Le défilé militaire du 14 juillet, sur les Champs Elysées, à Paris, comportera en ouverture une « séquence malienne » – genre triomphe à la romaine, et légions auréolées de leur victoire – avec en tête un détachement des forces armées maliennes, suivi par des contingents africains intervenus au Mali, et des unités françaises de l’opération Serval. Le gouvernement français, qui manque de motifs de réjouissance, ne cesse de capitaliser sur la réussite de son opération dans les sables du Mali …
« Grand succès », se pavane Laurent Fabius, alors que le Conseil de sécurité de l’ONU vient d’autoriser la création, à partir du 1er juillet, de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), que Paris considère comme sa seconde grande victoire.
Le ministre des affaires étrangères dressait mercredi dernier le bilan de l’opération française dans un des salons pesamment rococos du Quai d’Orsay, en compagnie de son collègue de la défense Jean-Yves Le Drian, devant une phalange de petits messieurs bien mis des cabinets : « La France peut être fière… La sécurité est assurée… L’intégrité territoriale du Mali est rétablie… Le drapeau national flotte partout… Un accord a été conclu avec les touaregs du MNLA… Des fonds ont été réunis pour relancer l’activité dans le pays… Une élection va avoir lieu… ».
Et de détailler :
Ave, grand facilitateur 
Avec le collègue de la défense, c’était un peu « Embrassons-nous, Folleville » : « Nos militaires ont été magnifiques … Nos deux maisons ont travaillé la main dans la main… », se félicite le maître du Quai. Le Drian, de son côté, en rajoute sur : Urgence et cohérence 
Les militaires eux-mêmes sont ravis. Le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, se félicitait – en marge du Salon aéronautique du Bourget, la semaine dernière – de ce que, sur le plan aérien, l’opération Serval ait été menée pour la première fois sous contrôle opérationnel entier de la France, à partir de son centre de commandement de Lyon, en coordination avec les moyens de sept pays alliés. Et qu’elle ait permis de mettre en œuvre en un temps record – « dans l’urgence et la cohérence » , a-t-il insisté – l’ensemble des savoir-faire de l’armée de l’air : frappes et appui de la chasse ; commandos ; parachutages ; prises d’assaut ; hélicoptères de combat ; transports de tous types, etc.L’amiral Edouard Guillaud, chef d’état-major des armées, entendu par la commission de défense de l’Assemblée nationale, le 22 mai dernier, avait dévoilé pour la première fois les directives issues des conseils restreints de défense du début janvier : « Stopper l’offensive vers Bamako et ainsi préserver l’existence d’un Etat malien ; détruire – ce qui signifie en langage militaire neutraliser 60 % des forces ennemies – et désorganiser la nébuleuse terroriste ; aider au rétablissement de l’intégrité et l’unité territoriales du Mali ; enfin, rechercher les otages, les nôtres en particulier. »
Dommages collatéraux 
Mission accomplie pour l’amiral, les militaires français ayant su, selon lui, relever une série de défis : Souvenirs de « colo » 
En fait, il n’y a pas tant de raisons de pavoiser. Priorité aux civils 
En outre, alors que l’amiral Guillaud s’est félicité, devant la commission de défense le 22 mai dernier – comme il l’avait fait à propos de l’opération Harmattan de 2011 –, que « le processus décisionnel politico-militaire français ait été aussi réactif, grâce à une chaîne aussi courte que possible », gage de réussite d’une opération, la conduite de l’offensive au Mali a donné lieu en coulisse à une « gueguerre », cette fois entre Le Drian et « ses » militaires, qui prenaient trop leurs aises à son gré.Jean-Dominique Merchet, dans son blog « Secret défense », rapporte que « lors du Mali, Jean-Yves Le Drian a ainsi appelé directement François Hollande pour lui demander que le général Puga, chef d’état-major particulier, cesse de donner des ordres directs au général Castres (sous-chef ops) par-dessus la tête du ministre et du Cema. C’est à partir de ce moment là que des réunions quotidiennes ont réuni les grands chefs dans le bureau du directeur de cabinet du ministre. Selon le vieux principe de Cicéron : “Cedant arma togae”, les armes cèdent à la toge – c’est-à-dire que les militaires obéissent aux civils ». En application de ce retour aux bons vieux principes, les directions des ressources humaines et des affaires internationales devraient échapper désormais à l’état-major général, et dépendre directement du ministre civil.
Pour les uns et les autres, en tout cas, la suite est évidente : « La sécurité de l’Europe se joue au Sahel », répète Le Drian. Maintenant, « il faut penser Sahel », renchérit Guillaud, pour qui « nous devons et pouvons faire prospérer la forte capacité d’influence que la France conserve en Afrique ». Tandis que Fabius, qui met l’accent sur la reconstruction du Mali et le renforcement de la sécurité chez ses voisins, assure qu’« après avoir contribué à remporter la guerre, la France doit gagner la paix ».
Tous pointent aujourd’hui le « danger libyen », et se prétendent « attentifs ». Mais, pour le coup, paraissent bien désarmés…
Notes
[1] Aucun pays européen n’a envoyé de troupes au sol.[2] On en trouve un indice, par exemple, dans les propos du président sénégalais Macky Sall, qui vient de reçevoir Barack Obama à Dakar. Et qui ne cesse de déclarer sa flamme à Paris, après l’équipée malienne : « Je ne remercierai jamais assez la France pour son engagement en faveur du Mali… Grâce à Dieu et à cette intervention, cet appareil terroriste, qui devait déstabiliser toute la zone sahélienne, a été déréglé… Je récuse le terme « imposer » à propos de la tenue de l’élection présidentielle au Mali… », confiait-il au JDD, le 23 juin dernier. L’insistance mise par les dirigeants français, notamment MM. Hollande et Fabius, à exiger de l’exécutif transitoire malien qu’il organise une élection présidentielle le 28 juillet prochain, avait été considérée par certains comme une pression excessive, ramenant aux pratiques de la « Françafrique ».
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