Le Sahel sera le prochain terrain de l’insurrection islamique.
Depuis les années 1970, avec l’apparition soudaine d’al-Qaeda en Afghanistan, la résurrection de l’Islam politique militant, le « djihadisme », n’a de cesse de rebondir à travers le Monde arabo-musulman.
Alors que s’achève à peine l’aventure de l’État islamique, dont les capitales irakienne et syrienne, Mossoul et Raqqa, sont tombées aux mains de ses opposants chiites et kurdes, appuyés par les armées de l’Occident coalisé, un nouveau terrain de guerre se précise dans la région saharienne, au Sahel plus précisément, où, comme par l’effet des vases communicants, le foyer djihadiste qui s’y est développé en 2012 s’étend à présent, tandis que le phénomène s’essouffle au Moyen-Orient.
En 2012, en effet, une révolte touarègue avait éclaté dans le nord du Mali contre l’indifférence du gouvernement de Bamako au destin de cette région ; une révolte rendue possible par le retour dans le nord du Mali de miliciens touaregs jusqu’alors employés par le chef d’État libyen, Mouammar Kadhafi, renversé, dans le contexte du printemps arabe, sur décision de Paris et Londres, avec l’aval complice de Washington. C’est à la faveur du chaos qui s’en est suivi en Libye que ces contingents touaregs, après avoir pillé les arsenaux du régime défunt, ont regagné le Mali pour y porter la contestation armée.
Profitant de cette insurrection, plusieurs groupes armés islamistes ont formé, sous l’égide de Iyad Ag Ghali, l’organisation Ansar ed-Dine (les Défenseurs de la Religion), qui s’est rapidement alliée aux mouvements contestataires touaregs et arabes, dont elle a pris le contrôle d’une partie non négligeable des combattants, mais aussi à la branche nord-africaine d’al-Qaeda (al-Qaeda au Maghreb islamique – AQMI).
Subitement, la rébellion, qui visait à l’origine la création d’un État indépendant qui aurait recouvert la moitié nord du pays, l’Azawad, se mua en une guerre sainte pour la restauration de la pureté originelle de l’Islam salafiste.
La progression militaire spectaculaire de l’insurrection fut telle, menaçant d’atteindre la capitale malienne, Bamako, que l’armée française finit par intervenir, dès 2012 : l’opération Serval était sensée repousser l’invasion devenue presque exclusivement islamiste et « libérer » (de sa propre population, majoritairement acquise aux djihadistes) les villes du nord, Tombouctou, Gao et Kidal.
Si les forces de l’ancienne puissance coloniale toujours très active en Afrique équatoriale parvinrent à expulser les djihadistes des centres urbains, l’opération Barkhane (qui a succédé à Serval) s’enlise depuis lors face à une résilience du phénomène islamiste, bien ancré dans les campagnes et toujours mouvant au sein des populations urbaines, et qui continue de prendre de l’ampleur sous de nouvelles formes et en développant de nouvelles stratégies. La Minusma (force onusienne déployée au Mali, en parallèle de Barkhane, pour y restaurer la paix et aider l’État malien à se réinstaller dans les zones rebelles) a d’ailleurs subi de nombreuses attaques, meurtrières, et notamment celle d’août 2017, lorsque son centre administratif a été pris d’assaut au cœur-même de la ville de Tombouctou.
La guérilla islamiste n’a donc pas disparu du nord du Mali –loin s’en faut- et elle a gagné depuis longtemps déjà tout le centre, menaçant à nouveau Bamako.
Mais, plus encore, le phénomène a débordé les frontières maliennes et se répand désormais dans tout le Sahel, avec l’appui, entre autres facteurs, de combattants récemment arrivés de Syrie et d’Irak…
Une expansion qui inquiète de plus en plus les voisins du Mali, mais aussi l’Union européenne ; ce pourquoi, à l’initiative de Bruxelles et de Paris, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad ont pris la décision de redynamiser le G5-Sahel (G5S) qu’ils avaient fondé en février 2014 pour lutter ensemble contre la menace sécuritaire régionale que constituait alors déjà le djihadisme saharien, et ce en créant une force anti-terroriste commune, enfin opérationnelle depuis février 2017.
Toutefois, malgré les gesticulations du président Macron et la présence française (de plus en plus contestée par les populations rurales du Sahel et critiquée par celles des capitales concernées), les résultats sont décevants, fort peu probants.
Par ailleurs, c’est le G5S lui-même qui bat de l’aile, de son aile occidentale en tout cas. Le ver, en effet, est dans le fruit : tous les acteurs ne jouent pas vraiment franc-jeu…
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