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A cette question, nous avions, dans notre précédente livraison, répondue par la négative. Ce n’est pas l’institution Sénat qui, en elle-même, est en cause, mais l’esprit dans lequel l’ «Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger » veut nous l’imposer. Il s’agit, pour les auteurs de ce texte qui, à ce jour, s’est révélé inopérant dans sa mise en œuvre, de nous imposer une institution destinée à valoriser des notabilités traditionnelles choisies par voie de désignation par le président de la République. Ce qui nous est proposé n’est pas nouveau, c’est le retour à la forme d’administration qu’avait pratiquée la France en milieux nomades sahariens sous la dénomination « principe de responsabilité ». Aussi, estimons-nous que revenir à cette formule, à l’ère où les populations veulent se reconnaître en des responsables qu’ils se sont librement choisis par voie d’élections, l’institution du Sénat serait faire preuve d’archaïsme et d’anachronisme. Anachronisme car l’esprit qu’elle sous-tend avait déjà été rejeté sous les régimes de la Première République, du Comité Militaire de Libération Nationale et de la Deuxième république. A ce rejet est consacrée notre contribution de cette semaine.
III. INDEPENDANCE NATIONALE ET AUTORITES COUTUMIERES
C’est, dans une certaine mesure, ce « principe de responsabilité » qu’Attaher Ag Illi a essayé de préserver sous la République Soudanaise en renforçant les dispositions en faveur des chefs de tribu. Cela se dégage de la conversation entre l’aménokal des Kel Adagh et son fils In Talla, d’une part, et, d’autre part, le commandant de cercle de Gao, Bakara Diallo, conversation rapportée par ce dernier dans son Rapport de tournée effectuée du 4 au 10 juillet 1960 dans la subdivision de Kidal.
L’administrateur fait constater : « Dans ses questions, In Talla m’a paru soucieux du sort réservé aux privilèges féodaux conservés dans certaines tribus nomades. » Quant à Attaher, se faisant le porte-parole des « notables Kel Effelé », il présente trois doléances dont la dernière est celle-ci : « Instituer dans l’Adrar une sorte d’autonomie régionale, le Représentant du pouvoir central, même en matière d’ordre public ne devant agir que sur demande expresse du pouvoir local. »
Les rebelles d’aujourd’hui, regroupés au sein de la CMA et du HCUA demandent-ils autre chose ?
Avant Attaher Ag Illi des Kel Effelé de Kidal, Mohamed Mahmoud Ould Cheick des Berabiches avait présenté la même doléance à une délégation du gouvernement soudanais de passage à Tombouctou. « Reçu en audience par M. Modibo Keïta ainsi que les deux chefs des Bérabiches, il exposa le désir des Sahariens de jouir d’un statut particulier. »
Demande d’un statut particulier par une notabilité de Kidal, la même demande formulée par une notabilité de Tombouctou : la lecture de ces demandes inspire la réflexion suivante : tout se passe comme si ceux-là qui nous ont imposé l’ « Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger » ont lu notre histoire quand, nous sommes passés à côté de cette histoire.
Ce qui, aujourd’hui, est concédé aux Arabo-Berbères avec les « mesures…législatives, voire constitutionnelles » (loi sur la mise en place des autorités intérimaires et institution du sénat), c’est ce que Modibo Keïta, en 1960, leur avait refusé. Voilà pourquoi, instituer un sénat pour restaurer les autorités coutumières traditionnelles nous paraît être un recul, voire un archaïsme et un anachronisme.
L’administration indirecte, « le principe de responsabilité » instituée par la France pendant la colonisation est abandonnée par les responsables de la Première République.
Cela a commencé durant la période dite de « l’autonomie interne » (1956-1958), bien avant notre accession à l’indépendance. En effet, arrivée au pouvoir en 1956, à la suite des élections pour le renouvellement des membres de l’Assemblée Territoriale, l’Union Soudanaise RDA veut promouvoir l’unité du peuple soudanais. A l’égard des notabilités du Nord, sa politique est faite de fermeté et de conciliation : conciliation envers ceux qui, comme Mohamed Elmehdi Ag Attaher Insar des Kel Antessar, adhèrent à sa politique progressiste; fermeté envers les tenants de l’ordre colonial comme Mohamed Mahmoud Ould Cheick. Une telle politique s’est manifestée avec l’élection du premier à l’Assemblée territoriale et sa nomination comme Haut Conseiller de l’OCRS, au détriment du second.
