette guerre, là où on trouvera l'armée malienne, on lancera l'assaut sur elle, on ne parle plus de cantonnement, maintenant que le feu est ouvert, on verra qui est qui. Partout où on a des troupes sur le territoire de l'Azawad, on les appellera à se mobiliser", et elles "feront payer à l'armée malienne son irresponsabilité après son forfait" par la bouche de son vice-président, Mahamoudou Djeri Maïga, qui a reproché à Bamako de "violer les accords de Ouagadougou (...) malgré les assises et autres cadres de discussions".
Pour le gouvernement malien, ses troupes, "prises à partie par des éléments incontrôlés", ont procédé (uniquement et seulement ?) à des "tirs de sommation" après avoir essuyé "des jets de pierres et des tirs d'armes". Qui croire ? Pour sûr, à Kidal, l'ambiance est à couper au couteau et il suffit de la moindre étincelle pour que cette poudrière à ciel ouvert se transforme en brasier. Pourtant, avec la remise du Gouvernorat et de l'antenne de l'ORTM de Kidal par le MNLA, qui en avait fait ses QG, à Bamako, beaucoup avaient rêvé d'un assagissement de la rébellion touareg. Quelques semaines après, l'histoire nous donne raison d'avoir, dans une de nos éditions précédentes, appelé à la réserve dans un tel jugement du mouvement azawadien, qui n'était déjà pas à une volte-face près. Déjà que, quand le MNLA parlait d'une seule et même voix, il n'était pas aisé de traiter avec lui, maintenant qu'il a tiré à hue et à dia dans cet incident, ça ne fait qu'ajouter à la complexité du problème touareg : à hue et à dia, car, alors que le vice-président du Mouvement séparatiste a été on ne peut plus va-t-en guerre, le représentant de son secrétaire général à Kidal, Ambery Ag Rissa, lui, a fait dans la dentelle en ces termes : "Je pense qu'il a raison d'être en colère, mais je pense qu'il est allé loin dans sa déclaration. Il ne faut pas la prendre au sérieux. Il est normal que les gens aient parfois des sautes d'humeur et des débordements dans leur tête. On n'en est pas encore là".
Le hic dans ses propos, c'est qu'Ambery a ajouté qu'en cas de nouvel incident, il serait difficile d'empêcher leurs hommes de reprendre les combats, mais comme jusque-là cette rupture du cessez-le-feu par les politiques sur le papier n'a pas été confirmée par l'aile militaire sur le terrain, rien ne dit que la guerre reprendra. En attendant, à cent lieues des sables chauds (au propre comme au figuré) du septentrion malien, si Kabila traverse de part en part l'est de son pays comme un long fleuve tranquille, Oumar Tatam Ly, lui, ne peut parcourir le nord de son pays, l'armée malienne n'ayant pas purement et simplement vaincu sa rébellion comme l'a fait celle de la République démocratique du Congo.
Ahl-Assane Rouamba |
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