Le mausolée du saint Sekou Amadou dynamité vers Mopti
Adam Thiam chroniqueur et éditorialiste du Républicain
La main de Hamadoun Kouffa?
Une attaque consternante! C’est ce que disent plusieurs de nos interlocuteurs sur la destruction du mausolée d’une des plus grandes références religieuses et politiques de la région à laquelle Barth et Caillié ont consacré de longues pages dans leurs écrits au XIXè siècle. Naturellement qui a pu faire ça est une question qui trotte dans les têtes. Des cercles religieux y voient la signature de Hamadoun Kouffa. Ce prêcheur à succès de la région de Mopti avait été introduit le 10 janvier à Konna comme l’imam de cette ville. Un imamat qui sera de courte durée puisque Konna sera repris aux jihadistes par l’Opération Serval. Kouffa a rencontre Iyad ag Ali dans la dawa, obédience pakistanaise -donc fondamentaliste- qui s’est très vite implantée dans la région de Mopti à la fin des années 1990. Il a rejoint Ansardine à Tombouctou en 2012 et gage de sa forte amitié avec le jihadiste touareg, Kouffa vivrait aujourd’hui dans l’Adrar où sa femme l’a rejoint. Mi avril, une belle Toyota 4X4 s’est garée à Sirakorola à une trentaine de minutes et sous les yeux ébahis de la population, elle a embarqué l’épouse du prêcheur peul et ses bagages. Il reste deux questions; pourquoi le fondateur présumé du Mouvement pour la Renaissance du Macina ferait ça et ce monsieur donné pour mort vit-il vraiment?
Rigorisme salafiste
Pour la deuxième question, nombre de pistes semblent être des preuves de vie pour Hamadoun Kouffa. A Konna où on dit qu’il a succombé aux frappes françaises, personne n’aurait identifié son corps. Ce qui ne veut pas dire grande chose, car il aurait pu être parmi les dizaines de corps calcinés par l’aviation française et enterrés subrepticement. Mais il se trouve que plusieurs témoignages, après la bataille de Konna, le donnaient pour rescapé. Il aurait, selon des récits dignes de foi, séjourné à Mopti dans sa fuite vers le Burkina. Les sources sécuritaires de la région le donnent plus vivant que mort. Plusieurs attaques dans la région de Mopti ces derniers mois lui ont été prêtées. « Lui et Iyad se voient encore et se sont rencontrés récemment » croit savoir une source avertie sur les mouvements des jihadistes. Que l’on croit mordicus qu’il a été rejoint par son épouse en avril finit de convaincre ceux pour qui le prêcheur peul est en vie. Maintenant pourquoi s’attaquerait-il au mausolée de Sekou Amadou au point de devenir irréversiblement impopulaire dans le Macina, entité dont il passe pour professer la renaissance? Réponses simples: d’abord, un salafiste refuse tout ce qui peut amener l’idolâtrie et les pèlerinages autre que celui à la Mecque. Ensuite, les prêches majeurs de Kouffa dénoncent les descendants de Sekou Amadou qui pour lui ne méritent pas le respect que leur vouent les populations. Il y a également que par le passé le prêcheur controversé n’a eu de cessede pointer ce qu’il considère comme des hérésies de l’époque de Sekou Amadou. Enfin, on ne peut pas rêver de meilleure publicité que de s’en prendre à un vestige aussi symbolique de cette époque que le mausolée de Sekou Amadou lui-même. Le coup n’aura pas la portée médiatique des marteaux de Tombouctou en 2012. Mais il aura fait saigner le coeur de toute une région. Et pour les jihadistes, ce n’est pas un mince butin.
Adam Thiam
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