Elle restera une constante, une fois l’indépendance conquise. In Talla Ag Attaher s’inquiète du « sort réservé aux privilèges féodaux conservées dans certaines tribus nomades ». Bakara Diallo réplique : « D’ores et déjà, nous avons supprimé les chefferies de canton, mais par contre nous avons conservé les chefferies de tribus ; les situations étant dissemblables, les solutions ne peuvent être identiques. Nous sommes des réalistes et avons conscience que pendant longtemps encore nous aurons besoin dans certaines régions du concours des cadres traditionnels à condition que ces cadres comprennent avec nous que l’ère de l’arbitraire, du despotisme et des exactions est irrémédiablement dépassée. »
Envers Attaher Ag Illy demandant l’institution dans l’Adrar une sorte d’autonomie régionale, Bakara Diallo reste conséquent : « Sans ambages, j’ai évidemment dit à mon auditoire ce que ces conceptions avaient de contraire avec celles du pouvoir central dans le domaine de l’organisation future de l’Etat. Certes, leur ai-je dit, nous avons conscience de la grande diversité de notre pays et sommes prêts partout à respecter ces diversités, mais dans un Etat, il ne peut y avoir deux armées, deux forces de police, le maintien de l’ordre public étant de la compétence exclusive de la puissance publique. Au-delà de ce principe, c’est la voie ouverte à l’anarchie, à la sécession. »
L’objectif des responsables de l’US-RDA était la suppression de la féodalité considérée comme frein au développement. Sans doute, ont-ils lu le commandant Réjou, commandant de la région de Tombouctou qui recommandait de détacher les Imghads (les vassaux) des Imajeren (les nobles) pour en faire des alliés. L’idée n’est pas loin de l’idée exprimée par Bakara Diallo dans la conclusion de son rapport : « Tout en continuant à surveiller les Ifoghas qui ne doivent pas ignorer l’existence de l’Etat et de ses lois, le principe de notre action doit être dirigé en direction des masses « Imrads » chez lesquelles nous devons provoquer une prise de conscience. »
L’US-RDA avait donc sa politique concernant les régions sahariennes de notre pays et avait le souci de promouvoir leur développement en se gardant de tout mettre à bas en un seul jour. Cette politique est ainsi résumée : « … il faut néanmoins dire que tant que le vieil Attaher vivra il nous faudra dans notre action avancer avec beaucoup de circonspection dans l’Adrar car il est incontestable qu’il continue à symboliser l’unité de ce pays et jouit d’une autorité morale confinant à la vénération. »
A SUIVRE
Diaoulen Karamoko Diarra
III. INDEPENDANCE NATIONALE ET AUTORITES COUTUMIERES
C’est, dans une certaine mesure, ce « principe de responsabilité » qu’Attaher Ag Illi a essayé de préserver sous la République Soudanaise en renforçant les dispositions en faveur des chefs de tribu. Cela se dégage de la conversation entre l’aménokal des Kel Adagh et son fils In Talla, d’une part, et, d’autre part, le commandant de cercle de Gao, Bakara Diallo, conversation rapportée par ce dernier dans son Rapport de tournée effectuée du 4 au 10 juillet 1960 dans la subdivision de Kidal.
L’administrateur fait constater : « Dans ses questions, In Talla m’a paru soucieux du sort réservé aux privilèges féodaux conservés dans certaines tribus nomades. » Quant à Attaher, se faisant le porte-parole des « notables Kel Effelé », il présente trois doléances dont la dernière est celle-ci : « Instituer dans l’Adrar une sorte d’autonomie régionale, le Représentant du pouvoir central, même en matière d’ordre public ne devant agir que sur demande expresse du pouvoir local. »
Les rebelles d’aujourd’hui, regroupés au sein de la CMA et du HCUA demandent-ils autre chose ?
Avant Attaher Ag Illi des Kel Effelé de Kidal, Mohamed Mahmoud Ould Cheick des Berabiches avait présenté la même doléance à une délégation du gouvernement soudanais de passage à Tombouctou. « Reçu en audience par M. Modibo Keïta ainsi que les deux chefs des Bérabiches, il exposa le désir des Sahariens de jouir d’un statut particulier. »
Demande d’un statut particulier par une notabilité de Kidal, la même demande formulée par une notabilité de Tombouctou : la lecture de ces demandes inspire la réflexion suivante : tout se passe comme si ceux-là qui nous ont imposé l’ « Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger » ont lu notre histoire quand, nous sommes passés à côté de cette histoire.
Ce qui, aujourd’hui, est concédé aux Arabo-Berbères avec les « mesures…législatives, voire constitutionnelles » (loi sur la mise en place des autorités intérimaires et institution du sénat), c’est ce que Modibo Keïta, en 1960, leur avait refusé. Voilà pourquoi, instituer un sénat pour restaurer les autorités coutumières traditionnelles nous paraît être un recul, voire un archaïsme et un anachronisme.
L’administration indirecte, « le principe de responsabilité » instituée par la France pendant la colonisation est abandonnée par les responsables de la Première République.
Cela a commencé durant la période dite de « l’autonomie interne » (1956-1958), bien avant notre accession à l’indépendance. En effet, arrivée au pouvoir en 1956, à la suite des élections pour le renouvellement des membres de l’Assemblée Territoriale, l’Union Soudanaise RDA veut promouvoir l’unité du peuple soudanais. A l’égard des notabilités du Nord, sa politique est faite de fermeté et de conciliation : conciliation envers ceux qui, comme Mohamed Elmehdi Ag Attaher Insar des Kel Antessar, adhèrent à sa politique progressiste; fermeté envers les tenants de l’ordre colonial comme Mohamed Mahmoud Ould Cheick. Une telle politique s’est manifestée avec l’élection du premier à l’Assemblée territoriale et sa nomination comme Haut Conseiller de l’OCRS, au détriment du second.
Elle restera une constante, une fois l’indépendance conquise. In Talla Ag Attaher s’inquiète du « sort réservé aux privilèges féodaux conservées dans certaines tribus nomades ». Bakara Diallo réplique : « D’ores et déjà, nous avons supprimé les chefferies de canton, mais par contre nous avons conservé les chefferies de tribus ; les situations étant dissemblables, les solutions ne peuvent être identiques. Nous sommes des réalistes et avons conscience que pendant longtemps encore nous aurons besoin dans certaines régions du concours des cadres traditionnels à condition que ces cadres comprennent avec nous que l’ère de l’arbitraire, du despotisme et des exactions est irrémédiablement dépassée. »
Envers Attaher Ag Illy demandant l’institution dans l’Adrar une sorte d’autonomie régionale, Bakara Diallo reste conséquent : « Sans ambages, j’ai évidemment dit à mon auditoire ce que ces conceptions avaient de contraire avec celles du pouvoir central dans le domaine de l’organisation future de l’Etat. Certes, leur ai-je dit, nous avons conscience de la grande diversité de notre pays et sommes prêts partout à respecter ces diversités, mais dans un Etat, il ne peut y avoir deux armées, deux forces de police, le maintien de l’ordre public étant de la compétence exclusive de la puissance publique. Au-delà de ce principe, c’est la voie ouverte à l’anarchie, à la sécession. »
L’objectif des responsables de l’US-RDA était la suppression de la féodalité considérée comme frein au développement. Sans doute, ont-ils lu le commandant Réjou, commandant de la région de Tombouctou qui recommandait de détacher les Imghads (les vassaux) des Imajeren (les nobles) pour en faire des alliés. L’idée n’est pas loin de l’idée exprimée par Bakara Diallo dans la conclusion de son rapport : « Tout en continuant à surveiller les Ifoghas qui ne doivent pas ignorer l’existence de l’Etat et de ses lois, le principe de notre action doit être dirigé en direction des masses « Imrads » chez lesquelles nous devons provoquer une prise de conscience. »
L’US-RDA avait donc sa politique concernant les régions sahariennes de notre pays et avait le souci de promouvoir leur développement en se gardant de tout mettre à bas en un seul jour. Cette politique est ainsi résumée : « … il faut néanmoins dire que tant que le vieil Attaher vivra il nous faudra dans notre action avancer avec beaucoup de circonspection dans l’Adrar car il est incontestable qu’il continue à symboliser l’unité de ce pays et jouit d’une autorité morale confinant à la vénération. »
A SUIVRE
Diaoulen Karamoko Diarra
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Source: Le Sursaut
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